Réflexions sur les valeurs
C’est dans l’enfance que l’on commence à prendre conscience des valeurs que l’on remet parfois en question à l’adolescence et que l’on consolide à l’âge mûr pour en profondément modifier quelques unes à un âge avancé.
L’ensemble des valeurs que l’on porte constitue, il me semble, son identité, que la vie oblige à reconstruire et reformuler constamment face aux évènements.
Ce qui m’interpelle plus particulièrement ce sont les valeurs physiques comme la vitesse et la force qui semblent être des valeurs universelles propres à la jeunesse et qui vont fortement varier au cours de l’existence au point de s’inverser. Certes l’évolution sera lente et n’est pas perceptible journellement, mensuellement ou annuellement mais c’est après une, deux ou trois décennies suivant la retraite que les modifications irréversibles apparaissent.
C’est un fait, l’individu devient alors plus lent et plus faible et aussi conséquemment plus frugal.
Comment cela est-il accepté ?
Très mal ou avec philosophie ?
Si, dans une réunion de seniors on parle de la lenteur, de la faiblesse, de la frugalité comme valeurs de la vieillesse, de nombreuses voix s’élèvent pour contester.
Et pourtant. !
Même si chez les seniors, les disparités d’âge sont relativement grandes (plusieurs dizaines d’années parfois) il n’empêche que les effets de l’âge se manifestent pour tous .avec plus ou moins de conséquences. Certains peuvent supposer que chez eux les effets sont minimes c’est peut être le cas actuellement mais pas plus que le citoyen lambda il n’y échapperont..
Chacun devra s’engager dans des réaménagements intérieurs pour incorporer les effets du vieillissement qui se manifestent par des désengagements dont la retraite constitue l’exemple type. D’aucuns y échappent momentanément, mais pour la plus part, la retraite constitue un réajustement important de la manière de vivre, même si à ce moment la vitalité est encore souvent entière, les prémisses du vieillissement apparaissent.
Petit à petit, les années passant on devient moins rapide, plus faible on diminue certaines activités fatigantes, on change de rythme .On prend conscience de ce nouvel état des choses : certains sports sont abandonnés au profit d’autres moins fatigants, on ne va plus si loin en voyage, on s’adonne à des activités moins stressantes, plus « cool », des déficits physiques surgissent
Heureusement il n’y a pas que des aspects négatifs !
Tant que l’individu conserve son appétence de vivre, et ne veut pas se désengager, il va se reconstruire et reformuler son identité.
En admettant sa faiblesse et sa lenteur ,il peut aussi prendre conscience que la faiblesse a des avantages ,que notamment ,elle l’oblige ,pour compenser , à davantage se servir de son intelligence,de persuasion , de connaissance de l’autre pour sortir d’une situation difficile qu’en soit elle devient une valeur. Il en est de même de la lenteur qui permet de donner du temps au temps , à la réflexion, à l’appréciation du moment présent ,au jugement réfléchi .pour l’individu concerné ce n’est plus un déficit ,mais c’est devenu ,par une stratégie d’adaptation, une nouvelle valeur . A ces deux valeurs, il faut associer la frugalité qui implique un usage mesuré de l’argent et du consommable mais aussi du temps ce qui n’exclut pas d’apprécier la qualité et les saveurs.
C’est ainsi qu’un individu au cours de son existence et pour autant qu’il atteigne la vieillesse est amené à inverser certaines valeurs comme la vitesse, la force, le consumérisme, en leur contraire. C’est ainsi aussi que dans la société des valeurs contraires coexistent et que leur importance est fonction de pyramide des âges.
Jean Piron 85 ans