La préparation de l’Expo 58

C’est à cette époque, que les journaux parlés et écrits commencèrent à nous détailler tous les bouleversements qui se préparaient dans la capitale en vue de « l’Exposition Internationale de 58 ». Une première autoroute, deux bandes dans chaque sens, 105 kilomètres de long, permit de rejoindre Ostende rapidement. Le belge moderne s’annonçait comme un belge mobile, empruntant la voiture ou le train. Depuis 1952, la jonction « NordMidi » permettait une nouvelle mobilité, la ville devint un nœud de voies ferroviaires, routières, navigables et aériennes. Dès ce moment, Bruxelles, devint un chantier permanent. L’environnement et les embouteillages ne posaient pas encore de problèmes, les inégalités sociales ne semblaient pas insolubles et l’énergie nucléaire ne recelait que des promesses !

Insidieusement, une effervescence incroyable s’empara du pays, très longtemps d’avance la Belgique fut dynamisée. On ne parlait plus que de ça « L’EXPO » ! J’avais 17 ans, j’étais en avant dernière année d’humanité et tout ce remue-ménage m’intéressait beaucoup. À force de découvrir les grands travaux dans Bruxelles pour « L’Expo » et tous les projets des pavillons du monde entier, j’eus l’impression d’une fin d’époque. Un peu comme si enfin les tourments des deux guerres s’effaçaient pour faire place à un futur prometteur. Il semblait que tout devenait possible… une drôle de belle époque commençait ! On découvrait les projets de : « La Belgique Joyeuse », oui la vie devenait plus légère. On pouvait s’amuser, rire voire se divertir la nuit entière ! Que n’a-t-on pas dit et écrit sur cette expo. Tous les belges étaient pris dans une espèce d’ivresse au progrès, oui une page se tournait et le monde entier attendait, espérait… des jours meilleurs.

Les bouleversements se manifestèrent dans tous les domaines, ce fût l’époque des couleurs franches, criardes, osées, des matières plastiques rutilantes, du formica, du design délirant et multicolore. On se lâche, on ose, les papiers peints, les tissus, les objets sont plein de vitalité tout est à l’optimisme. La société croit en la science qui semble avoir réponse à tout, les progrès techniques sont en pleine expansion. La Belgique consacra de nombreux pavillons à ses industries, ses services et sa culture. Et je me rappelle un témoin qui a subsisté longtemps après l’Expo : la Flèche du Génie civil en béton, qui rendait un hommage prodigieux à l’audace des techniques de construction modernes. La conception et la réalisation de cette flèche en voile de béton, longue de 80 mètres, qui s’élevait à 36 mètres du sol s’appuyait sur un socle en béton s’élargissant en forme de coupole. Elle semblait dire :
regardez, je tiens ! À ses pieds, une carte en relief de la Belgique, couvrait un quart d’hectare.

Ce fût une époque exaltante, de 1958 à 1973, en Belgique, le revenu par habitant doubla, il passa de 53.400 à 105.200 francs c-à-d. qu’un belge pouvait se procurer deux fois plus de choses.

L’Expo 58

Pourtant, cette vitrine du monde, avec tout ce qu’elle promettait…, je ne l’ai vue que deux fois ! Oui, je n’ai été à l’expo qu’à deux occasions. La première en juin, avec ma classe en voyage scolaire et une fois avec mon père pendant les grandes vacances. Bien qu’ayant 17 ans, jamais mes parents n’auraient acceptés que j’y vienne seule ou avec des amies. J’en ai gardé surtout un souvenir de trop peu, tant il y avait de choses à voir ou à faire ! Tout y était découverte !

