Ce texte est issu de notre recueil d’histoires vécues imprimé sous forme de livre « Et la lessive - Instantanés sur l’évolution de la femme au 20e siècle »
Dis, tu peux me donner ci, Maman, j’ai fini, tu m’aides à faire, j’ai fini tu viens m’essuyer, regarde, je peux aller sur tes genoux, dis, dis, allez mais regarde, tu viens avec moi, tu viendras me chercher hein, M’man, tu viens dis, m’essuyer, t’as vu ce que je sais faire, j’peux pas l’attraper, je peux avoir une tartine, non une grenadine, et toi tu sais faire ça, la balle est coincée, Maman, Maman, Maman, t’es où, y’a plus de lait, où sont mes pantoufles, Maman, tu sais quoi, je t’aime très fort, la maîtresse a dit qu’il faut apporter deux euros, m’essuyer tiens, j’ai fini, mon maillot où il est, y’a jamais rien de bon à manger, très fort, plus fort que l’espace, oups j’ai oublié d’enlever mes bottes, tu sais quoi, tu peux allumer l’ordinateur, mon T-shirt il est sec, mais mon pet, j’ai fini, je peux inviter, t’as oublié d’acheter, tu me conduis, faut que tu laves ma veste, j’ai envie de te donner un bisou, tu sais quoi, tu sais quoi…
Non, je ne sais pas quoi !
Stop

De l’espace, laissez-moi respirer.
Et si j’ajoute l’homme, les amis, la famille, le chien, le chat, le poisson rouge, le boss, les clients, les collègues, les voisins, le bruit, la radio, la télé, mon corps et les témoins de Jéhovah…
Stoooooop
Je n’ai plus un instant à moi.
Un instant, j’arrive.
Violence de l’instant volé.
Un instant, je crée.
Un instant, j’écris.
Voler l’instant.
Investir l’instant. Celui-là puis le suivant. Ici ou là.
Et comme ils sont trop courts ou déjà passés, les cumuler, en faire une collection.
Un carnet pour noter. Un personnage croisé dans le métro. Rencontre d’un instant. Le geste d’un enfant. Rencontre d’un instant. Les paroles d’une file au supermarché. Rencontre d’un instant. Une humiliation devant un guichet. Rencontre d’un instant. Un rai de lumière d’automne. Rencontre d’un instant. Un accent dans un verre de bière. Rencontre d’un instant.
Une banderole d’instantanés.
Fragments de vie, collection de moments.
Etre veilleur pour tous ceux qui les laissent fuir.
Puis un moment pour écrire. Coucher des instantanés. Plans, points de vue, scénario. Littérature inspirée du cinéma, de la photographie, du documentaire.
Et pour un instant faire fi de la grande littérature, des épopées, de l’idéal, le sien ou celui des autres. S’alléger du poids de la réassurance. Et pour un instant, s’installer dans une écriture brève.
D’ailleurs la vie du lecteur n’est-elle pas aussi fragmentée que celle de l’auteur ?
Un instant, j’arrive.
Violence de l’instant volé.
Un instant, je lis.
Je finis mon chapitre et j’arrive.
Voler l’instant.
Se rendre disponible à l’instant. Etre à la fois dedans et dehors. Dans ce qui sourd et dans ce qui bruit. Flotter entre deux.
Moments d’attention flottante. Voiler l’instant.
Et persévérer, persévérer, nouer bout à bout des morceaux d’instants en une trajectoire elliptique qui invente une nouvelle manière d’écrire … court …
femme ?

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