Une réalité : je suis née au siècle passé ! Ecrire cette phrase m’interpelle. Elle me renvoie à mes arrière-grands-mères que j’ai bien connues. Mes petits-enfants diront aussi « ma grand-mère est née au siècle passé ».
Si je regarde dans le rétroviseur, des changements se sont glissés dans mon quotidien, dans la ville, dans le monde.
Je n’ai jamais été à la recherche de la dernière invention, mise sur le marché, dans le domaine ménager : un peu par manque d’intérêt, mais surtout par refus de multiplier les appareils qui finissent par encombrer les armoires. Dans la maison, un seul appareil m’est devenu indispensable : le lave-linge. Nous avons acheté le premier lave-linge après la naissance de notre premier enfant en 1980. Avant, je faisais la lessive, soit à la main, soit avec une « mini-wash » : petite machine qu’il fallait remplir d’eau chaude et que je plaçais dans le bain. Le moteur électrique tournait le linge pendant un temps défini, temps pendant lequel l’eau se refroidissait. A la fin du lavage, il fallait vider l’eau, rincer et essorer à la main. Le lave-linge à la maison a révolutionné ma tâche de la lessive. C’est le seul appareil qui est remplacé immédiatement après une panne fatale.
L’arrivée de l’ordinateur dans la maison au début des années 90 a révolutionné mon travail d’enseignante : le traitement de texte, les tableaux Excel et autres programmes ont amélioré et accéléré la préparation de cours et la gestion des points des élèves : Adieu stencil, Typex, pages à retaper intégralement pour modifier la mise en page etc. L’accès à l’information via internet a été aussi une innovation facilitatrice du travail de préparation, mais n’a pas opéré une aussi grande révolution que l’ordinateur lui-même.
Se déplacer aujourd’hui n’a plus tout à fait la même signification qu’au siècle passé. Le réseau autoroutier s’est développé, densifié en Belgique et dans les pays voisins. Le nombre et la vitesse des voitures ont augmenté, ce qui me stresse souvent d’ailleurs. Le confort dans la voiture se rapproche de celui que l’on trouve dans notre salon : sièges confortables, grande qualité d’écoute de la musique. Une voix féminine ou masculine vous guide dans les arcanes des échangeurs autoroutiers ou vous sort des dédales des centres urbains. Il est bien loin le temps du voyage bercé par le « tac- à -tac » bruit du passage de chaque dalle de béton qui constituait le revêtement de « l’autostrade » de la mer ! De ces déplacements, je ne regrette que la perte de conscience du changement d’environnement ! J’ai la sensation aujourd’hui lors d’un long trajet en voiture d’être installée, du départ à l’arrivée, dans une sorte de sas de transit où l’espace traversé du nord au sud de l’Europe est identique de la verdure le long de la chaussée jusqu’à l’offre des paquets de chips ou plats du jour dans les aires de service. L’abandon de l’usage de la carte routière au profit du GPS dont je reconnais par ailleurs l’utilité, renforce encore cette perte de conscience de l’espace parcouru.
Traverser l’Europe n’étonne plus.
Prendre l’avion devient aussi banal que de monter dans le tram. « Au siècle passé » prendre l’avion, était un voyage-évènement. Les voyageurs prenaient soin de leur tenue vestimentaire. La moitié de la famille faisait le déplacement jusqu’à l’aérodrome pour l’au revoir du départ ou pour l’accueil à l’arrivée. Aujourd’hui, le prix du billet d’avion a sans doute atteint le niveau le plus bas. Aller passer un week-end à Barcelone ou à Tallin (la destination souvent déterminée, plus par le prix du billet que l’intérêt du lieu), faire du shopping une journée à Milan ou résider dans le sud de la France en gardant son poste de travail à Bruxelles sont devenues pratiques courantes. Je ne porte pas de jugements sur ces choix. La banalisation des distances fait partie du 21ème siècle. Un aspect me dérange cependant profondément : voyager en avion coûte beaucoup moins cher que voyager en train. Peut-être la prise de conscience de l’impact de ces déplacements sur l’environnement modifiera à nouveau le choix de nos loisirs et nos modes de déplacement.
