Extrait de "Nous racontons notre vie", La Fonderie, 2013-14
Je viens de Sousse en Tunisie. J’ai fait des études de sciences naturelles en Tunisie.
A Nabeul, j’ai été régent en mathématique entre 1964 et 1967 ; je donnais cours en français. Je garde un bon souvenir car j’ai donné à mes élèves le goût du français et des maths. Ils me craignaient ou ils m’adoraient. Mais je ne laissais pas indifférent.Je voulais pousser ces enfants à être curieux.
Le week-end, on transformait la salle de classe en salle de projection. Chaque professeur devait présenter un film. Je devais présenter un film de Truffaut, « les 400 coups ». C’était la seule salle de cinéma de Nabeul. On y montrait les films égyptiens, Hindous mais aussi français.
J’ai quitté l’enseignement, car je ne gagnais pas suffisamment d’argent ; en effet, je devais aider ma famille et payer un loyer. Mon père était mort quand j’avais 18 ans laissant à ma charge mes trois sœurs et mon petit frère. J’ai donc quitté l’enseignement pour travailler successivement dans deux usines, à Tunis, comme « gratte-papier ».
A un certain moment, j’ai gagné un concours pour travailler à la télé en tant qu’assistant-réalisateur. L’état m’a donné une bourse pour venir en Belgique étudier à l’Insas en 1967. J’y ai aussi réussi un concours et donc j’ai fait cette école avec des grands maîtres.
C’est à cette époque que j’ai rencontré une belge, celle qui allait devenir ma femme.
Ensuite je suis rentré en Tunisie pour travailler à la télé, mais je n’ai plus réussi à m’adapter : on traitait mal les gens, l’ambiance était mauvaise. En 1972 je suis revenu en Belgique ; j’ai refait un an de droit en arrivant ici et je me suis marié.
C’était la crise ici en Belgique. A plusieurs reprises on m’a dit : « vous n’êtes pas belge ! ». J’ai quand même trouvé du boulot dans une société de fabrication de panneaux d’isolation et ensuite dans une société de fabrication de peinture et finalement je suis devenu chef de labo à Vilvoorde. J’ai appris le flamand.
Pourquoi est-on resté ici en Belgique ? parce que ma femme voulait rester ici et qu’on avait du travail.
J’ai encore beaucoup de famille en Tunisie.