Ce texte fait partie du feuilleton "Ma soeur, cette héroïne", écrit par José T. Lire l’ensemble

Des centaines de messages vont ,dès lors, circuler, entre la prison et l’extérieur, soit adressés aux familles des détenus, soit à des réseaux de résistance, maintenant le moral des prisonniers et sauvant des vies menacées par la Gestapo.
En mars 1944 ,"Macadam", transféré dans une autre prison, passe le système à Pierre Adam de Namur
Mais il fallut redoubler de vigilance.
Une lettre ,datée du 29 mai 1944, frappée du cachet hitlérien, signée par le Heeresjustizoberinspektor, priait mon père " de bien vouloir laisser les fenêtres de la façade postérieure de votre maison fermées pendant toute la journée et d’y laisser les rideaux baissés. Ne cherchez par aucun moyen à communiquer avec les prisonniers…"Cette lettre se terminait par cette formule étrangement polie et bienveillante ! : " Si suite à cet avertissement, vous ne tenez pas compte de nos recommandations, nous serons dans l’obligation d’agir et de ne plus tenir compte d’aucune indulgence à votre égard.
La Gestapo s’était rendu compte qu’il y avait des fuites. Après avoir soupçonné certains gardiens, elle suspecta l’existence "d’un téléphone" vers l’extérieur. Elle fit circuler "des moutons" dans les cellules. Il fallut stopper toute communication avec les détenus, le temps que la méfiance se dissipe. Patience, patience, notre fenêtre resta close. Le petit bouquet de marguerites tint lieu de consolation.

Mis en éveil par l’Armée secrète qui, mitraillette sous le manteau, était venue sur place vérifier le fonctionnement de notre réseau, mon père prit de sages mesures de précaution. Pour filtrer les visiteurs il imposa un mot de passe, "Le chien a mal aux dents" et pendit dans le hall d’entrée, côté ouvre-porte, dans un cadre doré, la photographie d’un fox terrier à poil dur, gueule bandée, yeux larmoyants, sosie de Milou mordu par un perroquet râleur, dans "Tintin au Congo". En face, sur une commode, il entassa astucieusement des "SIGNAL", revue de propagande nazie, éditée à Berlin, style "Le Soir Illustré", en plus national socialiste.
– Qu’on nous prenne pour des collaborateurs nazis, tant mieux ! Nous serons ainsi en sécurité.
Nous dévorions jusqu’à l’indigestion ces revues où abondaient images et couleurs.
Sur une photo en pleine page, un char allemand cloue au sol un avion russe qui s’apprête à décoller et sur une autre, en double page, c’est un géant teuton, casqué et botté, le visage balafré, la bouche déformée, l’uniforme taché de sang, qui réduit au silence, avec son lance-flamme, un bunker russe dont les occupants, torches vivantes, tentent de s’échapper. En légende, on peut lire : "Le soldat allemand se bat jusqu’à sa dernière cartouche, le soldat russe fuit dès qu’il se croit cerné.".
C’est dans le même numéro de cette revue si généreusement illustrée que je découvris la munificence du musée du Louvre et fit connaissance avec Isabelle, épouse de l’empereur Charles-Quint, peinte par le Titien. L’article s’intitulait : "Voici ce qui nous rend la vie agréable !".

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