Extrait de "Nous racontons notre vie" 2020-21

Je suis née à Lima, au Pérou, en 1955. Je suis la troisième de quatre filles.
On habitait dans un quartier populaire. Quand j’avais 5 ans, mon père a disparu et ma mère a dû se débrouiller toute seule. Je voyais ma mère travailler beaucoup. Elle était concierge et lavait le linge des personnes du quartier. Le matin, avant d’aller à l’école, mes sœurs et moi l’aidions.

Je me souviens que ma maman a pleuré quand j’ai arrêté l’école, à la fin de l’école primaire. J’avais 12 ans et je voulais travailler pour l’aider. J’ai travaillé dans 2 familles, je m’occupais des enfants. Dans la première, j’étais exploitée. Je devais tout faire, j’étais comme en prison mais j’étais contente de pouvoir donner mon salaire à maman.

Quand j’ai eu 17 ans, ma sœur ainée m’a dit :
  Nelly, il faut que tu reprennes tes études. Tu es intelligente, moi je travaille dans une usine de vêtements de femmes et je t’apprendrai la couture et on va s’en sortir.

Et ma sœur m’a appris à coudre sur les machines industrielles. J’ai trouvé un boulot comme ça et j’ai suivi l’école secondaire en cours du soir. Ensuite j’ai continué l’université et j’ai obtenu mon diplôme d’enseignante en sciences sociales. À ce moment-là, j’étais aussi catéchiste dans mon quartier. C’est ainsi qu’un prêtre nous a proposé de nous occuper des enfants du quartier. Et je suis devenue enseignante pour les enfants pauvres qui doivent travailler pour aider leur famille.

Ça a été la plus belle expérience de ma vie ! Et le début de l’organisation des enfants et adolescents travailleurs.

Nous étions une équipe de trois jeunes adolescentes. Nous vivions dans une maison avec une vingtaine d’enfants de la rue. On se levait à quatre heures du matin pour cuisiner, leur donner à manger avant qu’ils aillent travailler dans la rue : laver des voitures, vendre différents produits, aider au marché... Ensuite je me reposais un peu pour être faire l’enseignante à leur retour. Parfois très tard le soir, à minuit avec des bougies, je les aidais à faire leurs devoirs. Il fallait aussi les encadrer, les structurer. Un enfant dans le groupe peut s’ouvrir aux autres, partager ses problèmes et ses joies. Il est valorisé quand il voit qu’il y a d’autres enfants qui travaillent pour aider leur famille, acheter du matériel scolaire. Ces enfants ont l’envie de s’en sortir, ils sont responsables.

Ça a été mon travail jusqu’en 1990. Depuis 1982 cette organisation fait partie d’un mouvement international catholique (Midade) qui a son siège à Paris. L’esprit fondateur de cette organisation est belge, le cardinal Cardijn. Lorsque la fédération internationale à Paris m’a demandé de faire partie de leur équipe pour partager notre expérience, j’en ai parlé avec les enfants et ils m’ont dit : « Tu dois y aller ! ». Et je suis allée à Paris. Cela a permis de mettre en valeur les enfants, leur lutte au niveau local et international. C’était une expérience très riche. Car le thème du travail des enfants est encore en débat. Les enfants disent « Nous avons le droit de travailler ! » mais ils doivent pouvoir travailler dans des conditions dignes.

Après l’expérience de 4 ans à Paris, je suis retournée au Pérou pour continuer mon travail à l’école publique. Et après 8 années dans mon pays, je suis venue en Belgique pour suivre une formation en théologie. Ici, nous avons ici créé une association (BelgicaNNATs) qui continue à soutenir la cause des enfants au niveau régional, national et international.

Aujourd’hui, dans les pays d’Amérique Latine, le mouvement des enfants travailleurs existe encore. Il s’est développé même en Afrique et moi j’en suis fière. On a créé des maisons pour les enfants, des écoles, apporté du soutien aux familles. Et cela continue !

Dans ma vie, j’ai toujours accompagné les gens dans des situations difficiles qui veulent s’en sortir. Je les aide à les mettre en valeur. Mon message : ce n’est pas parce qu’on est pauvre qu’on ne peut pas y arriver. J’ai toujours fait partie d’associations. Même tout jeune, on peut transformer sa vie et celle des autres !

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