Sur le bureau de sœur Bernadette, un petit nègre à la tête oscillante pour dire merci. Un mot wallon prononcé en classe et l’on contribuait aux missions en mettant une pièce. Ne le parlant pas à la maison je n’ai guère contribué à l’évangélisation…

Kilo moto, Union minière, Unilever, silence ! Mon grand-père écoute le cours de la bourse… C’était un moment étrange, une ritournelle de mots qui me restait dans la tête, mélodie des cours de bourse à laquelle je ne comprenais rien mais qui me faisait rêver.

Adolescente, je lisais énormément et tout ce qui touchait à la pauvreté, à l’injustice me révoltait. Les luttes pour les indépendances des pays africains me passionnaient et étaient le sujet de bien des conversations avec ma meilleure amie Ellen. Nous lisions Senghor, Aimé Césaire et nous refaisions le monde à l’arrêt du bus 4 qui me menait à la gare des Guillemins. Militante dans le cadre de la Jeunesse rurale catholique j’étais engagée dans le mouvement international. C’est vraiment à cette époque que j’ai construit mes choix de valeurs et ma vision des rapports de force qui traversent notre société.

1959, Ellen et moi nous rendons au Lycée Léonie de Waha pour deux conférences sur la situation au Congo belge. Venant d’une école catholique notre présence a un goût d’escapade qui nous ravit. Nous avons 16 ans et des idées bien précises sur la nécessaire décolonisation. Les conférenciers exposent clairement comment les Belges au Congo n’ont pas permis le développement d’une élite intellectuelle et comment la Belgique a construit une partie de sa prospérité sur l’exploitation des richesses minières du Congo sans y investir dans l’éducation et la formation.

1960, 30 juin. Vient le jour de l’indépendance… C’est l’été… Toute la famille est à l’écoute de la radio. Maman est consternée par le discours de Lumumba. Elle est convaincue que les Congolais sont incapables de se gouverner, qu’ils ont besoin d’être encadré, « enfin on verra bien »… J’exulte, je partage la vision de Lumumba sur la colonisation belge et sur l’œuvre de Léopold II. Je me lance dans un discours que je veux persuasif. Se mêlent les histoires familiales, mes lectures, les informations qui me viennent en vrac : Tante Adèle, robe blanche, casque colonial sur la tête, portée en chaise par des Congolais en pagne, l’exploitation des richesses du Congo, les missionnaires qui ont formé plus de prêtres que d’universitaires… Ce jour-là, je crois n’avoir convaincu personne, excepté ma plus jeune sœur qui partageait déjà mes points de vue.

Les évènements de juillet semblèrent donner raison à ma mère. Le retour des rapatriés, leurs récits… Sensible à leur détresse, je les plaignais. Beaucoup avaient tout perdu là-bas. Mais oserai-je dire que j’ai toujours gardé une certaine méfiance vis-à-vis des ex-coloniaux… Certains, que je connais, gardent une sorte de nostalgie d’un paradis perdu où pourtant les Congolais, leurs boys, étaient si gentils…

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