Ce texte est issu de notre recueil d’histoires vécues imprimé sous forme de livre « Entre rire et pleurer »

J’adorais mon père et mon père adorait les escargots. Dans mon petit cœur d’enfant, je voulais lui faire un immense plaisir et, surtout, une merveilleuse surprise.
Un jour où il avait bien plu, j’enfilai mon anorak, chaussai mes galoches, pris mon petit seau et partis à l’aventure, bien déterminée, à la « cueillette » des escargots. Je m’engageai précautionneusement entre les herbes folles, les buissons et les ronces, faisant bien attention où je posais les pieds. Je me sentais l’âme d’un explorateur à l’affût de la moindre coquille bronzée, dorée ou rosée, de la moindre trace luisante sur la terre mouillée. Et par-ci et par-là, avec beaucoup d’attention, j’en repérai des petits, des moyens, des gros et des striés, enroulés dans leur coque nacrée, ou étirés mollement dans un sillage argenté, les antennes dressées parmi les entrelacs verts des herbes emperlées de pluie. Consciencieusement, je choisis les plus beaux, les plus gros et les posai délicatement dans mon petit seau tapissé de feuilles de mûrier. J’étais un peu grisée par l’excitation et la tension de mon occupation, mais aussi par cette odeur de terre mouillée entremêlée de senteurs vertes florales et boisées dont je garde encore l’odorant et inaltérable souvenir.
Munie de ma précieuse cargaison, je retournai à la maison pénétrée de l’orgueil de la mission accomplie. Le cœur gonflé de joie à l’idée du plaisir que j’allais procurer à mon père. En catimini, avec mille précautions, munie de mon précieux butin, je descendis à la cave et le déposai dans un coin d’ombre fraîche, attendant le moment propice.
Je remontai les escaliers en chantonnant, heureuse de ma merveilleuse initiative … et l’oubliai presque aussitôt.
Et puis ! … tel un coup de tonnerre dans un ciel serein se déroula, bien différemment, la suite tant attendue de mon exploit. Et pour un coup d’éclat, ce fut un coup de maître. Moi, qui m’attendais à des cris de joie et de surprise heureuse, je n’eus droit qu’au vif mécontentement de mon grand-père qui avait rentré sa récolte de choux.
Décidément, je ne comprenais rien aux grandes personnes bien compliquées. Elles ne comprenaient vraiment rien aux bonnes idées des enfants. Qu’y avait-il de si terrible à voir mes jolis escargots disséminés sur les choux rouges, blancs ou verts, sur lesquels ils avaient laissé des traces brillantes ? Moi, je trouvais cela plutôt joli les curieux dessins qu’ils formaient sur les murs blancs. Je fus néanmoins vertement tancée. Et depuis je n’ai plus jamais « cueilli » d’escargots.
« Dommage papa ! J’étais tellement sûre que tu allais te régaler ! ».

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