J’ai choisi d’écrire ce texte sous la forme d’un récit fait par une enfant de 7 ans car cela m’amusait de raconter de cette manière-là.

1954 : j’ai 7 ans. Je m’appelle Marie-Jeanne.
Ma famille est chrétienne, catholique. Nous sommes ‘pratiquants’.
Je ne comprends pas bien ce que cela signifie exactement. Mais je suis dans une école de ‘bonnes sœurs’, en première année.

Les ‘bonnes sœurs’ sont habillées de noir et cachent leurs cheveux sous d’amples chapeaux en tissus blanc, tout raide comme du carton. On appelle cela des ‘cornettes’. Quand on approche d’elles, elles sentent l’odeur d’amidon. Elles ont décidé de ne pas se marier, de ne pas avoir d’enfants et de s’occuper des enfants des autres, par amour pour Dieu et Jésus.
A l’école quand on commence un devoir sur une nouvelle feuille, il faut écrire en haut de la feuille : J M J ce qui signifie : Jésus, Marie, Joseph.
(moi je dis que c’est Jésus, Marie-Jeanne !)

Toute petite déjà on me parlait du ‘Petit Jésus’. Il est né dans une étable avec un bœuf et un âne derrière lui pour le réchauffer. Sa Maman s’appelle Marie, son Papa Joseph ; ils ont des moutons également. Ce petit bébé va sauver le monde…m’a dit ma maman. Chaque année, à Noël, nous fabriquons une crèche à la maison qui ressemble à l’étable de Jésus. Chez nous, on ne met pas de sapin, il paraît que ce n’est pas catholique.

Quand il y avait de l’orage, on me disait que le petit Jésus jouait aux quilles. Je n’ai rien dit, mais je trouvais cela bizarre qu’un petit garçon vive dans un ciel immense. Maintenant je sais bien qu’un orage ce sont deux nuages qui se cognent et qui provoquent de la lumière et du bruit.

Plus petite aussi, le soir, Maman venait près de mon lit et nous récitions des Litanies :

maman disait : Saint Antoine
je répondais  : Priez pour nous
maman : Saint François
moi : Priez pour nous
Et ainsi de suite, cela durait, durait, mais j’aimais bien : cela m’aidait à ne pas avoir peur.

Maman finissait par une chanson :
‘Au ciel, au ciel, au ciel, j’irai la voir un jour.’
‘La’, c’était la Sainte Vierge Marie que Maman aimait beaucoup.
La chanson me faisait parfois pleurer, je ne sais pas pourquoi.

Le catéchisme

En première année, à l’école, au cours de catéchisme, nous apprenons d’abord les prières. Il y en a beaucoup : l’oraison dominicale qui commence par ‘Notre Père, qui êtes aux cieux’ ; puis la Salutation Angélique : ‘Je vous salue Marie’. Et enfin, le ‘Gloire au Père’.

Il y a aussi : l’acte de Foi, l’acte d’Espérance, l’Acte de Charité et l’Acte de contrition, mais en première année primaire, nous n’avons appris que l’Acte de Contrition.

Ensuite, on doit étudier les réponses aux questions du catéchisme.
Il faut apprendre la réponse par cœur et on la récite sur un certain air, c’est plus facile à retenir ainsi.

J’ai appris les questions de première année :

 les questions sur Dieu :
Où est Dieu ?
Dieu est partout : au ciel, sur la terre, et en tout lieu.

Dieu voit-Il tout et sait-Il tout ?
Dieu voit tout, même nos pensées les plus secrètes ; Il sait tout, même les choses à venir.

 d’autres questions :
Comment perd-on la grâce sanctifiante ?
On perd la grâce sanctifiante par le péché mortel.

Je ne sais pas ce qu’est la grâce sanctifiante, alors j’ai regardé dans les questions pour les autres années.
Il est marqué :
‘La grâce sanctifiante est une qualité surnaturelle et permanente, conférée à l’âme même, qui nous fait participer à la vie divine, nous sanctifie et nous rend enfants de Dieu et héritiers du ciel.’

Je ne comprends pas bien, mais c’est normal c’est une question de 5ème année.

Ma question préférée est :
Qu’est ce que le signe du chrétien ?
Le signe du chrétien est le signe de la croix !
J’ai bien compris cette question, car lorsque ma maman coupe le pain, avec le couteau elle fait d’abord une croix sur un côté du pain.
Et puis aussi, le soir, mon papa, après m’avoir embrassée, il fait une petite croix sur mon front.

