OUF !

Mes cheveux, grisonnants, se font rares. Mes yeux, depuis longtemps privés d’autofocus, sont mis sous pression. Mes tympans ne répondent plus que mollement aux aiguës. Ma mémoire a perdu bon nombre de ses gigabytes. Le débit de mes coronaires est réduit de moitié. Mes dents n’en parlons pas ... mais :
Vous me croirez si vous voudrez, ma glande prostatique ferait pâlir d’envie un étudiant de première candidature.

Inquiet des sensations étranges qui m’émanaient du fondement, j’avais prié l’homme de l’art d’y jeter un coup d’œil. Mes appréhensions étaient vaines : dès le premier instant son cabinet ne fut plus que oh et ah d’admiration.

Un premier contact lui avait permis d’apprécier une souplesse de bon aloi. La façon dont j’avais imité le petit Julien était paraît-il tout à fait honorable. Mais c’est lorsque l’on fit appel à la haute technologie, pour confirmer ces débuts prometteurs, que l’excellence de mes entrailles se révéla dans toute son ampleur.

Soumises à un déluge d’ultrasons, elles s’étalèrent sur un écran disposé de telle sorte que je ne perde rien du spectacle, en dépit d’une posture rarement observée dans les bureaux d’informatique. On m’y fit remarquer, non sans satisfaction, que certain réservoir dont on venait, ainsi que je l’ai dit, de procéder à la vidange, était effectivement débarrassé de tout résidu, constatation on ne peut plus rassurante. Mais ce qui enthousiasma surtout le praticien, ce fut l’objet même de l’examen. L’électronique ne se contente plus d’esquisser les contours, elle les souligne maintenant d’un élégant pointillé. Et la forme obtenue, d’une symétrie parfaite, eût plongé dans l’extase les géomètres de l’Antiquité. Le bon docteur ne se lassait pas d’en vanter l’harmonie, qu’il trouvait exquise. Il célébrait sa grâce juvénile, sa gracilité, sa légèreté, car la machine pèse aussi, allez savoir comment !

Bref, une glande à nulle autre pareille ; anormalement normale. Eros même, dans toute sa gloire, n’en eut pas de semblable. Au point que mon plaisir se teintait de scrupules : de quel droit faisais-je ainsi mentir les lois de la nature ?

Et cent trois petits euros, Sécu déduite, pour un aussi réconfortant état des lieux. Qui s’en passerait ?

Comme quoi, consolons-nous. Quel que soit notre degré de décrépitude, il se trouvera toujours quelque recoin que le temps aura respecté.

4 commentaires Répondre

  • Jacqueline Bouzin Répondre

    Quelle truculence dans cette description digne de Rabelais ! Elle m’a bien fait rire...D’autant plus qu’un brin de gauloiserie à la veille de Noël pare cette sainte fête d’un éclat supplémentaire !
    Je vous souhaite, Robert, la plus joyeuse des vieillesses accompagné jusqu’à la fin par ces trésors que le Ciel vous a confiés. Jacqueline.

  • anne marie falise Répondre

    Robert, votre texte ne dénote pas quelqu’un de vraiment décrépi, et qui vous fait dire que vous faites mentir les lois de la nature ? a t elle vraiment légiféré dans ce domaine ? demandez d’abord l’avis de vos contemporains...anne marie

    • Robert G. Répondre

      Chère Anne Marie je vous demande bien pardon. Les signes prémonitoires dont j’ai fait l’inventaire en début d’article m’ont fait croire que j’étais promis à une lente peut-être, mais inexorable dégradation ; et que la nature en avait de tout temps ainsi disposé. Mais outre qu’une loi naturelle n’est valable que jusqu’à preuve du contraire, j’ai eu le tort d’étendre mon exemple à l’humanité toute entière alors que je n’en suis qu’un infime, un négligeable échantillon. Et alors qu’il me suffisait de jeter les yeux sur ma belle-mère, presque centenaire, sur sa vitalité et son fichu caractère, pour me désabuser.

      Mais vous reconnaîtrez, ma belle Anne Marie, que ma page d’écriture est néanmoins résolument optimiste, puisqu’elle tourne presque tout entière autour d’un de mes recoins - et quel recoin n’est-ce pas mesdames - paraissant résister aux outrages du temps. Qui sait si, en cherchant bien, on n’y découvrirait pas quelques cellules souches dont la science pourrait tirer une race immortelle ?

      Mais je plaisante. Je crois vous avoir fait de la peine et j’en suis désolé. Mes outrances au sujet de l’objet même de l’examen ont dû vous montrer que mon article était rien moins que peu sérieux. Mais l’urologue, bien connu sur la place paraît-il, était d’une telle truculence,l’examen me paraissait à ce point surréaliste, que je n’ai pu résister à en faire part aux lecteurs de Magusine. Robert G.

      • anne-marie falise Répondre

        mais moi aussi, mon cher Robert, je plaisantais et n’ai aucunement été choquée de ce que vous appelez "les lois de la nature" et qui sont, avouons le, souvent fiables. et j’ai bien aimé votre façon joyeuse de nous raconter votre urologie récente.Quant à votre belle mère, je ne m’étonne pas qu’elle soit centenaire si elle laisse parler Sa nature. bien ageet transmissionnement votre. anne marie

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