Mes souvenirs du Congo où je ne me suis jamais rendu ? Voyons voir…

D’abord « Tintin au Congo », la première bande dessinée offerte par mes parents alors que j’apprenais à lire… Tintin, les nègres, les missionnaires, les crocodiles, les éléphants et les lions, les hommes-léopards et les sorciers, tout ça me faisait rêver, et ce livre a certainement participé à ma conviction d’enfant d’apprendre rapidement à lire pour tout comprendre… C’est ainsi que je savais déjà lire en entrant en 1ère primaire.

En 1958, j’avais 5 ans et demi à l’ouverture de l’Expo. Pendant toute la durée de l’Expo, mes parents ou tante Eugénie, avaient pris l’habitude de m’y emmener le dimanche. Il m’en reste quelques souvenirs…

Il y avait surtout ce circuit automobile pour enfants où j’avais plusieurs fois piloté des voitures… je me souviens de ma frustration et de ma grosse colère du jour où l’on m’y avait refusé l’entrée. Un enfant s’était gravement blessé et depuis, par mesure de sécurité, seuls les plus de 8 ans étaient autorisés à y rouler…

Il y avait aussi le téléphérique… J’en recevrai d’ailleurs un à la Saint Nicolas… Mais vu l’encombrement dans la salle à manger, les parents l’ont rapidement enlevé, pour ne jamais le réinstaller…

Enfin, il y avait l’enclos des Nègres que je voulais vraiment voir…

Voir en vrai le village de « Tintin au Congo » : des vrais nègres qui mangent, qui se chamaillent, qui chantent ou qui jouent du tam-tam !

Chaque fois qu’on allait à l’Expo, nous partions les voir, mais c’était chaque fois la déconvenue. On ne les a jamais vus, seulement des cases vides sur terre battue…
Les Nègres étaient malades et le village était fermé, me disait-on chaque fois.

Au retour, nous allions en pâtisserie acheter des petits gâteaux… mon préféré était en chocolat, c’était le « tête de nègre »…

J’avais passé mon « Jardin d’enfant » (comme on disait pour les classes maternelles) et ma 1ère primaire à l’Enfant Jésus, rue ‘t Kint à Bruxelles. Je me souviens qu’on y parlait des missions au Congo. Les missionnaires étaient habillés et casqués de blanc pour se protéger du soleil d’Afrique, au contraire des soutanes noires des religieux d’ici.

A l’école, se trouvait une tirelire pour collecter de l’argent pour les missions. Une tirelire qui représentait un enfant nègre qui remerciait de la tête lorsqu’on mettait une pièce dans la fente.

En première, parmi les élèves de notre classe se trouvait Martine, qui par suite d’une maladie avait la peau noire. On pouvait sans crainte jouer avec elle : ce n’était pas contagieux.

Des années plus tard, Maman m’expliquera que ses parents blancs l’ont adoptée au Congo et qu’ils n’avaient rien trouvé de mieux que de parler d’une maladie lorsque Martine leur avait posé des questions sur sa couleur de peau. Maman trouvait ce mensonge dangereux, car quand elle sera grande, Martine le reprochera certainement à ses parents.

En 1ère primaire (1958-1959), sans doute le 15 novembre pour la fête du Roi, nous avions appris la Brabançonne, et il avait été demandé aux élèves d’apporter quelque chose en rapport avec la Belgique…

A cette occasion, les parents m’avaient offert un peloton de petits soldats qui défilaient au pas, le fusil à l’épaule. Il y avait quelques soldats musiciens et un porte-drapeau…C’étaient des soldats en plâtre armé… Ils sont restés exposés dans la classe jusqu’à la fin de l’année.
On nous avait fait colorier l’image des drapeaux croisés belge et congolais. Le congolais était bleu avec une étoile jaune.

Très vite mon petit frère Raymond et moi sommes devenus grands amateurs de jeux de soldats… Les soldats en plâtre armé qui défilaient gentiment ont vite cédé la place à leurs successeurs en plastique, avec lesquels nous nous faisions la guerre. C’est ainsi qu’à la Saint Nicolas de 1960 nous avons reçu des soldats noirs. Nous avions reçu moitié soldats blancs et moitié soldats noirs. Exactement les mêmes uniformes, les mêmes postures mais les uns blancs, les autres noirs.

Il y avait même deux rois… Enfin, l’un des deux était président de la république…

Maman avait un cousin de son côté maternel, Willy qui était colon au Congo. C’était lui qui était censé être le parrain de notre sœur Anne, née le 26/01/60. Ses activités au Congo ne lui ont pas permis de revenir en Belgique pour le baptême… C’est ainsi qu’à 7 ans, j’ai eu l’honneur et la grande fierté de devenir le parrain de ma petite soeur.

En 1964, il y avait eu de nouveaux massacres et les paras belges étaient intervenus à Stanleyville… Je me souviens avoir cherché dans le Soir Illustré le visage de Willy parmi les réfugiés et les cadavres…Je sais qu’il est revenu du Congo... mais après on l’a perdu de vue.

Nous n’avons plus de contact avec la partie maternelle et flamande de notre famille.

A l’époque, j’étais en 6ème primaire à l’institut St Georges, rue des Alexiens. L’instituteur était Mr Louis D.

Peu après ces événements, nous avons reçu un nouvel élève en cours d’année, un certain Leurquin dont je ne me souviens pas du prénom, revenu avec sa mère, réfugiés du Congo.
Son père y avait laissé la vie. Leurquin n’était pas un élève comme les autres. Il était un peu retardé… sans doute avait-il été traumatisé…

Je me souviens d’un devoir de rédaction, pour lequel Leurquin avait pris son père comme sujet. On devait écrire une page et demie, mais lui n’avait écrit que quelques lignes.
Ces quelques lignes m’avaient ému, car nous savions que son père avait été assassiné au Congo. En tenant compte du contexte, ces quelques lignes auraient pu mériter un dix.
Mais Mr D. n’a pas été ému : il lui a donné zéro.

1 commentaire Répondre

  • Michèle Répondre

    Martine, noire de peau car elle avait attrapé une maladie !
    Cela, je ne l’avais jamais entendu ... dire cela à son enfant adopté ...

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