Ce texte fait partie du feuilleton "Ma soeur, cette héroïne", écrit par José T. Lire l’ensemble

Ma sœur n’eut pas à apprendre à Loucky la mort tragique de son fiancé qui fut autorisé, avant sa mort, à lui envoyer ainsi qu’à ses parents, une lettre d’adieu.

Namur 1 juillet 1944
Mes parents bien chéris,
Je vous demande pardon, maman et papa, de la grande peine que je vais vous faire. Il est 5heures du matin et, dans une demi-heure, je dois paraître devant Dieu.
Ne croyez pas que j’ai peur ou que je tremble. Je meurs pour mon pays.
VIVE LA Belgique !
Je crois que je me serai montré digne de vous, mes parents bien chéris. Ma dernière pensée sera pour vous et pour ma Loucky. De là-haut, je veillerai sur vous.
Papa et maman, je suis sûr que vous aurez gardé un bon souvenir de moi. Ne m’oubliez jamais.
Je vous embrasse très fort de loin pour la dernière fois. Adieu maman et papa chéris, adieu et pardon.
Votre petit Robert

Loucky n’eut pas la force de revenir sur les lieux où elle avait si souvent correspondu avec son fiancé, espérant qu’il se sortirait des griffes de la Gestapo.
Le 14 juillet, elle écrivit à ma grande sœur qu’elle appelait fraternellement Guyguy.
Très chère petite Guyguy,
Nous sommes aujourd’hui le 14 juillet, jour de l’anniversaire de mon Robert que nous ne fêtons pas et que nous ne fêterons plus jamais car, sais-tu chérie que mon Bobby, notre Spada à nous, n’est plus en ce monde.
Nous avons eu ces tristes nouvelles hier par le commissaire de police, et puis nous avons reçu ses lettres, une pour ses parents et une pour moi., les dernières lignes qu’il a encore pu écrire avant de s’en aller vers un voyage d’où l’on ne revient plus, laissant ses parents et sa Loucky qu’il aimait tant, tout seuls avec leur chagrin, car nous ne pourrons toujours pas le comprendre. Nous avions tant prié et fait faire des neuvaines. J’allais à la messe et à la communion tous les jours et tu vois bien que les miracles n’existent pas. Moi, je ne peux plus prier. Je ne pourrai plus jamais avoir confiance. Chaque fois que je veux prier, je me dis que c’est inutile, que l’on n’est tout de même pas exaucée. Parce que pour mon grand Bobby chéri j’avais supplié la sainte Vierge de le laisser vivre. Nous aurions si bien pu la servir à nous deux mais, hélas, je ne le reverrai plus jamais. Il ne me dira plus jamais, je t’aime. Tout cela est fini. Je suis toute seule avec ma peine.
Je te remercie, ma petite sœur, de tout ce que tu as fait pour lui et pour moi. Jamais je n’oublierai cela. Je penserai toujours que c’est à toi que nous devrons d’avoir connu les dernières joies de ma vie et que c’est toi qui lui a toujours donné du courage et remonté le moral quand il avait un si gros cafard. Tout cela est fini aussi Guyguy chérie. Tu ne devrais plus jamais dire à Spada que sa Loucky l’adorait.
Remercie aussi tes parents…Plus tard, je viendrai les remercier personnellement ainsi que toi ma chère Guyguy. Il faudra encore attendre un petit peu car maintenant je ne saurai pas encore venir à Namur.
Je te quitte ici, ma petite sœur chérie, en t’embrassant bien fort.
Ton amie bien malheureuse.
Loucky
.
Durant plusieurs jours, les chrysanthèmes prirent la place des marguerites et des roses rouges sur la tablette de la fenêtre.
Après cette lettre, Loucky ne donna plus signe de vie. Ma sœur put garder pour elle seule, cet amour éternel qui n’avait pas été consommé.

Lire la suite

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

s’inscriremot de passe oublié ?