En mars 2018, nous décidions mon compagnon et moi, de nous éloigner de la vie urbaine pour nous plonger dans l’univers rural de la campagne française. Plus éloignés encore de la vie rurale, nous séjournions en réalité dans une maison en bois, au milieu d’une forêt de Douglas, avec pour seuls compagnons de vie les geais, les loirs, les chouettes, chevreuils et autres habitants de la forêt. Bien sûr, endossant nos vélos tout terrain, nous partions à la rencontre des habitants des alentours et avons ainsi vécu une expérience marquante. Je vous livre ici mes impressions après seulement deux mois de vie boisée :

« Voilà presque deux mois que je me suis lancée dans une expérience de vie boisée... Deux mois que l’on vit hors du temps de la ville et des nouvelles internationales. Deux mois que l’on vit au contraire au rythme du vent, de la pluie, du soleil, des oiseaux et des arbres. Deux mois remplis d’apprentissages divers, allant de l’agnèlement de brebis, au tronçonnage de bouleaux, ainsi qu’à la construction d’escaliers et de fondations en béton !

"L’homme libre est celui qui dispose de temps" dit Sylvain Tesson. À la cabane, je ne me suis jamais sentie aussi libre ! Jouir d’un lopin de terre, c’est avoir l’espace pour créer, rêver, inventer, tester toutes sortes de choses, impossibles dans l’univers bétonné d’une ville. Je me suis lancée par exemple dans la construction d’un potager à étages, avec système d’irrigation artisanal et original. Graines de radis, carottes, petit-pois, panais, épinards s’y côtoient gentiment. Pas sûr qu’ils arrivent à maturation par contre (la terre semble argileuse et acide) ! Mais rien n’empêche d’essayer, ici, j’ai le temps d’apprendre, de me tromper, de recommencer…

Ici dans les bois, on se rend compte qu’on a un corps ! Un corps qui trinque entre les coups de bêche, les brouettes de sable à déplacer, les troncs à débiter, ... plus besoin de Basic Fit ! Une partie particulièrement mise à mal : les mains. En ville, bagues, vernis, crème enrichissante pour garder la peau douce, guerre aux cuticules, ... Dans les bois, place aux ongles cassés, durillons, à la boue perpétuelle sous les ongles, aux échardes, brûlures, puis aux muscles douloureux, même ceux des mains ! Je comprends maintenant tout l’intérêt de ces petites brosses en poils durs que l’on trouve parfois à côté d’un évier d’extérieur. Des brosses pour hommes et femmes de la terre !

Au-delà des travaux pratiques qui nous occupent une bonne partie du temps, nous rencontrons des personnes extraordinaires. Parmi eux, Patrice, un homme construisant des maisons en terre paille ; Amandine et Ben, un couple de belges se lançant dans la conception de fromages ; Marie-Agnès, bergère et tisseuse de laine ; Isabelle, fine connaisseuse des plantes sauvages ; Jeff, jeune homme se lançant en permaculture ; Ine, sculpteuse sur béton... Si je partais avec l’idée et l’envie d’apprendre tout ce qui m’était permis d’apprendre d’une vie au vert, je n’aurais jamais imaginé rencontrer tant de gens magnifiques et passionnants. Des personnes qui m’inspirent et qui me laisse penser que tant de choses sont possibles sur terre. Tout est possible si l’on se fait confiance. Si l’on fait confiance à la vie et aux rencontres. Les réflexions de Sylvain Tesson résonnent ici d’autant mieux : "On ne manque jamais de rien lorsque l’on organise sa vie sur l’idée de ne rien posséder". Toutes ces personnes vivent avec peu, parfois très peu (Marie-Agnès vit sans électricité et Jeff, dans 5m carré par exemple), mais ne semblent manquer de rien... Oui, parfois l’hiver est dur, elles confessent, mais les trois autres saisons tellement belles. Ces personnes m’inspirent énormément et je trouve ici quelque chose de juste.

C’est plus qu’une vie dans les bois, plus qu’un congé sabbatique, qu’un simple dépaysement, je vis plutôt un voyage initiatique, où d’autres possibles prennent vie ! Nous ne rejetons pas la ville et son dynamisme culturel mais nous ouvrons l’éventail des choix de vie, ce qui, je pense, nous aidera à choisir de façon d’autant plus éclairée par la suite.
Ces mois d’immersion au rythme de la nature m’ont aidé aussi à accepter que la vie a besoin de la mort. Toutes les espèces animales se régulent par la mort de certaines, et ce, afin d’assurer l’équilibre de l’écosystème. J’ai pu ainsi vivre au mieux la mort de mon grand-père, pilier de ma vie depuis toujours, en savourant ses derniers moments et en acceptant qu’il parte, laissant derrière lui autant de petites graines de vie qui germent en nous au fil des jours. Une mort pour autant de vie à travers ses enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants. »
Rentrés en Belgique après 6 mois de vadrouille, les mains dans la terre, mon compagnon et moi sommes heureux d’avoir vécu cette expérience, de nous être ouverts à tant de possibles vies. Nous ferons, je l’espère, des choix éclairés par la suite, et surtout, nous continuerons à faire confiance à la vie, à ses rencontres et ses hasards, en essayant de se détacher au plus des stress financiers et matériels, comme Jeff, Marie-Agnès, Ine, Franck, Isabelle, et tant d’autres. Au final n’est-elle pas là, la clé du bonheur ?

3 commentaires Répondre

  • mounah Répondre

    Bonjour Anne-Claire. C’est tout à fait merveilleux l’histoire que vous avez racontée ici sur le voyage initiatique que vous et votre compagnon avez fait. Je suis totalement éblouie, et je vous remercie beaucoup de nous l’avoir fait partager. Je me demande parfois pourquoi toujours rester en ville à regarder les milliers de voitures qui circulent, et les gens qui se précipitent partout, quand non loin de là , il y avait un endroit idéal pour voir et sentir la beauté naturelle. Je pense que si j’avais le temps, je ferais aussi une petite escapade comme vous, même pas très loin, juste pour sentir la beauté de la prairie. Mais tout d’abord, il faudrait que je me prépare sur le matériel à emporter pour éviter les risques d’accidents. Un revendeur de chaussures de randonnée venait de m’informer que si jamais j’imaginais acheter une chaussure de marche, il m’avait suggéré d’"en savoir plus sur notre blog" selon lui pour cela. Je vous remercie beaucoup.

  • JeannineKe Répondre

    Faire une parenthèse, tester une vie différente, artisanale, campagnarde c’est une belle expérience, une découverte ! Bravo pour cette aventure particulière

    la découverte culturelle qu’offre la ville est un autre enrichissement malgré le stress, la pollution, le bruit, les problèmes quotidiens
    Tout est relatif ...

  • Baloo1300 Répondre

    Quelle belle et lumineuse histoire. Cela fait trente ans que je pense à "décrocher" pour ce genre de vie... Sans pouvoir faire comme toi, passer à l’acte, lâcher prise.
    Je serais heureux de te rencontrer pour avoir plus d’informations sur le contexte qui t’a permis d’ouvrir cette parenthèse sur ton existence...
    Bonne continuation de ton parcours, et calme au long de ta route.
    Bernard

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