C’est à travers le regard de maman et mes souvenirs de petite fille de 6 ans, que je vous raconte les premiers jours de la guerre de 1940.
Le 10 mai 1940
Les avions allemands survolent Bruxelles, la DTCA belge tire avec rage, mais sans succès.
Les allemands lancent des bombes sur Bruxelles, une de celles-ci tombe au boulevard Brand Whitlock, au bout de notre avenue de Woluwé St Lambert.
Dans l’après-midi, maman décide de ne pas quitter la Belgique, mais d’aller à la campagne, près de Ath, dans la propriété familiale à Tongre-Notre-Dame, avec ses 4 enfants. (8 ans, 6 ans, 4 ans et 2 ans).
Notre oncle Yves, encore étudiant, nous y conduit en auto.
Papa rejoint son régiment.
Le 11 mai
Tongre-Notre-Dame se vide doucement.
Durant la journée, 500 soldats français arrivent au village, ce sont la plupart des Algériens avec leur fez rouge.
Ils s’installent dans le parc et le soir dansent au rythme des casseroles, à notre plus grande joie…
Le 14 mai
C’est un cortège sans fin de réfugiés qui passe et repasse sur la route du village. Les gens fuient sans arrêt.
Une vingtaine s’installe chez nous, avant de repartir vers d’autres cieux…
Le soir, nous nous retrouvons à 25 personnes autour de la table. Que manger ?
Le 15 mai
Grand combat d’avions juste au-dessus de nous, vacarme terrible, nous descendons tous dans la cave, sauf les garçons qui vont sur le toit pour mieux voir…
Nous les enfants, nous avons peur.
Le 16 mai
Un Etat-Major anglais s’installe près de chez nous avec une dizaine de camions.
Aussi, nos invités décident de partir vers la France, nous voilà seuls.
Le 18 mai
Les Allemands arrivent, et le bourgmestre donne l’ordre à tous ses concitoyens de quitter le village.
Malgré tout, maman décide de rester, nous voilà donc tout à fait seuls, maman seule femme à bord.
Les soldats français en partance sont tout étonnés de nous voir rester.
Le soir, les bombardements augmentent, vive la cave, chaque enfant dans un caveau de vin.
Le 19 mai
L’après-midi, un bruit de moto, ce sont les Allemands qui ouvrent la grille d’entrée et pénètrent dans le jardin.
Maman se dirige vers la porte avec ses 4 enfants, et les 2 Allemands lui demandent s’il y a encore des soldats français ou anglais dans le village.
Suite à sa réponse négative, ils se mettent à rire et demandent du vin.
Puis, arrive une centaine d’Allemands dans le parc. Dans la maison, nous voilà confinés dans 2 chambres.
Le soir, ils nous donnent du chocolat. (ce que je n’ai pas oublié…)
Le 20 mai
La nuit, nous devons mettre une grande armoire derrière notre porte, car des Allemands saouls tentent d’entrer dans notre chambre.
Le 21 mai
Arrivage de 200 Allemands.
Nous n’avons plus de quoi nous nourrir, et nous sommes dans l’obligation de demander à l’armée allemande de nous alimenter.
Nous recevons la gamelle militaire.
Le 22 mai
Ma soeur ainée tombe malade : la rougeole. Elle délire.
Le médecin allemand décide de nous rapatrier sur Bruxelles, de peur d’une épidémie de rougeole pour son armée.
Nous voilà donc, en convoi sur Bruxelles, entourés de soldats armés pour nous reconduire à la maison.
C’est un souvenir qui reste bien marqué en moi.
Je n’oublierai jamais le courage de maman qui ne montrait jamais sa peur et qui pleine de fantaisies nous racontait des Contes.
Sylvie Répondre
Bonjour Sabine,
Ta dernière phrase me conforte dans l’idée que les parents, par leur attitude, peuvent aider les enfants à supporter bien des choses et changer la teneur émotionnelle des événements. Cela demande une grande force d’esprit.Ta maman devait avoir beaucoup de caractère.