A ma question demandant à maman si elle aurait voulu une fille comme premier bébé, elle me répondit sans aucune hésitation : "non". Elle voulait un garçon comme aîné de famille, car ayant elle-même été l’aînée d’une fratrie de six enfants, elle savait la responsabilité et le travail qu’elle avait dû prendre en charge vis-à-vis de ses sœurs et frères, tout simplement parce qu’elle était une fille. Elle ne voulait pas la même vie pour sa fille à elle. Elle fût très heureuse d’accueillir une fille comme deuxième bébé et pour sa troisième grossesse, elle préférait un garçon, car disait-elle, il aurait une vie plus facile qu’une fille. Il ne devrait pas souffrir de règles, de grossesses, d’accouchements et n’aurait pas toutes les charges ménagères bien souvent ingrates incombant aux femmes.

Maman, en réaction à sa vie et son expérience de fille et de sœur aînée, n’a jamais voulu que je ne l’aide en rien. Elle disait ne pas vouloir faire de différence entre mes frères et moi pour la seconder. Mais, il y avait de petites charges que nous partagions tous les trois ; par exemple aller aux magasins de quartier pour quelques achats qu’elle avait oubliés lors de ses courses journalières.

Petite, j’entendais les grands dire de moi que j’étais un véritable garçon manqué ! Intrépide, je n’avais peur de rien, je ruais dans les brancards, je jouais au foot, je détestais le rose... Je voulais faire comme les garçons, être un garçon ! Mon frère aîné était beaucoup plus timide et réservé. Voyant nos tempéraments respectifs, maman disait que Claude aurait dû être une fille et Christiane un garçon. Mais pourquoi voulais-je être un garçon ? Je ne le découvrirais que bien plus tard.

Si maman ne fit aucune différence entre-nous pour notre implication dans le ménage, elle et papa faisaient d’énormes différences entre nous pour les loisirs. J’avais l’impression que Claude pouvait tout faire et moi rien. Yves avait six ans de moins, cette différence d’âge faisait que je ne me comparais pas à lui.

C’est ainsi, qu’au fil des âges, mon frère aîné avait de plus en plus de liberté. Il pouvait rouler en trottinette ou à vélo seul dans la rue. Cela m’était interdit. Je pouvais uniquement faire du vélo à la mer, sur la digue et accompagnée de mon frère. Il pouvait aller seul à la piscine, se promener en ville, se rendre au cinéma de quartier, partir en vacances avec un copain, dormir en Auberge de Jeunesse, sortir le soir…. Tout cela m’était absolument défendu. Jusqu’à mon mariage je dus rentrer à 22 heures. Chaque fois que je demandais pourquoi toutes ces différences, invariablement on me répondait parce que tu es une fille et que lui c’est un garçon !

Cela me révoltait. Je trouvais cela complètement injuste et j’essayai par diverses stratégies d’obtenir les mêmes permissions que Claude, sans jamais y arriver. J’étais furieuse d’être une fille et de ne pas avoir les mêmes droits qu’un garçon. Il avait de nombreuses permissions et moi, je n’en avais aucune. Je faisais alors du chantage affectif auprès de maman. Je lui disais qu’elle et papa n’étaient certainement pas mes vrais parents. Que j’étais une enfant trouvée. Qu’ils ne m’aimaient pas comme ils aimaient mon frère et que c’est uniquement pour cela qu’ils faisaient des différences entre lui et moi. Les premières fois que j’usais de ces arguments, je faisais mouche ! Maman était toute triste, elle voulait me prendre dans ses bras pour me faire un gros câlin, et me parler. Mais, moi, je bouchais mes oreilles, je ne me laissais pas faire lui disant qu’on ferait un câlin lorsque j’aurais les mêmes droits que mon frère. Après quelques temps, maman ne s’émouvait plus de mes jérémiades et désamorçait mes propos en les prenant à la rigolade.

Cependant, j’aimais bien être une fille lorsque maman me parlait comme à une amie et me faisait quelques confidences. J’aimais être une fille, lorsque nous partions en promenade et que papa me disait "donne-moi la main fifille" et que maman me disait "si tu savais comme ton Papa est fier de sa petite fille". J’aimais être une fille lorsque je constatais que papa capitulait plus vite devant moi que devant mon frère. Lorsque nous voulions obtenir une permission, mon grand frère me disait toujours : "va toi, le demander à papa, il te dira plus vite oui qu’à moi". Et, c’était bien vrai !