La communication, encore un domaine où j’ai assisté à de nombreux changements. En Belgique, chez mes grands-parents, le téléphone : noir, métallique, au cornet trop grand et lourd pour une main d’enfant, relié par un cordon à la prise trônait sur un meuble dans le hall d’entrée ou dans la cage d’escalier. La sonnerie « dring dring » faisait sursauter et courir pour décrocher ! En 1960, dans les Ardennes, il fallait passer par un opérateur (opératrice), lui énoncer le numéro de téléphone souhaité et attendre que la communication passe. Une bonne ou mauvaise nouvelle, des félicitations pour un heureux évènement ou des condoléances ont été transmises jusque dans les années 1980 par télégramme : service de communication qui a disparu en 2018. Le SMS, le mail et autres sont passés par là. Nous n’avons eu le téléphone à la maison qu’à la fin de l’année 1980. Jusqu’alors, nous utilisions la cabine téléphonique du quartier. J’ai longtemps utilisé ce moyen téléphonique pour prévenir du retard important du train ou autre imprévu majeur. Ce n’est qu’en 2004-2005 que j’ai eu un GSM soit à plus de 50 ans. Cette évolution facilite la communication au quotidien. Mais elle a aussi induit pour moi un élément désagréable : l’attente d’une réponse quasi immédiate aux questions posées dans les SMS. Cette accélération se poursuit avec l’utilisation du smartphone : les mails, les messages et photos sur WhatsApp ou autre réseau social arrivent chez le destinataire à peine envoyés. Le temps de réflexion pour écrire un message, une lettre ou prendre une photo se réduit. Les messages instantanés se multiplient. C’est le destinataire qui opère le tri et retire les informations importantes. J’ai déjà envoyé l’une ou l’autre photo de vacances à mes amis via WhatsApp, mais je préfère encore envoyer une carte postale !
Une autre réflexion me vient à l’esprit : que deviendront tous les selfies et autres photos prises par les téléphones ou appareils photos ? Je suis encore de la « vieille école ». J’aime les albums photo. Ils sont, pour moi, un témoin important du passé. J’ai continué une tradition familiale : coller les photos-papier dans un album. Une quarantaine des dernières années sont ainsi illustrées. Avec encore un certain apprentissage, je finirai par commander sur un site web un album-photo.
Pendant de nombreuses années, le journal « Le Soir » a été déposé tôt le matin dans notre boîte aux lettres. Depuis mars 2018, je « charge » le journal dans ou sur ma tablette. Après réflexions non achevées, j’ai choisi de passer, lors du renouvellement de l’abonnement, au journal numérique. Mis à part la diminution du papier, quelles seront les conséquences au niveau de l’emploi dans l’imprimerie, dans la distribution, au niveau du confort de lecture ?
Le passage au numérique prend de plus en plus de place dans le quotidien. Souvent, j’ai l’impression de devoir faire le travail de l’employé de banque quand je fais un virement. Même les boites aux lettres ne se remplissent plus de factures, celles-là aussi arrivent dans la tablette !
Il y a du changement dans l’air, côté shopping. Je refuse encore de faire des achats en ligne. J’ai peur de voir disparaitre les commerces de détails et de ne plus avoir de contacts entre le produit recherché et le vendeur. Le développement du commerce en ligne fera perdre encore des emplois dans le secteur tertiaire, désertifiera les centres urbains mais multipliera les livraisons par route. Si je n’achète pas en ligne, je paye de plus en plus avec ma carte bancaire. Ceci est aussi un changement. Cette carte nous permet aussi de retirer de l’argent (des euros ou autres monnaies) à l’étranger.
Un changement m’inquiète : l’arrivée de Netflix dans la production et la diffusion des films. Etre abonnée pour voir des films tous sortis du même moule me fait peur de perdre un de mes loisirs préférés : aller au cinéma.
Sans doute il y a eu d’autres changements dans mon quotidien, mais je n’en ai pas ou plus conscience.
Le monde a changé. Je me limiterai à mon environnement le plus proche, la Belgique et l’Europe.
La libre circulation des personnes (et des marchandises, cet aspect est moins visible dans le quotidien). Finis les files et les contrôles au passage en voiture ou train de la frontière. Disparue la question : avez-vous quelque chose à déclarer ? Le passage d’un pays à l’autre est à peine perceptible. Je trouve cet aspect très pratique.
Le passage à l’euro ! autre grand changement. Depuis 2002, il n’est plus nécessaire de changer de l’argent pour voyager dans de nombreux pays européens.
La banalisation des distances, la libre circulation au sein de l’Union Européenne, le passage à l’euro sont autant d’éléments qui réduisent encore le dépaysement lors d’un voyage.
La Belgique a changé. La fédéralisation de l’état, longue à mettre en place, facilite la prise de décisions dans une série de domaines. Mais si on n’y prend pas garde, on découvrira que les préoccupations de l’autre région ne sont plus les mêmes que les nôtres. L’information a tendance à s’arrêter à la frontière régionale.
JeannineK Répondre
Anne,
bravo pour ce texte dont je partage chaque paragraphe !
quant à l’ordinateur , c’est grâce à à‚ges et Transmissions que je me suis initiée au traitement de texte indispensable pour le "j’écris ma vie" en 2000
pour le passage à l’Euro, enchantée de ne plus trimbaler 5 monnaies différentes pour me rendre en Italie en voiture
nous prenions alors l’autoroute du Soleil, calme et roulante. C’est à présent l’autoroute des payages et embouteillages !
beau texte, merci
Jeannine