Le Congo existait pour moi au travers de témoignages que m’en faisait un oncle à son retour. Dans ma tête de petite fille, ce pays représentait le soleil, la nature exubérante, la belle vie.

Un autre frère de mon père partit à son tour et en tant qu’enseignant, il rentrait chaque année et occupait une partie de notre grande maison. Les repas se partageant, nous étions suspendus aux lèvres de ma tante qui nous racontait avec plaisir leurs aventures diverses et celles de leurs boys, considérés à part entière dans leur famille, qui étaient atteints de grande distraction, faits propices à des situations cocasses.

Je me régalais et ... je les enviais.

Aussi, quand mon amoureux oscilla entre des études de médecine ou d’administrateur territorial, le choix fut vite fait. Je me souviens que l’on parlait aussi du Congo à l’occasion de prêches nombreuses distribuées par les Pères lors des Missions. Je crois que, depuis la fin de la guerre, ce pays a toujours fait partie de mes rêves les plus fous.

Mon fiancé, partit à Anvers pour quatre années d’études et l’institut les amenait déjà dans l’ambiance : projection de la vie future, en brousse pour débuter, préparation des épouses. C’est pour taper les rapports de celui qui serait mon mari que j’ai pris des cours de dactylo
et de sténo.

Notre vie s’articulait déjà vers cette contrée pour qui nous ressentions de l’amour. L’Expo 58 nous permit de nous confronter à la réalité que l’on voulait bien nous montrer. Tout le monde y croyait à cette époque.

Un an avant la fin des études de mon promis, en 1959, nous rencontrâmes, à l’occasion d’un mariage, un père tout juste rentré de là-bas. C’est avec un certain enthousiasme que nous lui expliquâmes notre projet de vie mais il éteignit bien vite notre flamme en nous intimant : “ Vous arrivez trop tard, vous n’aurez plus l’occasion d’y aller”.

Comme aucun bruit ne courait dans la presse à ce moment-là, nous avons, trop facilement peut-être, mis ses affirmations sur le compte du pessimisme mais, malgré tout, nous ne pouvions ignorer cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de notre tête et notre moral en souffrit beaucoup.

De l’Indépendance, peu de souvenirs, si ce n’est un jugement négatif sur la précipitation des choses. Nous étions terrés pour ne pas entendre les réjouissances car notre coeur saignait d’un mal non
guérissable. En fait, nous étions dans une telle sidération que la réalité ne pouvait nous atteindre.

Nous ne sommes jamais partis et avons gardé toute notre vie un sentiment d’échec et la certitude au coeur d’être passés à côté de nos espoirs les plus fous.

Nous avons continué à suivre, le calme revenu, tout ce qui pouvait se rapporter à ce pays, nous sommes abonnés à des publications ciblées comme” Jeune Afrique “ ....

Ce désir brisé comme un cristal éparpillé nous a fait souffrir sans failles.
Le Congo restera toujours, pour nous, un rêve inaccessible et notre plus grand regret lourdement porté pendant ces années.

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