Je suis née dans une famille juive en avril 1940, quelques jours avant l’invasion de la Belgique par l’armée allemande au début de la seconde guerre mondiale. En 1942, lorsque les nazis ont commencé à déporter les familles juives dans des camps pour être exterminées, nous avons été cachées, ma sœur et moi, dans une famille flamande, à Drogenbos, un village près de Bruxelles. J’ai passé les 2 premières années du jardin d’enfant dans une école catholique tenue par des sœurs religieuses.

Ma mère a survécu à la guerre alors que mon père a été assassiné dans un de ces camps de la mort. En 1945, elle nous a reprises auprès d’elle et nous a inscrites dans une école juive car elle était très pratiquante et désirait nous éduquer dans la religion de ses ancêtres.

Dans cette école, durant la première heure de la matinée et à la dernière heure de cours ainsi que le dimanche matin, on nous enseignait l’hébreu et des matières religieuses ou bien l’histoire et la géographie d’Israël. Nous n’avions pas congé le jeudi après-midi comme dans les autres écoles mais le samedi toute la journée. L’enseignement de ces matières était coté séparément et les résultats n’intervenaient pas dans les bulletins des branches laïques. Nous ne prenions donc pas ces cours très au sérieux.

J’ai toujours trouvé les préceptes de la religion juive très contraignants. Toutes les activités de la journée sont règlementées, beaucoup d’aliments sont interdits, notamment la viande de porc, les crustacés (homard, crabes...) et les mollusques (moules, huitres ...). Je n’aimais pas devoir faire les nombreuses prières en hébreu que je ne comprenais pas, à la maison, à l’école ou à la synagogue.

Le plus désagréable pour moi, c’était les conséquences du repos que nous devions prendre le jour du Shabbat (nom du samedi en hébreu). Dans la Bible, il est dit que l’on ne doit pas travailler ce jour-là. C’est certainement une bonne chose, mais les rabbins ont élargi cette interdiction à un grand nombre d’actes qui me rendaient ces journées-là très pénibles. Il n’était pas permis de se déplacer en tram ou en voiture, d’allumer la radio, de porter quoi que ce soit en rue, d’utiliser n’importe quel appareil électrique, on ne pouvait même pas actionner une sonnette.

J’étais aussi irritée par la place que la religion juive réservait à la femme. Celle-ci ne devait pas faire d’études supérieures, se marier jeune et se consacrer à ses enfants et à son mari.

J’ai pourtant été fidèle à tous ces règlements jusqu’à l’âge de 20 ans, mais sans grande conviction. Quand j’étais enfant, j’étais docile et obéissais à ma mère qui était très gentille, sans me poser beaucoup de questions.

A 18 ans j’ai entrepris des études de physique à l’Université Libre de Bruxelles. L’esprit du Libre Examen, l’influence de mes études scientifiques et les discussions avec Richard, mon futur mari, qui était tout à fait athée et antireligieux, ont eu raison de mes derniers attachements à mes pratiques religieuses. En 1960, j’ai abandonné l’observance du Shabbat et la nourriture cachère. L’existence de Dieu est une question qui ne m’intéresse plus du tout, toutes les religions sont pour moi des instruments de manipulation.

Je pense cependant que les commandements de la Bible, dans le premier testament, concernant le comportement des gens vis-à-vis de leurs prochains ont une grande valeur morale. Je suis encore sensible à tout ce qui concerne le judaïsme, à la musique juive et à la littérature juive.

Mon vécu de la Shoah et de ses conséquences me rendent solidaire du peuple juif auquel je me sens toujours appartenir.

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