La messe

J’habite près de l’Eglise Saint Pierre, à Uccle. C’est un grand bâtiment avec des statues et des tableaux.
Chaque dimanche, avec mes parents, je vais à la messe.
Il faut absolument y aller car autrement on fait un ‘péché mortel’ et donc on perd la ‘grâce sanctifiante’. En entrant dans l’église : il faut prendre un peu d’eau bénite (c’est de l’eau qui sent une bonne odeur –l’odeur d’eau bénite- ) et faire le signe de croix.

On ne comprend pas ce que le prêtre dit, car c’est dans une langue de l’ancien temps : le Latin. En général cela dure longtemps, mais il y a des chants que j’aime bien. A un moment le prêtre monte dans la ‘chaire de vérité’. Il est en hauteur, tout le monde le voit bien et là, il parle en français.
Il y a deux garçons qui peuvent être près du prêtre et transporter le livre des prières et s’occuper des petits flacons avec le vin de messe. Ce sont des ‘enfants de cœur’.
J’aurais aimé faire cela, mais il faut être un garçon… et je ne suis qu’une fille !

A la messe, il faut se taire, sauf à certains moments où il faut répondre avec des phrases en latin. Je sais juste qu’à la fin, il faut faire un signe de croix et dire ‘Amen’. ‘Amen’ cela veut dire qu’on est d’accord.
On est à genoux sur des chaises en paille et après la messe on a des lignes verticales sur les genoux, cela fait un peu mal.

Parfois nous allons à la messe de 11 heures. J’aime bien quand on arrive un peu en retard, car comme il y a un monde fou, cela déborde jusqu’au trottoir, et alors on reste sur les marches, mais cela compte aussi : on a sa messe. Cela me semble moins long, car on voit les voitures qui passent.

La communion

Cette année j’ai fait ma première ‘communion’ : c’est parce que j’ai l’âge de raison. La communion, c’est quand tout le monde marche jusqu’au prêtre qui a une grande coupe en or, avec dedans, des ‘hosties’ blanches. Il faut se mettre à genoux sur le large banc qui sépare les rangées de chaise et l’autel où le prêtre dit la messe en nous tournant le dos. Sur le banc, il y a un tissus rouge très doux qui entoure un grand coussin.

Il faut mettre les mains en dessous d’une nappe blanche, brodée, et baisser la tête. En même temps il faut regarder sur le côté car, quand le prêtre arrive, il faut tirer la langue. Alors le prêtre dépose l’hostie sur la langue et on peut refermer la bouche et retourner à sa place en marchant lentement, en baissant la tête.
Il ne faut SURTOUT PAS croquer dans l’hostie car c’est le corps de Jésus. Je l’ai appris au catéchisme :

‘Qu’y a-t-il sur l’autel après la Consécration ?
Après la consécration il y a sur l’autel Jésus-Christ lui-même, tout entier sous les apparences du pain, et tout entier sous les apparences du vin.

Le jour de la communion toutes les petites filles ont une robe blanche et les petits garçons un costume et une cravate. Et aussi on reçoit des cadeaux. J’ai reçu un missel, un chapelet, un petit bénitier pour ma chambre et des jolies chaussures.

On ne peut pas faire sa communion comme cela :

‘Quelles sont les conditions requises pour communier dignement ?
Pour communier dignement il faut être en état de grâce, et être à jeun, c’est-à-dire n’avoir rien mangé ni bu depuis minuit.

La confession

Avant la communion j’ai dû aller à confesse : c’est le sacrement de Pénitence.

Combien de parties y a-t-il dans le sacrement de Pénitence ?
Dans le sacrement de Pénitence il y a quatre parties : la contrition, la confession, l’absolution et la satisfaction.

En fait, il faut parler au prêtre à genoux, derrière une fenêtre qui s’ouvre, et il faut dire ‘Mon Père, bénissez-moi, parce que j’ai péché ; au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit’. Puis il faut raconter ses péchés.
J’ai commencé par dire ‘J’ai désobéi, j’ai menti… puis je ne savais plus quoi ajouter ! Je n’ai jamais rien volé ! Enfin, cela s’est bien passé.
J’étais en ‘état de grâce’ et donc je pouvais communier.

