Après une demi-heure de marche, nous bifurquons vers Hoves où des amis de mes parents nous offrent l’hospitalité pour la nuit.
Joseph et moi faisons paillasse par terre. Dans la cuisine de l’immeuble est disposé à même le sol un grand matelas sur lequel nous sommes censés devoir dormir.
C’est mal connaître deux garnements dans un parfaite forme physique, l’esprit en vacance et bien isolés des adultes qui se reposent à l’étage.
Il est fort tard quand nous nous endormons après d’épuisantes batailles d’oreillers, de taquineries enfantines et de fous rires complices.

Le matin du lendemain nous rejoignons le flot des réfugiés qui s’étire vers la France.
Nous nous glissons entre un tombereau tracté par un cheval et une charrette à bras tirée par un homme en bretelles, la chemise saturée de transpiration. Une femme et deux enfants poussent la charrette par l’arrière. Un homme âgé, épuisé, la suit comme un robot dont le mécanisme ne va pas tarder à se gripper.
Des objets ménagers hétéroclites encombrent les deux véhicules.
Un embrouillaminis de cordes et de ficelles maintient les chargements.
Une bâche recouvre partiellement le tombereau à côté duquel marche un couple silencieux, ployé sous le faix .
Des voitures et des camions nous dépassent en soulevant une poussière suffocante.
Ils sont également surchargés de personnes et de bagages.
Des sacs, valises et même des meubles s’empilent sur les porte-bagages fixés aux toits des voitures.
Deux femmes poussent chacune un landau décapoté et nous dépassent d’un pas soutenu.
Un enfant de mon âge marche à côté de l’une d’elles. Les landaus débordent de valises dont le poids fait grincer les ressorts tendus à la limite de la rupture.
Les deux femmes portent des vêtements de citadines et sont coiffées d’un chapeau de feutre.
Si elles ne poussaient un landau poussiéreux on pourrait les supposer en route vers une quelconque cérémonie.
Beaucoup d’hommes, piétons ou convoyeurs de charrettes, sont coiffés de chapeaux ou de casquettes généralement de ton sombre.
Par ce temps de canicule, le port d’un canotier s’avérerait plus judicieux. Mais il serait indécent de porter un couvre-chef qui symbolise les ginguettes joyeuses des dimanches et des jours de fête. Pourrait-on concevoir une mine allongée, des traits tirés ou des yeux hagards sous un riant chapeau de paille ?
L‘environnement de proximité varie constamment en fonction des arrêts et de la vitesse de déplacement des groupes. Et le landau devient triporteur tiré par un chien, la charrette à bras cède la place à une charrette agricole tractée par des chevaux brabançons.
Et toujours cet amoncellement hallucinant de bagages maintenus par un entrelacs de liens.

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