Extrait de "Nous racontons notre vie" 2024-25
Enfance
Je suis né à 7 mois à Hellebeek, près d’Ath. J’ai grandi dans une famille de 5 enfants. J’étais celui du milieu. Ma maman était polonaise et mon papa belge. Je n’ai presque pas connu mes parents. Ma maman me traitait différemment que mes frères et sœurs, la relation avec elle n’était pas bonne, j’étais maltraité. J’ai été placé à l’âge de 1 an puis remis à mes parents à l’âge de 4 ans, mais pour une courte durée.
Mon papa de famille d’accueil était bûcheron. Il m’emmenait avec lui quand il partait pour une semaine et la plupart des bons souvenirs et des apprentissages que j’ai en famille viennent de lui : boire de l’eau de source, l’apiculture, reconnaitre les arbres, l’odeur de la forêt.
L’école n’était pas faite pour moi, les méthodes d’apprentissage n’étaient pas adaptées. J’ai triplé ma troisième primaire. J’ai appris à lire et à écrire par moi-même avec des mots croisés, des mots fléchés et d’autres jeux de mots.
J’ai appris la vie en communauté dans les différents lieux où j’ai été placé, ainsi que chez les scouts et à l’armée. Dans les homes, j’ai rencontré des éducateurs qui m’ont aidé en essayant de me comprendre et de m’accepter comme j’étais. Mais je fuguais souvent, c’est pour ça que j’ai fait tant de homes. Il n’y a rien à regretter à ça, ce sont plein d’aventures desquelles je parle sans problème. C’est dans les homes que j’ai appris à cuisiner.
Voici des harmonicas. Ils ont chacun une sonorité différente. Ils m’ont été offerts dans un home dans lequel j’ai vécu, c’est le premier cadeau dont je me souviens. J’ai appris seul à en jouer quand j’étais tout petit. Je me mettais dans une armoire pour entendre mes propres sons et les faire évoluer. Je fais tout à l’oreille, je ne sais pas lire la musique. Plus jeune quand je voyageais beaucoup, je me produisais avec un ami guitariste. Quand j’en joue, mon souffle se régule et je me sens mieux, c’est une sorte de méditation.
J’ai essayé de créer des liens avec mes frères et sœurs, mais ça n’a jamais pris… Je me suis toujours senti exclu de la fratrie. Ça me soulage de pouvoir vous partager tout ça.
Travail
Dans la famille dans laquelle j’ai été placé, ma maman était femme de ménage et mon papa était mineur.
J’ai fait pas mal de boulots différents. J’ai été dans la restauration, en cuisine puis en salle. J’ai été électricien, jardinier, bûcheron, apiculteur et musicien. Mon premier métier a été boucher en contrat d’apprentissage. J’ai aimé faire tout ça, car c’était par plaisir. J’ai tout appris sur le tas en faisant mes expériences. J’arrivais sans diplôme et je repartais avec un métier !
Mon premier souvenir d’expérience de travail, c’était quand j’avais environ 8 ans. J’avais mis la combinaison de papa, pris son fumoir et sa scie à main afin de capturer un essaim d’abeilles qui était dans un buisson. Deux abeilles sont venues sous mon casque, mais j’ai réussi à ne pas paniquer.
À 18 ans, j’ai fait mon service militaire en Allemagne. Au début je n’aimais pas, c’était très sévère. J’étais dans le régiment de la reine, on devait être exemplaire, on nous appelait l’escadron panique. J’avais un béret noir de commando. Je me suis démarqué par mes aptitudes physiques. Mon surnom c’était « La gazelle « parce que je courais vite. Quand je gagnais des compétitions, j’avais le droit à des jours de congé, mais en général, je les passais à la caserne, car je ne savais pas où aller.
Ensuite, à mes 20 ans, je suis allé à Anvers pour rentrer dans la marine. Mais il y avait énormément de candidats et finalement j’ai travaillé comme cuisinier. C’est là que j’ai rencontré ma ma femme, "ma belle Italienne". Avec elle, j’ai fait le tour de toute l’Europe. Nous avons partagé notre vie pendant 18 ans avant qu’elle ne décède d’un cancer.
De 2011 à 2020, j’ai suivi une formation et j’ai été secouriste à la Croix rouge à Forest. On travaillait parfois jusqu’à 2h du matin, entre autres avec des réfugiés. Mes dernières occupations sur Bruxelles sont du bénévolat à Nativitas, au home des Ursulines, à la Samaritaine ...
Comme futurs projets, j’aimerais apprendre aux enfants la méditation et aussi acheter un mobil-home pour faire le tour des Balkans.
Entre ici et là-bas
J’ai vécu 18 années à Anvers, dans ma jeunesse. J’y ai aussi travaillé comme chauffeur de camion pour une société de prêt-à-porter. Je faisais des trajets vers la Turquie, l’Algérie, la Tunisie et j’y restais chaque fois 1 mois.
Puis, j’ai habité pendant 18 années à Tournai. Et ensuite, 18 ans à Bruxelles où je suis arrivé pour me faire soigner, car j’étais alcoolique.
Maintenant, je pense retourner à Tournai ou alors vivre à Liège. J’aime la mentalité des Ardennes, celle du bon vivant, des bûcherons. J’aime les montagnes de Belgique. Je n’aime plus Bruxelles. Je trouve qu’il y a beaucoup d’activités ici, mais que rien ne perdure. Bruxelles est une ville qui stagne, comme le marécage sur lequel elle a été construite. J’aimerais pouvoir m’investir davantage dans des activités sociales, comme la musique, la sculpture, le chant.
Les changements dont je suis témoin
Je suis né en 1950, j’ai grandi avec une mentalité d’après-guerre, c’est-à-dire qu’on était encore un peu inquiets. À l’arrivée du téléphone portable en 1998, je me souviens qu’il fallait sortir pour capter les ondes.
L’arrivée d’internet a changé beaucoup de choses. C’est une grande facilité. Mais aussi la source de problèmes, comme la pédophilie, les réseaux criminels. J’ai eu mon premier ordinateur il y a seulement 8 ans, certaines choses restent compliquées pour moi.