Ages et transmissions

Chaque année, la première semaine de février, mon fils et son épouse vont à la Foire mondiale du jouet à Nuremberg… c’est professionnel.
Depuis dix ans donc, je prends mes quartiers pour quelques jours au-dessus de leur magasin à Waterloo en face d‘un café karaoké et d’un arrêt de bus où certains cuvent leur mauvaise bière.

Aujourd’hui, Thomas et Thibault ont 13 et 15 ans. Il m’apparaissent parfois comme des petits savants qui peuvent tout manipuler, du lave-vaisselle, à Facebook, au Tom-Tom et au micro-ondes. Evidemment avec un papa et une maman qui « font » dans le ludique, la voiture téléguidée, le train électrique, les hélicoptères et les avions, ils sont « branchés ».

Imaginez-vous devant une table de salon sur laquelle quatre ou cinq commandes à distance vous narguent. Il y a celle de la TV, celle du DVD, celle de Belgacom TV (alors que vous maîtrisez tout juste BeTV à la maison…) et à votre demande d’explication, c’est comme pour l’ordinateur : « je te montre, tu verras, c’est facile » et ce que vous avez cherché en cachette tout l’après-midi sans rien trouver est là par miracle, vous narguant sur l’écran.

Il y a plusieurs années, les enfants étant encore petits, nous avions eu froid dans l’appartement au-dessus du magasin. On avait oublié de me dire que le chauffage se commandait lui aussi à distance : c’était cela la jolie boîte blanche sur le meuble du living. Mais cela a créé une tradition : « quand Bonne-Maman vient nous garder on se met sous la couette le soir et on regarde la TL en mangeant des pop-corns… » Ils adorent et ne rateraient cela pour rien au monde.

Hier soir, je m’assieds dans le divan et Thomas me dit : « c’est toi qui allumes. On va voir si tu as bien retenu… » J’ai passé l’examen avec fruit. Après dix minutes de « Le juge est une femme », Thibault me demande : « cela te dérange si je regarde un film ? Mais toi tu continues à regarder ton émission, je te rassure ». Et il sort d’une boîte en carton tout un attirail ; cinq minutes plus tard, d’énormes écouteurs sur les oreilles, il est plongé dans son film. Drôle de soirée ! Son frère se glisse entre nous deux sous la couette et dépose son I-Pod sur son genou. C’est un « touch »… on promène les doigts, cela va tout seul, c’est fascinant.

J’aime beaucoup la chanson qui termine l’épisode d’une série que je regarde régulièrement mais je ne peux pas savoir qui chante car le générique défile à toute vitesse. A la fin du premier épisode, je dis à Thomas que j’aime cette chanson mais qu’il est impossible d’en connaître les auteurs. Mais il semble qu’à un bon cliqueur, tout soit possible. Fin du second épisode de la soirée, Thomas me propose gentiment d’écouter son I-Pod : « C’est Pride, me dit-il, de Nip Tuck ». Il a capté la chanson, il se propose de me l’envoyer par internet. « Tu as un graveur ? »

Autre épisode : un Bancontact récalcitrant a avalé la carte de banque de Gwendo. Nous nous rendons à la banque pour arranger les choses. L’employée très complaisante lui fait retrouver une carte temporaire et lui explique les prochains changements du Phone-Bank. J’entends parler de numéros de code et la phrase habituelle, « c’est facile ». Je ne pipe pas mot. Je revois ma petite fille deux jours plus tard et je lui demande si elle a compris quelque chose à ce que l’employée lui a dit à la banque. « Mais oui », me dit-elle, « c’est installé, le système fonctionne ! C’est facile. »

Quand je vois la facilité avec laquelle les jeunes appréhendent le domaine informatique, les outils divers et variés, je me demande pourquoi il leur est si difficile d’apprendre les logarithmes, le flamand, la géographie. Ils sont tellement capables ! Je les regarde avec émerveillement. Personnellement je ne peux que répéter des gestes qu’on m’enseigne car le peu que je sais faire (le traitement de textes) je l’ai appris sur le tas. Nous sommes décidément dépassés. Il nous faut accrocher notre wagon à un train aux multiples vitesses ! Sans cela c’est la gare !