Il est six heures du matin, la sonnerie du téléphone me réveille en sursaut.
Je décroche le cornet, une voix d’homme, plaintive et basse supplie.
" Madame, venez vite, je vais mourir "
Étonnée, à moitié somnolente, je demande : " Mais qui êtes-vous monsieur ? "
" C’est moi, Mr. D. ..., votre voisin du rez-de-chaussée ".
J’enfile un peignoir, mes chaussons et descend.
Je toque à sa porte qu’il ouvre et me trouve nez à nez avec Mr.D.
Nous nous sommes déjà vus en voisins, mais jamais, nous ne nous étions parlé.
C’était un vieil octogénaire grognon et vieil ours mal lèché.
Je me retrouve assise sur un tabouret dans une pièce qui sent le moisi, l’urine, avec un désordre de papiers et un lit qui ressemble à un véritable bureau : téléphone, papier, livre, stylo, carnet, enveloppes, …, vêtements épars, vestes, gilet.
Je me demande comment il fait pour dormir au milieu de tout ce fourbi.
Madame, me dit-il, je me sens mal, je vais mourir.
Tout de suite, je lui dis : "Voulez-vous que j’appelle le médecin, une ambulance ? "
Non, non me dit-il, le médecin va venir dans la matinée, mais vous comprenez, mon compagnon que vous avez déjà vu, Mr. T qui avait seulement 47 ans est décédé. Je l’ai soigné pendant un mois à la maison, il avait le cancer.
Ah, j’ignorais cela, ai-je dit en écarquillant les yeux, je ne le voyais plus depuis un moment mais je pensais qu’il était parti pour ses affaires."
Que vais-je devenir maintenant me dit-il en pleurant.
Vous voyez, je suis handicapé et sait à peine marcher. Il me montre ses jambes enflées déformées.
Il s’occupait de moi, et depuis une semaine qu’il est mort, je n’ai plus rien à manger, personne ne va plus me faire des courses.
Pourquoi, n’avez-vous pas appelé plus tôt dis-je, il fallait dire quelque chose, j’aurais pu vous aider ou demander de l’aide pour vous.
Oui dit-il, vous voyez, je n’ai pas osé, on ne se parle pas assez parfois.
Vous êtes la seule personne à qui j’ai osé téléphoner.
Je suis restée plantée sur mon tabouret, pas coiffée, pas lavée, à écouter cet homme au désespoir. Très émue, il m’apparaissait plus humain au fur et à mesure qu’il parlait.
Je lui ai promis de revenir le voir de temps à autre et de l’aider un peu.
Je songeais au drame de la solitude, des appartements voisins, où nous vivons côte à côte : Personne ne sait ou ne veut entendre ce qui se passe.
Je pensais aux faits divers dans les journaux, où l’on retrouve souvent après des mois, des vieilles personnes mortes chez-elles qui n’ont plus de famille plus de visites.
Drame de la société.
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Suite à la lecture de votre histoire, j’ai repris courrage que l’entraide est encore possible . Je suis si déçue du comportement de notre société, où l’on prétend bien intégré les personnes invalides ! Tant qu’ils ont une famillequi les entourre et,ou,de l’argent. Le problème est reporté à plus tard lorsqu’ils se retrouvent seuls.A présent, je vais vous raconter mon histoire. Fille ainée,"normale" !,je vis depuis 40 ans avec la douleur de : Que vont devenir mon frère et ma soeur le jour où je ne serrai plus là car ils sont tous deux handicapés..Et notre maman a aujourd’hui 70 ans...