Ce texte est issu de notre recueil d’histoires vécues imprimé sous forme de livre « Et la lessive - Instantanés sur l’évolution de la femme au 20e siècle »

1950

Je me souviens de la réaction gênée, terriblement embarrassée de ma maman me voyant, triomphante, me précipiter vers mon père pour lui annoncer que je suis enfin une vraie jeune fille, mon père, dont on dit qu’il a une main de fer dans un gant de velours. Mais c’est lui qui a si souvent compris mes émois de petite fille, lui qui le premier m’a appris les gestes indispensables à une bonne hygiène, qui m’a soignée avec tendresse et douceur lors d’une longue maladie. Lui qui, le matin, me tend sa joue glabre sentant le savon à barbe et le talc en me disant :
– Le premier baiser du jour, c’est pour toi !
Tout naturellement je veux lui faire partager l’émotion de ce moment si important de ma vie.
– Mais non, cela ne se dit pas aux hommes, c’est une histoire de femme ! me dit ma mère.
Du coup la honte me submerge, je tempère ma fierté et je comprends pour la première fois qu’il faut endiguer ma spontanéité débordante, que bien des choses devront dorénavant rester secrètes.

1980

Ma fille de 17 ans fréquente assidûment un copain d’école. Elle est amoureuse. Je m’inquiète. Est-elle avertie ? Que sait-elle exactement des rapports amoureux ?
Je suis sa mère, je dois lui parler sérieusement, de femme à femme, me confronter pour la première fois à cette situation toute neuve. Mais puisque je prône l’ouverture d’esprit, le dialogue, je suis décidée à lui parler.
– Tu comprends, ma chérie, vous êtes amoureux, un jour ou l’autre vous passerez à l’acte, vous aurez des rapports ( j’ai des difficultés à utiliser le terme « faire l’amour »). Il faut penser à la contraception ; il serait peut-être temps de prendre la pilule. Si tu veux, nous irons ensemble chez un gynécologue !
Ouf, j’ai réussi à dire cela de façon toute simple, sans dramatiser, avec le sourire, apparemment détendue, je suis assez contente de moi ! C’est donc un net progrès comparativement aux réactions de ma maman trente ans plus tôt. Ma fille me regarde et m’écoute, me sourit et m’embrasse ! Ah comme on se comprend bien toutes les deux ! Puis après un assez long silence que j’interprète comme un embarras tout naturel elle me dit :
– C’est très gentil de me parler de ça, Maman, tu as raison. Mais je dois t’avouer que cela fait 3 mois que je suis allée au Planning Familial et j’ai tout ce qu’il me faut !


2006

« Attention, cela ne se dit pas » est depuis longtemps révolu. Tout se dit et se fait au grand jour. Aujourd’hui, au nom de la liberté d’expression, de la tolérance, on nous impose des abribus tapissés d’affiches publicitaires provocantes. A tout instant nous sommes face à des images de femmes dénudées, aux poses lascives, érotiques, exhibant des dessous affriolants.
Ma petite voisine sort de chez elle le ventre à l’air, le pantalon taille basse laissant dépasser la bordure suggestive d’un « string », se dévoilant de façon troublante dès qu’elle se baisse pour relacer ses baskets. Que cherche-t-elle ainsi ? A qui est adressée cette impertinence dans les vêtements ? A-t-elle conscience de provoquer ? Ou ne fait-elle que suivre une mode, un stéréotype dicté par la société de consommation actuelle ? Elle n’a pas perdu sa naïveté mais affiche une attitude tellement audacieuse qu’on aurait tendance à croire que plus rien ne l’étonne. Elle fréquente depuis l’âge de 15 ans un « copain » chez qui elle va dormir certains soirs et qui vient dormir à la maison d’autres soirs. La maman me dit :
– Tu comprends, je préfère ça que de les savoir Dieu sait où.
Le phénomène de communication de masse n’a-t-il pas joué un rôle particulièrement important sur le comportement et les mentalités ? J’ai entendu dernièrement à la radio un commentaire sur l’attitude des filles durant les différentes époques. Je vous le livre tel quel :
– D’abord les filles jouaient à la poupée, voulaient être une petite maman.
– Ensuite est arrivée la Barbie. Les filles voulaient être Femme libérée, sportive, voyageuse, séduisante.
– Aujourd’hui, les filles doivent avant tout séduire, une seule question se pose : suis-je « bandante » ?
Loin de moi l’idée de nostalgie d’antan mais si j’analyse ce qui se passait il y a cinquante ans et ce qui se fait aujourd’hui, j’ai une impression de démesure.

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