Entre religion et culture juive par Simone R.

Bonjour Simone,
Votre texte est fort émouvant mais il ne me permet pas de mieux comprendre ce que j’appellerai, faute de mieux, le sentiment de judéité.
Mon meilleur ami est juif, né dans un ghetto polonais en 1923, arrivé en France à 6 ans, nourri de culture française, échappé de France occupée en 1943, engagé dans l’armée américaine, naturalisé américain et vivant en France. Sa deuxième épouse est espagnole, de père ancien ministre de Franco et née dans une famille profondément catholique. David est incroyant, a oublié le yiddish, ne connaît pas l’hébreu, mange du porc et érige un arbre de Noël ; il fut blond et a les yeux bleus mais on sent qu’il reste profondément attaché à ses origines juives. Le seul vestige que l’on trouve dans son intérieur est le chandelier à sept banches. C’est moi qui le lui ai offert ! C’est un homme jovial, tolérant ; nous nous entendons à merveille, discutons de tout, mais je sais que je dois me garder de critiquer la politique expansionniste d’Israël pour ne pas envoyer de nuage dans le ciel serein de notre amitié.

Se sent-on encore allemand ou français, ou polonais quand on est né en Amérique dans une famille qui y vit depuis un siècle ? Ma famille maternelle est d’origine française, c’est mon arrière-grand père qui a été naturalisé belge mais je ne me sens pas du tout français bien que j’aime la France, sa langue et sa culture. J’ai une seule patrie, la Belgique (bien mal en point !). Vous comprendrez que je ne puis comprendre comment on se sent juif quand on est établi en occident depuis de nombreuses générations et qu’on ne pratique pas la religion juive, qu’on a épousé un(e) goy. Je constate que certains Juifs critiquent les Juifs qui s’assimilent. Il faut dire que je ne comprends pas davantage l’antisémitisme. Que peut-on reprocher aux Juifs ? Quel mal nous font-ils ? Ne leur doit-on pas un grand nombre de découvertes utiles à tous, de grandes œuvres d’art ?

Votre texte ajoute à ma perplexité. Votre mari s’est montré très tolérant et sans doute très amoureux en acceptant que vous envoyiez votre fils dans un mouvement de jeunesse confessionnel. Cet enfant qui a des grands-parents catholiques, un père athée, va-t-il désormais se sentir juif et perpétuer ce sentiment pour de nombreuses générations ?