Extrait de "Nous racontons notre vie", Laeken, 2012-13

Européenne d’origine espagnole, je suis mariée depuis 45 ans. J’ai 3 enfants et 3 petits-enfants. Je suis arrivée en Belgique en 1964 pour gagner de l’argent.

Enfance en Espagne

En Espagne, j’habitais à la campagne, en Castille. Nous étions quatre enfants. Je jouais beaucoup dans la rue avec les garçons. Je me rappelle que nous piquions les nids des oiseaux.

Le souvenir le plus marquant de mon enfance ? Ma première communion ! C’est un souvenir de tristesse et d’injustice parce que je n’ai pas pu faire la fête avec les autres. J’ai dû aller garder les vaches ; ma mère ne voulait pas que je joue avec les « autres », les riches, elle avait honte.

Chez moi, en Espagne, nous étions 3 filles et un garçon, l’aîné. Ma mère était fort malade ; c’était mon père qui faisait beaucoup à la maison, il faisait le ménage, il était très gentil. Ma mère me demandait l’argent que je gagnais et le donnait à mon frère pour qu’il aille au café.

Migration

Des filles espagnoles partaient à Paris et disaient qu’on pouvait gagner de l’argent. Moi, à la campagne, en Espagne, j’en avais marre de ne pas avoir d’argent pour pouvoir bien m’habiller.

Alors, âgée de 22 ans, je me suis rendue à Barcelone, le temps de gagner mon billet de train pour aller en Belgique. En 1964, avec ma tante et une autre femme, je suis arrivée en Belgique. Je me rappelle à la frontière entre l’Espagne et la France, j’ai été choquée de voir un « énorme » noir !

Arrivée, à Bruxelles, je n’étais pas vraiment attendue. On me demandait : « tu as des sous ? » J’ai dû acheter une couverture avec mes sous… Le lendemain, j’ai cherché du travail. J’ai vite trouvé un emploi d’ « interne » dans une maison à St Josse ; je m’occupais de faire à manger, du ménage, de la petite fille de la maison. J’y suis juste restée quelques mois.

Etre femme

Ensuite j’ai été apprentie dans une maison de couture, rue du Lombard. Par après, je me suis mariée, j’ai eu 3 enfants et j’ai toujours continué à travailler.

Plus tard, quand j’ai été mariée, mon mari voulait donner un coup de main dans le ménage, mais les autres hommes lui disaient : tu as une femme pour ça ! Mon mari, il faut tout lui demander et il faut lui dire merci en plus. Un de mes trois fils aide spontanément, les deux autres ont suivi l’exemple de leur père : mama est là pour ça !

Religion

Pour moi, Dieu n’est pas le Dieu de tout le monde ; c’est mon Dieu. C’est l’esprit du bien à travers des enseignements, les évangiles. Dieu est dans ma tête. Je prie Dieu, pas pour guérir mon fils mais pour qu’il me donne de la force, du courage, de l’intelligence. La religion est très importante, c’est comme un code de circulation, si on ne connaît pas le code, on fait beaucoup d’accidents. S’il n’y avait pas cela, le monde serait un chaos. Croyant ou non, il faut avoir un code de vie. Je crois dans le bien de l’être humain, que ça vienne de Dieu ou pas. Prier, c’est pour appeler la force du bien.

Maintenant

Si je veux retourner pour toujours en Espagne ? Non ! Quand je suis là-bas, je regrette des choses d’ici et quand je suis ici je regrette des choses de là-bas. D’ailleurs, je ne suis pas espagnole, je ne suis pas belge, je suis une migrante …

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