« Il est venu avec un jambon »
Ce sont les premiers mots à propos de celui qui deviendra mon père …
Entre la Pentecôte 1941 et la Pentecôte 1942, mon destin s’est noué….
En juin 41, la flamme du Saint Esprit aidant, Nicole, ma mère, a cru qu’elle allait entrer au couvent…elle a toujours eu un faible pour l’Esprit Saint.
En juin 42, elle se trouve assise toute droite, les genoux un peu serrés, dans le grand salon presque lugubre au premier étage d’une maison bien bourgeoise, rue St Quentin… En face d’elle, tout aussi timide et troublé, Jacques…
Son père, Auguste , et ses peut-être futurs beaux parents , Gaston et Louise, sont dans le bureau, au rez de chaussée, pour discuter des « modalités concrètes de cette union ».On appelle Jacques pour lui annoncer que les espérances n’étaient pas ce qu’ils escomptaient, qu’il devait donc renoncer. Il répond alors à ses parents que cela n’a aucune importance…
Finalement le mariage est fixé au 19 aout 1942
C’est à la tante Marthe que nous devons cette belle aventure ; ma mère avait perdu sa maman quand elle avait 17 ans et la vie à Tournai en ces temps d’occupation ne se prêtait guère aux rencontres. Mon père avait pris racine sur le plateau ardennais, et même s’il se sentait peut-être seul, ne courait les réunions d’aucune sorte.
Tante Marthe a proposé à ma mère de venir l’aider lors d’une fête de charité de la Croix rouge ; il s’agissait de passer avec des plateaux et de servir des cafés.
Elle a aussi invité mon père, dont elle connaissait les parents, à venir à cette même fête, et à apporter un jambon. Merci tante Marthe !
Jacques sait que la vie sera rude dans cette maison au fond des Ardennes, et, de plus, sous le même toit, il faudra cohabiter avec Gaston et Louise. Mon père n’a donc fait sa demande qu’après avoir emmené ma mère pour lui montrer ce cadre de vie, certes très beau, mais isolé, sauvage, rural. Elle qui avait connu les porcelaines de Chine, les salons de musique. Mais Nicole est forte, et puis elle le trouve décidément très très sympathique, ce célibataire endurci.
Les hêtres s’élancent vers le ciel laissant filtrer une lumière douce… C’est un peu comme une cathédrale, les voilà tous deux assis au pied d’un de ces arbres protecteurs.
Le « oui » de Nicole a enchanté les oiseaux et la forêt s’est tue, retenant son souffle , respectant l’émotion de ce premier baiser.
Puis tout s’enchaîne, l’entrevue pour régler les questions concrètes. Vous avez bien compris, il s’agit de la dot. Puis en un été, il faut confectionner la robe de mariage, préparer les invitations, imaginer un repas de noces en ces temps de rationnement.
Les écrevisses ont été pêchées par mon père. Ma mère garde un souvenir ému de la « Tour Henri VIII », une sorte de montage de choux à la crème.
Ils ont prié, ri, pleuré, et les voilà partis en voyage de noces…à Spa.
Laissons-les, nous n’avons rien à y faire.
Le jambon a fait partie de notre quotidien. A Bastogne, cela s’impose !
Mais des années après, pas de chance, ils ont été malades, atteints de botulisme, à cause d’un jambon mal fumé… Ils sont passés à 2 doigts d’aller rejoindre l’Esprit Saint !
Mais c’est une autre histoire….
jacqueline Répondre
merci pour ce message
j’ai été toute surprise de lire un commentaire sur ce texte...c’était la première fois que j’envoyais un écrit
merci Jeannine, et à bientôt peut -être