A 14 ans, devenue amoureuse, je ne voulais plus du tout, mais alors plus du tout être un garçon. Je me réjouissais d’être une fille et n’aurait voulu changer ma place pour rien au monde.

Extérieurement, je n’étais cependant pas très féminine. Je ne voulais pas avoir une allure sophistiquée, comme beaucoup de filles de ma classe. Pas de maquillage, de boucles d’oreille, de bijoux, de foulard, de froufrou. Mon frère dit un jour à son ami Herman, "je ne comprends pas ce que tu trouves à ma sœur, elle n’a aucune féminité". Mais, il n’y a pas que l’aspect extérieur qui montre la féminité d’un être. Mon caractère profond était bien celui d’une fille de l’époque ; romantique, sentimentale, maternelle, sensible, inquiète, nerveuse, empathique, serviable.

Ce n’est qu’à l’âge adulte, qu’effectuant un travail sur moi-même, je découvris que ce désir d’être un garçon dans l’enfance, venait uniquement du besoin de me sentir l’égal de mon frère. Je croyais que si mes parents faisaient des différences entre mon frère et moi, c’est que je valais moins que lui à leurs yeux, qu’ils m’aimaient moins. Alors qu’ils avaient simplement une attitude de beaucoup de petits bourgeois de l’époque concernant l’éducation des garçons et des filles. Il fallait protéger les filles de tous les dangers et surtout celui de tomber enceinte avant le mariage.

Les temps ont bien changé. Aujourd’hui, en 2022, je suis sidérée par le nombre de jeunes qui veulent changer de sexe. C’est devenu une véritable mode. J’ai appris par les médias qu’à la clinique des genres de Gand, il y a 5.000 jeunes en attente d’être pris en charge pour changer de sexe. Il n’y a pour le moment que trois cliniques qui ont ce département en Belgique. A Gand, Genk et Liège. Devant le nombre croissant de demande, l’Hôpital Brugmann, à son tour va ouvrir ce service, qui sera en place en 2023.

Je trouve que les médias influencent très fort la démarche de changer de genre par leurs nombreuses interventions sur le sujet. L’adolescence est un moment difficile à passer. Je crains qu’après une déception amoureuse ou des difficultés de relations à l’autre sexe, il soit tentant pour ceux qui sont mal dans leur peau de se laisser convaincre qu’il suffit de changer de sexe pour que tout aille mieux.

Je me rappelle une journée de formation dans les années 1990 sur le sujet, avec le psychiatre et professeur émérite, Philippe Van Meerbeeck. Il nous disait le long accompagnement psychologique que les jeunes devaient suivre avant une opération. Mais il nous disait aussi, le grand nombre de déceptions après quelques années vécues dans l’autre genre. Car si on peut implanter un autre sexe, celui-ci reste toujours une prothèse et le plaisir n’est pas au rendez-vous.

Je suis aussi étonnée d’apprendre qu’un projet de loi prévoit que le sexe de l’enfant ne sera plus déclaré à la naissance, afin que plus tard il puisse choisir lui-même. Je ne comprends pas comment grammaticalement on va devoir s’exprimer. On ne peut plus dire "il" ou "elle", mais bien "iel". Mais alors, comment faut-il, dès lors, accorder les adjectifs ? "iel" est petit ou petite ? "iel est grand ou grande … ? Certains disent il faut écrire "iel" ou "ielle", "iel est grand et "ielle" est grande. Mais dans ce cas, il y a la même distinction qu’entre "il" ou "elle". Si on ne veut pas distinguer le sexe, il faut donc choisir d’utiliser dans tous les cas, soit le "iel" soit le "ielle". Laquelle des deux formules sera-t-elle imposée ? En grammaire le masculin l’emporte sur le féminin. Dans ce cas, on emploiera uniquement le masculin, n’est-ce pas une discrimination ? Non, sans doute puisqu’il est de bon ton de pratiquer l’indifférenciation, "iel" n’est ni masculin ni de féminin.
Cependant, cette façon de voir respecte-t-elle les personnes qui sont femmes ou hommes, qui aiment l’être, et qui ne voudraient sous aucun prétexte changer de sexe ? Décidemment, je n’y comprends rien !

Je crois que sous le prétexte de liberté on est dans une dérive. Je crains surtout qu’il y ait beaucoup de gâchis pour nombre d’adolescents fragiles et c’est cela qui m’inquiète.

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