Les processions

Le plus gai dans la religion, ce sont les processions :
un dimanche du mois de mai tous les enfants de l’école se rassemblent dans la grande salle des fêtes. Nous sommes alors divisés en groupes pour se déguiser. Moi j’étais dans le groupe des Anges. J’avais un grand tablier blanc et deux ailes blanches, attachées sur le dos. Les ailes sont fabriquées avec de vraies plumes d’oiseau. J’avais aussi un panier, avec des pétales de rose, que j’allais pouvoir jeter autour de moi, tout le long de la procession.

Quand tout le monde est prêt, nous partons alors rejoindre d’autres groupes, notamment celui des petits garçons du Collège Saint Pierre. C’est chez eux qu’il y a le groupe du Petit Jésus. Tous ensemble nous formons alors un long cortège qui va parcourir les rues d’Uccle. Il y a des groupes qui chantent ( ‘Chez nous soyez Reine’…) ; d’autres groupes qui promènent une statue de l’église, que l’on sort ce jour-là.

Mon papa est dans le groupe des Hommes de la Ligue du Sacré-Cœur ; ils tiennent un grand manche avec au-dessus une bougie entourée d’un cornet de papier. J’ai toujours peur que ce papier prenne feu et que mon papa se brûle.

Beaucoup de gens décorent leurs fenêtres : on voit des bougies allumées, des fleurs, des rubans, des statues de Notre Dame, des crucifix…c’est très beau.
On passe à côté de la chapelle de Stalle. Là on s’arrête un moment.
C’est le curé de la paroisse qui termine la procession : il tient dans ses mains le ‘Saint-Sacrement’ c’est un grand rond en or comme une étoile, avec au milieu, une grande hostie. Quand il passe tout le monde se met à genoux.

Le plus important …

Mais mon Papa m’a expliqué que le plus important c’était de faire comme Jésus : s’aimer les uns, les autres, tous les jours. Et même, aimer ses ennemis ! Je n’ai pas d’ennemis, moi…enfin, je ne sais pas vraiment ce que c’est, un ennemi !

6 commentaires Répondre

  • Raymond Pietercil Répondre

    Très joliment écrit, et très authentique. On pourrait ajouter bien d’autres choses dans la même veine, mais cela deviendrait vite interminable, et la sobriété du texte n’est pas la moindre de ses qualités. Bravo, c’est très efficace. Mais ce que nous avons été éduqués bêtement... Avec des points positfs qui manquent peut-être parfois aujourd’hui.
    Bien amicalement. Raymond

  • mireille Répondre

    je suis de la même époque et j’ai apprécié ; je m’y retrouve

    ma famille était moins pratiquante que la tienne et on habitait à la campagne dans les environs de Liège

    quand nous parleras-tu des années chez les "guides", du cercle catholique ?

    amitiés
    mireille

  • ELISA Répondre

    Bien que mes parents ne m’ont jamais paru aussi cathos convaincus, ce témoignage me parle beaucoup j’avais aussi 7 ans en 1954 et j’ai fait ma communion dans la chapelle de mon école de "bonnes soeurs" à FOREST : on avait répété "l’ingestion" de l’hostie pour ne pas mordre dedans quand ce sera une "vraie" car consacrée ;rapidement ramollie on la roulait avec sa langue sur son palais avant de l’avaler.
    Comme on devait être a jeun pour communier il arrivait souvent que l’une ou l’autre tombe dans les pommes ;je n’ai pas le souvenir que c’était la panique.Le petit dèj après la messe était un "moment fort" : décompression , on pouvait parler et on avait faim.

    • Marie-Jeanne L. Répondre

      Et oui, vous donnez en plus ce détail : le fait que l’on roulait la fameuse hostie avec la langue ! Souvent, en plus, elle collait au palais, et c’était tout un soucis, car on avait peur qu’elle ne touche les dents !
      Chez nous aussi, régulièrement l’une ou l’autre fille tombait dans les pommes !

  • Répondre

    Merci,pour ce témoignage qui me rappelle les processions de l’église Sainte Anne à Koekelberg avant 1953.Car j’ai quitté BXL. à cette époque. Je terminais alors les primaires chez les rel. Ursulines au Bd. Léopold II !!!
    Les leçons de catéchisme me plaisaient beaucoup mais étudier les questions de caté.,ça j’ai détesté !
    Françoise

  • nicole h. Répondre

    C’est VRAIMENT comme cela que j’ai vécu mes premières années...Bravo pour ce témoignage si bien rendu !

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