Le début des années 1950 n’offrait pas tant d’opportunités pour la période des vacances d’une famille de 3 enfants. Mon père, cependant, qui était adepte de la nature et du grand air, avait le don de trouver des solutions - permettant aux siens de prendre des distances avec le petit appartement de Forest aux dimensions et au confort très sommaires.

Il avait effectué des visites dans un "Stock américain" constitué encore de matériel USA authentique... et avait donc fait l’acquisition d’une vaste tente pyramidale en toile kaki et de divers accessoires (sac à réserve d’eau, bassines, lampe tempête) susceptibles de rendre notre séjour au bon air plus confortable. Tout fut classé, plié, rangé au carré pour prendre le moins de place possible dans la camionnette du laitier qui fut chargée de porter cette cargaison sur ce qui fut notre lieu de villégiature : un verger attenant à une ferme du Brabant Wallon.

Le verger était rempli de pommiers de la variété "Belle Fleur", fruits un peu acides et juteux. Je garde en mémoire des souvenirs gustatifs et olfactifs (beurre, pain, lard de la ferme). Le beurre qui servait à faire nos tartines ferait la fierté d’un restaurateur étoilé aujourd’hui .... Le pain cuit à partir du froment de la ferme était un vrai régal. Les jours s’écoulaient au rythme des petits bonheurs quotidiens d’une gamine de 11 ans : conduire ou ramener les vaches des pâtures, la traite à laquelle je pouvais m’initier, de même que l’écrémage en fin de journée. Le mardi, la fermière se levait à 4 h du matin pour faire le beurre à la baratte dans sa cave. (n’étant pas d’origine rurale, elle me disait souvent : "n’épouse jamais un fermier") Je ne comprenais pas tout à fait car je ne mesurais pas l’ampleur des contraintes. Aller chercher les oeufs dans la paille, c’était si gai !

Un jour, en compagnie de mon frère aîné - un grand ado qui avait parcouru la région à vélo, nous nous sommes retrouvés au bout du village et il me montra l’horizon légèrement vallonné en me disant : "tu vois, là-bas, c’est Ottignies ... Ce mot résonna à mes oreilles de façon particulière. J’étais subjuguée de voir mon frère connaître cela ... Ottignies ... une impression telle qu’aujourd’hui au cours d’un voyage quelqu’un s’adresserait à moi en me montrant l’horizon dans la brume dorée d’un matin en me disant : "tu vois, là-bas, c’est Samarcande ... rêve de voyages , d’histoires, d’aventures ... c’est réalisable partout et à tout âge !

1 commentaire Répondre

  • Lucienne D. Répondre

    j’ai adoré votre narration : le regard frais, merveilleux d’un enfant sur les joies simples de la vie. Quel bonheur ! S’en souvenir comme un trésor des années après montre toutes les ressources de notre force affective. Bravo. Lucienne E

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