Les femmes ne travaillaient pas dehors; elles restaient à la maison et tenaient le ménage; les enfants allaient à l’école à pied, on ne devait pas les y conduire et les problèmes de garderie n’existaient pas; les frigos non plus et il fallait faire les courses tous les jours dans les petits magasins du quartier: autant d’occasions de papotage et de contacts humains.
Dans les familles ouvrières, généralement le mari remettait sa quinzaine à sa femme et c’était elle qui gérait tout; à tel point que l’épouse donnait à son mari son "dimanche" pour son tabac et, éventuellement, pour une petite "goutte" avec les amis.
La plupart du temps, le mari était socialiste et non croyant, la femme allait à la messe et les enfants étaient baptisés et faisaient leur communion. Le parti socialiste s’est longtemps opposé au vote des femmes parce qu’il craignait que, sous l’influence des curés, elles votent en masse pour le parti catholique; cette crainte s’est révélée sans fondement: le vote des femmes n’a pas changé grand’chose; elles ont voté plutôt selon leur conscience de classe que selon les directives des curés. A ce sujet il me revient à l’esprit une petite chanson que chantait ma maman, composée à l’occasion d’une élection remportée par les socialistes:
Mayanne a voté
po nosse liberté,
po l’party del djustisse;
rédjouïhons nos et votons tos po les socialistes.
Il restait dans les classes populaires un vieux fond d’anticléricalisme, lié à l’idée que les curés sont toujours du côté des riches.