Emmaillotages

En ces temps lointains, il y a 40 ans et plus... les bébés portaient autour de leurs petites fesses tendres des langes TETRA.
Je crois bien qu’il en existe encore pour quelques parents écologico-nostalgiques et défenseurs des arbres de la forêt amazonienne. C’était des carrés de coton doux, quadrillés, aux bords non ourlés mais surfilés pour ne pas blesser les tendres chairs.
Ces linges se pliaient de manières diverses mais soigneusement codifiées par la sage-femme ou la grand-mère ou la mère progressiste qui avait lu le Dr Spock. On pouvait selon l’inspiration les plier en trois puis, après avoir posé l’enfant sur le ventre sur la première moitié du rectangle, le replier et l’attacher sur les côtés avec de grosses épingles de nourrice aux couleurs pastel et munies d’un système de sécurité.
La deuxième manière, plus absorbante disait-on, consistait à étendre soigneusement le carré en coton doux quadrillé, en rabattre les triangles extérieurs vers le centre. Puis, comme dans l’opération précédente, plier en deux le rectangle ainsi obtenu et l’attacher de la même façon sur les hanches du petit avec des épingles de nourrice et de sécurité pastel. Cela bien sûr ne suffisait pas. Les nourrissons à peine sortis de l’antre douillet de la mère nécessitaient un emballage supplémentaire.
Il se présentait alors de larges rectangles de pilou assez épais et rustique, également surfilés, qu’on étalait sur le lit ou la table. On y déposait le petit Jésus souriant pédalant de ses petites jambes alertes et on l’ensaucissonnait dans le lange serré comme une guêpière grâce aux épingles de nourrice pastel et de sécurité ; et les petits pieds chaussés de tricot point mousse s’agitaient dans une dernière revendication libertaire. Mais les mères attentives rabattaient prestement les 7 centimètres superflus et les crochetaient habilement avec les deux autres épingles de nourrice pastel et de sécurité.
Ne citons que pour mémoire les tétras pliés en deux, en triangles, et rabattus le centre sur les deux fontaines potentielles et les deux côtés hâtivement noués par des mères pressées et, osons le dire, peu soucieuses du confort de leur bébé. La charité chrétienne nous abstient d’autres commentaires.
Le nourrisson repu avait dormi ou braillé, c’est selon, et la mère attentive, à l’heure convenue, convenu par qui - le bon Dr Spock ou la grand-mère ou l’amie qui avait déjà trois enfants ou la dame aimable et condescendante de la consultation des nourrissons - , la mère attentive se penchait sur son nourrisson qui gazouillait ou braillait, c’est selon, détachait les épingles de nourrice pastel et de sécurité et ouvrait l’odorant paquet.
En modulant de musicales clameurs admiratives ou désolées selon la consistance, la couleur et le fumet de la matière, elle repliait prestement l’appareil et le déposait dans le seau ad hoc puis se livrait au décrottage (c’est le mot), puis au nettoyage minutieux, à l’entartinage parfumé et au talcage des tendres fesses parfois rougement irritées.
Après quelques instants de pédalage en liberté, le nourrisson était dûment réemballé.

Mais revenons au traitement des précieux tétras après usage.
Ils étaient d’abord vigoureusement secoués dans plusieurs seaux d’eau claire puis trempés dans une solution de sel de soude.
Le matin, savonnés, frottés à la brosse, ils étaient ensuite mis à mijoter dans une grande marmite galvanisée munie d’un champignon qui les arrosait d’eau savonneuse puis, après le temps de cuisson adéquat, ils étaient rincés abondamment, essorés et suspendus en plein air, au soleil de préférence, pour trucider le dernier microbe.
Ensuite, repassés par les vraies bonnes ménagères ou simplement pliés et lissés du plat de la main par les plus désinvoltes, ils attendaient sagement empilés le prochain usage.

2 commentaires Répondre

  • Nani Répondre

    En 1975, j’ai essayé de faire nettoyer les langes en tetra par un service de ramassage à domicile... pendant quelques semaines, c’était parfait, on venait reprendre les sales et déposer les propres tous les 2 ou 3 jours.
    Hélas nous étions en août et ce service prenait des vacances... sans prévenir !
    Le paquet de langes sales est resté 8 jours dans le couloir... je vous laisse imaginer l’odeur...
    Anne

  • Françoise V Répondre

    Amusant et si vrai !... Moi aussi, j’ai connu ces langes. Un samedi de mai 1974, j’ai quitté la maternité, mon tout nouveau poupon dans les bras. J’avais prévu pour ce retour une provision de six langes tétra : un chiffre qui me semblait imposant. Mon dermatologue de père avait agité le spectre des pires dermatoses si j’avais recours aux nouvelles couches en cellulose que l’on glissait dans une culotte de plastique : les petites fesses auraient macéré dans l’urine. Quant aux "Pampers", ils n’avaient pas encore été inventés. Je m’étais crue très futée d’avoir en plus prévu six langes en pilou, de ceux dont on enveloppait les jambes du bébé la nuit. En quelques heures, au rythme des tétées, les six langes avaient été allègrement transpercés...le pilou , appelé en renfort, ne colmata pas beaucoup mieux les fuites. Toute l’après-midi, j’ai changé, grimpé des escaliers pour rincer, étendre sur la terrasse...je suis redescendue pour recommencer encore et encore. Heureusement, il faisait beau, le soleil et le vent séchaient vite les fins tissus. Le soir, je n’en pouvais plus et j’avais compris qu’un bébé, ça buvait et pissait sans répit. Il était trop tard pour me procurer d’autres langes et le lendemain, tout serait fermé. J’ai donc continué à rincer des couches durant un long week-end, mais le lundi, je me suis empressée d’acheter d’autres langes et même quelques culottes en plastique...

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