Ce récit est extrait du projet "Je raconte ma vie" dans un groupe multiculturel à la Fonderie en 2018

1953. Nous étions à l’école catholique à Bruxelles. J’aimais beaucoup l’école mais c’est là que j’ai vécu ma première épreuve. J’avais sept ans, j’étais en 2e primaire. Le matin lorsque nous arrivions, nous devions déposer notre boîte à tricot le long du mur de la classe, ensuite rejoindre notre pupitre et y accrocher notre cartable. Après la prière du matin nous pouvions nous asseoir.

Notre institutrice, tous les matins, nous faisait la lecture des paraboles du nouveau testament. J’adorais la pêche miraculeuse, la multiplication des pains, les noces de Cana… tout ça m’émerveillait.
Notre maîtresse était une femme sans âge, grande, massive, avec un cache poussière gris, et avait de très grands pieds. Elle avait beaucoup d’autorité. Nous étions très attentives.

Ce matin-là, comme tous les autres, sa bible en main, elle circulait dans la classe tout en faisant sa lecture le nez plongé dans son livre. Lorsque tout à coup, nous avons entendu un grand bruit de chute. Notre maîtresse était à terre, complètement échevelée, ses lunettes de travers, sa jupe relevée et sa bible éparpillée.

Elle s’est relevée tant bien que mal en se rajustant, nous a regardées de son air sévère.
Tout en marchant, elle avait accroché une boîte à tricot, ce qui l’avait fait chuter.
Elle a brandi cette boîte en demandant à qui elle appartenait. Comme nous avions toutes les mêmes boîtes, personne n’a bronché. Elle nous a reposé la même question une seconde fois. Nous étions médusées et personne n’a levé le doigt. À la troisième fois, elle a ouvert la boîte et a lu le nom de l’élève. Il régnait un silence de plomb. C’est alors que j’ai entendu citer mon nom.

J’étais paralysée, comment c’était possible. C’est alors qu’elle a dit « puisque vous ne vous êtes pas accusée, vous irez au cachot ».
C’était la plus grave sanction. Ce réduit nous terrifiait, c’était un lieu exigu où on remisait le matériel pédagogique. Ça sentait le renfermé, il y avait plein de toiles d’araignées et le pire, c’est qu’il y faisait tout noir.

À la sonnerie de la récré, elle est venue m’ouvrir et m’a dit qu’elle attendait mes excuses. Je n’ai pas desserré les dents et elle m’a renvoyée au cachot.
À midi, à nouveau, elle a réouvert en attendant mes excuses. Je ne voyais vraiment pas pourquoi je m’excuserais. C’est elle qui s’était pris les pieds dans la boîte. Ne m’excusant toujours pas, elle a dit qu’il y aurait des sanctions très graves.

J’ai pu rentrer chez moi pour dîner. Bien entendu, je n’ai rien dit à mes parents.
Les jours de la semaine se sont écoulés normalement. Je pensais que l’incident était clos.
Et bien non !!!
Elle est venue chez moi, a trouvé mon père comme interlocuteur à qui elle a raconté sa version. Mon père m’a appelée et m’a dit « donne-moi ta version à présent ». Il a souri. Il me croyait mais m’a mise en garde en me disant « tu as du caractère, mais réfléchis, ça pourrait te jouer de mauvais tours »

Depuis je me suis toujours battue contre l’injustice.

La personne qui a le pouvoir n’a pas l’autorité pour juger les autres. »

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