Extrait de "Nous racontons notre vie", Laeken, 2012-13

Enfance en Turquie

J’ai vécu mon enfance en Turquie, dans un village. Au rez-de-chaussée de la maison, vivaient des taureaux, vaches, chèvres, moutons, poules, … Dès l’âge de 5 ans, j’ai élevé ma sœur, je m’occupais aussi des animaux dès 5 heures du matin et de mes autres frères et sœurs. Jamais je n’ai été à l’école. Ma mère voulait que j’y aille mais mon grand-père ne le voulait pas.

J’ai beaucoup joué avec les autres enfants, à l’extérieur, avec de l’eau. J’ai fabriqué des poupées. A la maison, nous fabriquions nous-même le yaourt, le fromage, le beurre. Tous les jours, il fallait nettoyer la maison et battre le tapis. Il fallait être propre. Le soir, mon père et ma mère racontaient des histoires autour du feu devant trente personnes. Papa chantait beaucoup.

J’ai vraiment eu une enfance heureuse !

Mariage et arrivée en Belgique

Je suis arrivée en Belgique en 1975 pour me marier. Je ne connaissais personne et ne connaissais pas non plus le français, juste le kurde qui ressemble un peu au français et aussi le turc que j’ai appris vers 10 ans. J’avais 20 ans et n’avais jamais été à l’école. En fait, je ne voulais ni me marier ni venir en Belgique. Ce sont mes grands-parents qui ont décidé du mariage avec les grands-parents de mon mari. Mon mari et moi, nous sommes cousins.

Arrivée en Belgique, j’ai pleuré pendant 2 ans. Ma famille me manquait. Mon mari, heureusement était très gentil. Il travaillait dans les mines du Limbourg.

Deux ans après mon arrivée, j’ai décidé de travailler comme femme de ménage dans des bureaux. Mon mari n’était pas d’accord car il trouvait qu’il gagnait assez d’argent pour nous deux. Mais j’ai tenu bon et j’ai arrêté de pleurer.

J’ai appris le français sur le tas ; à cette époque, il n’y avait pas de cours de français pour les étrangers comme maintenant.

Religion

Je suis musulmane alevi. 10 à 15% des turcs sont alevi. En 1938, les turcs ont tué des alévis. Actuellement encore, nous sommes persécutés.
Si tu cherches Dieu, il faut d’abord le chercher dans ta tête. Il ne faut pas aller le chercher ailleurs. Il ne faut pas déranger les autres et leur demander : « tu as prié ? ». Si tu pries, c’est pour toi.

Et maintenant

Si je veux rentrer en Turquie pour toujours ? Non parce qu’en Turquie, si tu vas à l’hôpital, tu dois avoir à tes côtés quelqu’un de la famille et moi, je ne veux déranger personne. J’ai contracté une assurance qui permettra à mon corps d’être transféré en Turquie à ma mort. Je retourne chaque année en Turquie et je me sens aussi étrangère là-bas qu’ici. Si je reste trop longtemps en Turquie, la Belgique me manque.

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

s’inscriremot de passe oublié ?