Je suis née de père et mère burundaises en 1955. Je suis arrivée en Belgique en 1983 car mon mari rentrait définitivement. Je suis née dans une famille assez aisée. J’ai eu une enfance normale ; plutôt de bonnes études car je n’étais pas trop mauvaise. A l’époque, nous avions beaucoup de professeurs européens. Les choses se sont compliquées à partir d’avril-mai 1972. Nous l’avons senti passer en termes d’injures, d’humiliations, de ségrégation, et ce pendant plusieurs années.
Les relations entre Européens et Burundais ?
C’est comme les relations entre nantis et les autres. Même ici, on ne fréquente pas les mêmes milieux. Par ailleurs, les européens traitaient plutôt avec des personnes parlant français parce qu’ils sont allés à l’école. Au Burundi, les européens épousaient pour la plupart des rwandaises, tutsies, plus jolies sans doute, mais certainement plus proches du canon de beauté européen.
Au moment de l’indépendance, j’étais trop petite, je ne me rendais pas compte du changement. Je me rappelle seulement une phrase que j’ai entendu de la bouche de ma mère : « l’état burundais sera plus sévère que l’état belge ! »
On ne mangeait pas, on ne s’habillait pas de la même façon !
Les européens mangeaient comme en Belgique ; il y avait de grands magasins avec des produits européens. Le petit peuple mangeait du manioc, taro, riz, poisson, de la viande et des légumes (aubergines, amarante, feuilles de taro, feuilles de manioc …) A l’époque, il était impensable qu’un européen mange comme nous ! La bourgeoisie burundaise de l’époque se nourrissait de la même façon que les Européens car ils en avaient les moyens ou ils cuisinaient des plats africains une fois de temps en temps.
L’habillement européen est devenu la norme au Burundi en général pour les hommes.
Il y a une différence en ce qui concerne les femmes : pour celles qui avaient fait des études et qui travaillaient dans un bureau ou dans l’enseignement, c’était la tenue européenne. Aucune autre tenue n’était permise. En milieu populaire, c’était le pagne dans toute la région qui longe le lac Tanganika dont la capitale Bujumbura. A l’intérieur, les femmes mettaient des tissus quelconques. Mais actuellement, presque toutes les femmes portent le pagne.
Les rapports hommes-femmes ?
J’ai toujours connu la femme burundaise plutôt discrète. Le couple européen montrait plutôt une épouse égale à l’homme. Mais la tradition burundaise permettait à certaines femmes d’émerger. Dans ma région natale, j’ai connu des femmes qui étaient plus riches que leur mari ! En milieu musulman, les choses étaient différentes : les femmes et leurs co-épouses devaient travailler pour faire bouillir la marmite. Le mari ne faisait pas grand-chose. Cette coutume perdure malheureusement jusqu’à nos jours.
La religion ? Aujourd’hui, pratiquement tous les africains adhèrent à des religions d’origine étrangère.
Avec le désespoir et l’appauvrissement, on a inventé diverses églises du réveil qui, généralement, enrichissent les fondateurs ! Dans les religions chrétiennes en général, on a des fanatiques qui ne supportent pas la moindre herbe pour guérir ceci ou cela. Ils ne jurent que par la médication européenne ; je trouve que c’est une grave erreur.
Une tradition importante ? La dot.
Personnellement, j’ai demandé à ce qu’une dot soit payée pour moi par respect pour mes parents. Ils appartiennent à un autre monde. Mais par contre, je n’ai pas demandé la même chose pour mes filles. Une amie belge ancienne du Congo que j’appelle régulièrement est convaincue que la dot est un prix de vente : NON, NON et NON !!!! Il est vrai que la cupidité de la famille de la fille l’a fait penser à un certain moment. Et quelque part, chez certains, avoir une fille c’est comme avoir un compte bancaire !
Au Congo par exemple :
Des jeunes filles préfèrent avoir des enfants sans être mariées ni se mettre en ménage pour éviter les problèmes avec un mari !
Des femmes essaient d’avoir une fille au teint clair (métisse) pour la marier à un riche plus tard !!! La peau claire est synonyme de beauté !!!
Lorsqu’on dit à certaines familles de ne pas donner leur gamine de 14 ans en mariage, (entre autres pour éviter les fistules après l’accouchement) elles rétorquent : « Est-ce que c’est toi qui vas nous donner à manger ? » Ici, une dot élevée payée par un polygame riche passe avant tout autre considération !!!
Personnellement j’ai mal vécu la fugue de mes 2 filles et surtout le soutien dont elles ont bénéficié. Je me suis sentie lâchée et surtout méprisée en tant que mère africaine.
L’immigration africaine me fait réfléchir...
Nous avons gardé un lavage de cerveau : seule la vie en Europe compte. L’Afrique ne vaut rien.
Certains européens oublient que ceux qui arrivent ici ont pris l’avion ; donc, ils ont les moyens de le faire !!
Les réclamations actuelles au sujet de Léopold II ; il a fait quelque chose de bien pour ce pays. Pourquoi exiger qu’on déboulonne ses statues ?
La cruauté ? Oh, elle s’est retrouvée chez tous les peuples...
les enfants grecs envoyés aux Apothètes, gouffre voisin du Taygète,
la colonne lactaire chez les Romains,
chez les Esquimaux, une gamine sans futur mari était tuée,
les gamines enterrées vivantes en Arabie avant les exhortations du prophète,
l’anthropophagie chez certains Africains,
les sacrifices humains pour apaiser la colère d’un crocodile ou de tel dieu …
le meurtre d’un jumeau en Afrique de l’ouest …..
plus près de nous, les joyeusetés d’un Mobutu, d’un Hissène Habré, d’un Bokassa…..
Concernant l’esclavage, crime horrible : est-ce que ce sont les européens qui couraient derrière les Africains à travers la forêt ou la savane ?
Je souhaite aller passer de longs mois au Burundi : nous ne devons pas continuer à mépriser l’Afrique !!!!
Le problème, c’est le montant de la retraite !
christian coen Répondre
Mon premier contact avec le Congo fut en août 1960 au Katanga. L’accueil des Africains était chaleureux. Cinquante huit ans plus tard je garde encore le contact avec mon premier ami de là-bas et à travers toutes années nous avons eu beaucoup d’échanges épistolaires et à présent téléphoniques.Ici à Bruxelles je parle toutes les semaines avec mon contemporain congolais qui y vit depuis une quinzaine d’années. Professionnellement j’ai beaucoup travaillé avec des Sénégalais, Maliens, Nigérians ... nous défendions des projets en vue de leur réalisation ( barrages, centrales hydroélectriques) face aux "bailleurs" de fonds type Banque mondiale ... souvent arrogants, ce qui n’était pas le cas des fonds arabes ou allemands. Je pense que de part et d’autre bien des gens ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour un développement harmonieux. Ce qui compte c’est de poursuivre cette compréhension. On peut être différents mais surtout complémentaires.
IL faut aussi parler franc comme le fait Catherine . Il est trop facile de critiquer ce qui s’est passé il y a 130 ou 140 ans et refuser un logement ou un travail aujourd’hui aux Africains qui vivent parmi nous. Le vrai scandale est actuel