Je me souviens très bien du pavillon des États-Unis, une des rares constructions de l’expo à avoir été conservée. Celui-ci contrastait avec la rigueur pédagogique de son voisin soviétique. Il était gigantesque et circulaire, une sorte d’anneau de 36 côtés soutenu par 72 colonnes de 22 mètres de haut. À l’intérieur, un design ultra moderne fait de noir et de lumières avec des vitrines, des fontaines, des sodas et des ice-creams et en prime les premières télévisions en couleurs. Juste en face, le pavillon soviétique rectangulaire et son énorme hall dominé par la statue géante de Lénine. On y montrait, entre autres choses spectaculaires, le plus gros roulement à bille du monde et surtout la reproduction du spoutnik et ses « bip,bip », premier satellite lancé autour de la terre, dont les récents succès dans l’espace donnaient des complexes à tout l’occident. Je me souviens aussi, des constructions des voisins proches, la France dont le pavillon équilibré par une flèche fut sans doute celui qui suscitait le plus de curiosité, on y présentait entre-autre chose, la nouvelle « Citroën DS 19 » et les exemples les plus significatifs de la modernité à la portée de tous ! Et que dire des luxueuses vitrines de haute couture et ses défilés très suivis. Plus loin, le pavillon des « Pays-Bas » et son mur d’eau, ses marées, moulins et bulbes de fleurs. Il me revient aussi, celui de la Hongrie et son folklore (peut-être m’a-t-il marqué à cause de la révolution de 1956) et de celui de la Tchécoslovaquie où j’ai acheté un petit cendrier en poterie que je possède encore. Curieusement ces deux derniers pays m’étaient moins connus, bien que géographiquement plus proche que ceux du « nouveau monde ». Avec papa j’ai été découvrir le pavillon du Canada… c’est là, qu’il m’expliqua son rêve improbable de s’y rendre. Il m’expliqua la grandeur et la démesure des paysages, des villes et surtout du St-Laurent dont à l’embouchure on ne voit pas les deux rives simultanément ! Il me parla de la flottaison des bois, qui en long trains s’y déplaçaient. De la fabrication de la pâte à papier, qui arrivait dans nos papeteries via le transport maritime. Je ne sais ce qui avait déclenché en lui cet enthousiasme pour ce pays, mais ce jour-là, son rêve devint le mien.

Les souvenirs que je garde de cette célèbre expo, sont une abondance de découvertes, la terre à portée des yeux. Où que l’on soit dans la grande avenue de l’Exposition, l’Atomium était visible, cette construction rappelait par son choix, l’avènement d’une ère nouvelle : l’ère de l’atome. Les neuf sphères illustraient les atomes dans le réseau cristallin, les tubes symbolisaient les forces moléculaires de liaison, les proportions originales du cristal de fer qu’il représentait furent augmentées quelque 165 milliards de fois pour le réaliser. L’Atomium était porteur d’un message moins innocent que l’on ne pense, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, le monde entier se donnait pour mission de retourner l’opinion publique en faveur de l’énergie nucléaire et faire oublier sa connotation négative d’Hiroshima et de Nagasaki. C’est ainsi, que de voir tant de choses, mais tout compte fait d’en visiter si peu est né en moi un désir de voyager, de voir de mes propres yeux, mon goût des voyages à l’étranger est peut-être né ou trouve son origine à ce moment-là.

2 commentaires Répondre

  • Sylvie Répondre

    L’expo 58, une excitante vitrine du monde pour tous ceux qui n’avaient pas encore voyagé. A chaque époque ses défis ! Nos espoirs actuels se tournent vers les scientifiques et le monde des experts. Peut-être que, dans un futur plus ou moins proche, nous ne pourrons presque plus voyager en avion et que nous nous contenterons, comme aujourd’hui, des voyages immobiles que nous procure internet...

  • christian coen Répondre

    L’expo 58 a du créer bien des vocations. J’étais fasciné par la maquette du site d’INGA au pavillon du Congo. Produire de l’électricité à partir de l’eau ... Génial ! J’y consacrerai 40 ans de ma vie et je viens de retrouver mes notes de 1981 : de Kinshasa à Inga,ce sera pour un prochain Carrefour des Mémoires

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

s’inscriremot de passe oublié ?