Il y a un demi-siècle, la route des vacances, c’était, pour nous (ma famille), un stress garanti pendant les préparatifs et l’installation des bagages dans le véhicule qui allait nous permettre de franchir une grande distance pour accéder aux plages, de la côte belge tout d’abord, puis, des plages bretonnes et, plus tard, aux plages de la Côte d’azur et de la Costa Brava.

En premier lieu, il fallait s’appliquer à consulter la liste établie par notre père afin de ne rien oublier. Ceci engendrait souvent des tensions entre nos parents, avant le départ comme après, à la découverte de l’absence de certains articles mentionnés sur la fameuse liste, car notre mère n’avait pas la fibre organisationnelle de notre père et fonctionnait plutôt à l’improvisation et à l’instinct, procédant au remplissage des valises sans s’occuper de l’espace disponible du coffre de la voiture.

D’ailleurs l’installation d’un porte-bagages métallique sur le toit de la voiture s’imposera très vite. Un système de tendeurs, appelé « araignée », arrimait les valises au porte-bagages.
Les valises étaient en skaï (un cuir synthétique) avec une poignée et des fermoirs métalliques ou une fermeture-éclair.

La voiture, un accessoire de vie devenu accessible à un plus grand nombre dans les années 1950-60, avec, en tête, la Volkswagen, la « voiture du peuple ». La voiture deviendra très vite indispensable. Le tourisme en pleine expansion, des routes jalonnées de stations-service, de plus en plus nombreuses, entraîneront des déplacements de plus en plus fréquents, vers des destinations de plus en plus lointaines pour satisfaire un nouveau besoin d’exotisme, une soif de nouveaux espaces. La voiture deviendra synonyme de liberté.

Cette liberté avait néanmoins un coût. Avant d’arriver à destination, il y avait tout de même quelques épreuves à subir : les files et les bouchons sur les routes avec les jurons paternels concomitants, la suffocation lors des fortes chaleurs, dans un habitacle réduit, l’air conditionné étant encore absent de la plupart des véhicules ; sans oublier les énervements du père lorsque notre mère ne le renseignait pas assez vite sur la direction à prendre.

Le nez plongé dans la carte routière ou sur le plan du guide Michelin, avec toute sa bonne volonté et son absence de sens de l’orientation, maman faisait heureusement profil bas et, ainsi, évitait d’envenimer les choses. Elle avait l’habitude d’essuyer les plâtres et semblait dotée d’une carapace à toute épreuve sur laquelle glissaient tous les reproches. C’était triste et cocasse à la fois, cette façon dont notre père enguirlandait notre mère tout en lui donnant du « Chérie » sur un ton exaspéré : « Mais enfin, chérie ! »

Nous, les filles, nous étions bien, assises à l’arrière, munies de nos magazines (Pifs gadgets, Bobo, prince de l’évasion, Petzi, les aventures de Picsou et ses neveux, Bob et Bobette,…).
Nous nous amusions à regarder les plaques ou les marques des voitures ou simplement à admirer le paysage.

Toutes les deux ou trois heures, il fallait s’arrêter à une station-service pour faire le plein, ou dans une aire de repos pour se restaurer et se reposer. Dans les années 1960-70, les compagnies pétrolières rivalisaient pour offrir les cadeaux promotionnels les plus attractifs, en vue de fidéliser les clients. Des slogans accrocheurs ont vu le jour : C’est Shell que j’aime ! et Mettez un tigre dans votre moteur ! (Esso)

BP, Shell, Esso, Total, Fina, Seca, offraient des verres, des tasses, de la vaisselle en arcopal (opale), des ramequins en verre fumés (BP), des bols chinois (Seca), des porte-clés, des bouées (Fina),.. Au bout de quelques années, nous avions reçu une telle quantité de vaisselle que notre mère nous en a fait profiter à notre départ de la maison et c’est ainsi que je peux rendre hommage à la qualité et à la solidité de ces produits arcopal qui m’ont beaucoup servie et dont je me sers encore aujourd’hui.

Hélas, le temps des « cadeaux publicitaires » est révolu.

Plus de cadeaux dans les stations qui ne sont d’ailleurs plus des stations-service puisque le service a disparu avec la suppression des pompistes qui venaient vous faire le plein et proposaient de laver votre pare-brise, de vérifier la pression des pneus ou le niveau d’huile.
L’automobiliste se retrouve aujourd’hui seul devant les machines : la borne de paiement et la pompe à essence.

Plus de cadeaux Bonux dans les paquets de lessive, plus d’images à collectionner dans les emballages de bâtons de chocolat Jacques, plus de timbres Soubry à collecter pour garnir d’images des albums Artis-Historia,…

Mais je dévie de ma route.

Je me souviens que notre père pestait sur les véhicules tractant une caravane parce qu’ils ralentissaient le trafic et étaient plus difficiles à dépasser sur les routes secondaires. Certaines de ces petites routes départementales françaises, bordées de platanes de part et d’autres, étaient très agréables malgré les hoquets réguliers de la voiture au passage des coutures d’asphalte coulées latéralement tous les cent mètres, pour combler les fissures de la chaussée. Aujourd’hui, les routes sont, pour la plupart, de longs rubans lisses qui ménagent les pneus, la suspension et les occupants des véhicules.

Parfois une voiture faisait des appels de phares et klaxonnait en nous dépassant tout en faisant de grands signes de la main pour nous saluer. C’étaient d’autres Belges à qui nous répondions avec tout autant d’entrain. Et quand une voiture en contresens nous envoyait ses feux, c’était pour prévenir de la présence de gendarmes postés au bord de la route pour contrôler la vitesse.
Le trafic routier n’était pas aussi dense qu’aujourd’hui et ne représentait pas encore 60% des émissions de gaz à effets de serre.

J’évoque les voitures de mon enfance avec nostalgie. Parce qu’immanquablement associées aux vacances, aux voyages vers d’autres horizons.

La route des vacances, la quête du Graal, le rêve de l’été.

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