Puisqu’écrire sa vie, c’est un peu se déshabiller, laissez-moi vous parler de moi au travers de mes vêtements et d’un à un vous les suspendre ... sur le fil du temps.
Le premier - je dois alors avoir deux ou trois ans- est aussi celui que je préfère : une robe-salopette en polyesther rouge tomate. Elle a pour moi un goût de voyage et de rêve puisqu’elle m’a été ramenée des U.S.A où j’ai vu le jour et grandi pendant 18 mois. J’aime triturer le sympathique poussin en caoutchouc collé sur la poche avant. Un « Hello ! », inscrit en lettres grasses semble retentir joyeusement de sa bouche. Moi qui suis née un jour de Pâques, ce poussin ne peut manquer de m’appeler à mordre la vie à pleines dents. Forte de ma robe-salopette et de mon petit compagnon, je me sens gaie, légère, libre de courir et de jouer.
Il y a aussi tous ces sous-pulls pelucheux à force d’être mis, ces pantalons qui me semblent dépourvus de charme car déjà portés auparavant par ma soeur, Cécile. Il ne faut pas gaspiller ! Dépit de la cadette face aux privilèges de l’aînée.
Et puis très vite, dès l’école primaire, vient le temps des uniformes : uniforme scolaire blanc et bleu marine, uniforme beige et kaki des mouvements de jeunesse. A la fierté initiale de ces nouveaux habits comme symboles d’appartenance, succède rapidement l’ennui de la conformité. Alors, tout l’art consiste à personnaliser sa silhouette en respectant le règlement vestimentaire, là par des lignes sur le chemisier, là par une paire de boucles d’oreilles un peu colorées, là par un petit logo fixé sur un pull...
Je me souviens encore avec honte de cette paire de chaussures démodées à brides héritées de ma cousine. Leurs talons sont trop larges et trop hauts. Je suis en 5ème primaire et le règlement scolaire interdit le port de chaussures à talons hauts. Une compagne de classe, particulièrement « peste », m’a dénoncée à l’institutrice avec cette cruauté propre aux enfants.
Sylvie, peux-tu te présenter sur l’estrade ? demande Madame.
Humiliation de devoir exhiber mes pieds mal chaussés devant 25 paires d’yeux moqueurs. Honte d’autant plus grande qu’un léger handicap me fait marcher les pieds vers l’intérieur et m’oblige à porter des semelles orthopédiques.
Est-ce pour cette raison que j’ai développé un goût pour les belles chaussures ?
Rêve de petite fille : quand je serai grande, j’en ouvrirai un magasin ! Souliers pour l’école, souliers vernis blancs ou noirs pour les messes du dimanche et les jours fériés, sandales pour aérer les pieds, pantoufles en velours, baskets en cuir pastel, je prends un soin particulier, voire obsessionnel à les ranger côte à côte sous le bureau de ma chambre. Chaque paire a sa place. Leur alignement régulier contribue à faire de ma chambre un repère rassurant.
Deux fois par an, avant la rentrée des classes, et au début du printemps, c’est la fête. Maman nous emmène, ma soeur et moi, acheter de nouveaux vêtements Rue Neuve. Mais pas question de dépenser à outrance : chaque achat a été préalablement listé suite à inventaire vestimentaire réalisé quelques jours auparavant. Quelle aubaine pour moi qui vais enfin pouvoir choisir quelques habits selon ma fantaisie ! Et je ne m’en prive pas : usant jusqu’à l’épuisement la patience familiale, je passe et repasse au peigne fin chaque magasin de la rue Neuve avant d’enfin me décider sur le vêtement de mes rêves : tantôt un ensemble « pull et jupe » à porter lors de la communion d’un cousin, tantôt un sweet-shirt pour les vacances.
Avec mon entrée au Sacré-Coeur de Lindthout pour les classes secondaires, une école de filles assez traditionnelle, voilà mes premiers apparats de femme.
Gêne et fierté mêlées du premier soutien-gorge acheté avec ma mère dans un magasin spécialisé. Je n’ose en effet plus me déshabiller devant mes compagnes avant les cours de gymnastique. Utilité zéro si l’on considère ce qu’il est sensé soutenir mais considérable par le symbole du monde convoité auquel il me fait accéder.
Flâneries entre copines dans les galeries Agora, afin de dépenser notre argent de poche en fantaisies exotiques : écharpes en coton à rayures chatoyantes « made in India », boucles d’oreilles et bagues en argent incrustées de turquoise mexicaine, jupes gitanes en tissu léger,...
Premières jupes bleu marine roulées sous le pull afin de dévoiler plus encore une paire de gambettes gainées de nylon (souvent fléché d’ailleurs) et déroulées illico presto dès qu’on apercevait l’éducatrice chargée de veiller à notre vertu.
Pour mon vingtième anniversaire, Maman m’offre un de mes plus beaux cadeaux : une « consultation couleurs » auprès d’une conseillère en communication. Après nombre de tissus colorés posés près de mon visage, le verdict tombe : « Mademoiselle, vous avez un profil « printemps, ascendant automne ». A moi la palette des teintes chaudes et dorées : les jaunes cuivrés, les roses saumon, les bleus pervenche, les verts émeraude et turquoise,…Vive la lumière !
Et maintenant, me direz-vous - et je vois déjà votre regard me suivre de la tête aux pieds en vous demandant quel style je prise à présent ?
Je reste exigeante dans l’achat de mes habits que je veux harmonieux, originaux, féminins. J’aime dénicher en seconde main certaines pièces, l’occasion de donner une nouvelle vie à certains vêtements et de ne pas trop dépenser. Je confectionne certaines de mes boucles d’oreilles. Peut-être trouverez-vous cela futile mais pour moi, ma tenue vestimentaire est une occasion de créer, de m’exprimer, de mettre de la beauté dans la vie. Je choisis avec soin chaque soir ma tenue du lendemain car je sais que me sentir bien dans mes vêtements me donnera de l’énergie à l’heure du réveil.
Et j’espère cette énergie sera communicative !
JeannineKe Répondre
Consultante en couleur ! étonnant !
j’ai toujours apprécié ta façon de t’habiller, ta recherche d’originalité discrète.
Mais dorénavant j’observerai mieux les chaussures.
je me souviens de mes chaussures d’enfant devenues trop petites et coupées devant pour me permettre de les porter encore pendant quelques mois