Ages et transmissions https://agesettransmissions.be/ Créée en 97, Ages et Transmissions est une asbl pluraliste bruxelloise permettant aux aînés de jouer un rôle actif dans la société. Elle est reconnue comme organisme d'éducation permanente par la Fédération Wallonie-Bruxelles. fr SPIP - www.spip.net Ages et transmissions https://agesettransmissions.be/local/cache-vignettes/L144xH138/siteon0-31eb6.png?1703182657 https://agesettransmissions.be/ 138 144 Le premier centre pluraliste de planning familial (Gisèle) https://agesettransmissions.be/spip.php?article1356 https://agesettransmissions.be/spip.php?article1356 2021-10-28T07:23:00Z text/html fr Engagement (social,politique) Femme, féminisme Contraception, avortement <p>Les années 60 témoignent d'un bouleversement des conceptions de vie familiale, professionnelle. Le contrôle de la fécondité est à l'ordre du jour. Celui-ci modifie les relations, les rôles de chacun au sein du couple, le modèle familial et la relation famille-société. A l'époque, se rassembler et dépasser les cloisonnements philosophiques sur ces questions conjugales et familiales, est un grand défi. <br class='autobr' /> Mon engagement dans le premier centre pluraliste de planning familial date de 1968. Nous étions un groupe (...)</p> - <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?rubrique154" rel="directory">Au travail !</a> / <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot144" rel="tag">Engagement (social,politique)</a>, <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot148" rel="tag">Femme, féminisme</a>, <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot187" rel="tag">Contraception, avortement</a> <img class='spip_logo spip_logo_right spip_logos' alt="" style='float:right' src='https://agesettransmissions.be/local/cache-vignettes/L150xH150/arton1356-a5d56.jpg?1703441684' width='150' height='150' /> <div class='rss_texte'><p><i>Les années 60 témoignent d'un bouleversement des conceptions de vie familiale, professionnelle. Le contrôle de la fécondité est à l'ordre du jour. Celui-ci modifie les relations, les rôles de chacun au sein du couple, le modèle familial et la relation famille-société. A l'époque, se rassembler et dépasser les cloisonnements philosophiques sur ces questions conjugales et familiales, est un grand défi. <br class='autobr' /> </i></p> <p>Mon engagement dans le premier centre pluraliste de planning familial date de 1968. Nous étions un groupe très motivé qui regroupait Jean Corbisier de la Ligue des familles, Monique Rifflet de la Famille Heureuse, le Chanoine de Locht du Centre Chrétien ainsi que Catherine Osterrieth. Cet engagement est le fruit de mon long parcours où, avec détermination, j'ai construit ma vie professionnelle et personnelle.</p> <p>J'ai eu une enfance difficile. Ma mère étant gravement déprimée et mon père alcoolique et violent, ayant lui-même beaucoup souffert dans son enfance, j'ai dû « batailler » pour commencer mes études d'infirmière.<br class='autobr' /> Juin 1947, j'allais avoir 14 ans… Je voulais arrêter mes études en « Coupe-couture » et devenir infirmière. Ma mère trouva l'énergie pour sortir de son lit et déclarer : « Ou tu continues coupe-couture ou tu vas travailler ». Voulait-elle me convaincre ou faire de moi une petite employée comme elle l'avait été dès l'âge de 14 ans ? Devant mon silence, elle me présenta quelques jours plus tard, vêtue d'une nouvelle robe, achetée au marché de la Place Saint Denis, au directeur d'une petite entreprise. Sans me donner la parole un instant, il me prit 15 jours à l'essai pour trier et classer ses documents et convint avec ma mère de mon salaire. Il ne m'associa à rien comme si j'étais sourde et muette ou encore une enfant incapable d'avoir des sentiments.</p> <p>Le lundi soir, après ma première journée de travail, en larmes, je suis allée voir la supérieure de l'école de « coupe-couture ». Devant mon désarroi et ma détermination, elle me proposa de parler à ma mère et à une religieuse de l'école des Ursulines de Forest qui organisaient une classe d'humanités modernes, non payante. Cette classe regroupait plusieurs années et était tenue par une religieuse âgée. Nous n'avions aucun contact avec les jeunes filles de l'école payante. Son entrée était dans une autre rue… Le samedi suivant, à pied, je me rendis à la grille et je ressentis la colère et la honte de ne pas être dans l'école luxueuse mais je maintins ma décision. Je suis arrivée à convaincre mon amie et sa maman plus souple que la mienne. Elle téléphona à ma mère qui, du bout des lèvres, donna son accord. Pendant deux ans, j'ai vécu dans une classe d'une quinzaine d'adolescentes pas toujours faciles. Chacune, soutenue par la religieuse qui avait beaucoup de patience, travaillait selon son âge et son niveau. Notre classe était chauffée par un poêle à bois qu'il fallait charger toute la journée.… A midi, nous y réchauffions notre gamelle. Nous ne sortions guère de la classe. Séparées, par une cour, des gréco-latines de l'école payante, à l'uniforme impeccable et conduite généralement par un parent, nous exprimions notre jalousie par de nombreuses moqueries. Je devais prendre un bus puis un tram et ensuite un trolleybus pour me rendre à l'école…</p> <p>Deux années plus tard, en juin 1949, après avoir bien réfléchi, j'ai arrêté mes humanités modernes pour commencer des études de puéricultrice aux Deux Alice. C'était l'étape vers mes études d'infirmière. Je n'avais pas l'âge requis mais j'ai réussi l'examen d'entrée et je fus acceptée. Nous étions au cours avec les infirmières de 1ère année. J'ai travaillé à 5 heures du matin en maternité et la nuit en pédiatrie : mettre les nouveau-nés au sein, les changer… soigner et surveiller les enfants malades, faire des piqûres, prendre la température, préparer et donner les biberons… Bref je travaillais comme une infirmière diplômée… et je me préparais à devenir professionnelle. A 18 ans j'ai commencé les études d'infirmière mais en 2ème année, contaminée par la poliomyélite, j'ai du abandonner mon rêve…</p> <p>Avant la création du centre pluraliste et son installation rue de Stalle à Uccle, je faisais des animations à « Aimer à l'ULB » et je travaillais également, depuis quelque temps dans un autre centre de planning. Il nous a fallu quelques mois pour organiser le centre pluraliste. Nous avons ouvert officiellement ses portes, dans des locaux définitifs, le 7 octobre 1969. J'assurais une permanence trois jours/semaine, recevais en consultations conjugales, répondais au téléphone et fixais les rendez-vous. L'équipe comprenait gynécologue, juriste et assistante sociale. Chacun avait la clé et accueillait les personnes qui avaient une demande d'aide discrète. Les débuts furent difficiles. A Noël, nous avons partagé le contenu de la caisse qui n'était pas bien lourde…</p> <p>L'intervenant, quelles que soient son opinion, ses interrogations, reçoit la souffrance des personnes et les aide à ne pas se sentir jugées et à prendre des décisions. Il est bien difficile de démêler la part de l'imaginaire, des réticences personnelles, des conditions sociales, du passé, des rêves qui s'écroulent, des réactions des parents… Etre enceinte à 16 ans, avoir encore un enfant alors que l'on tire le diable par la queue ou croire que la ménopause est là alors que c'est une grossesse, autant de situations de détresse auxquelles j'étais confrontée. Quel avenir pour ce petit, pour la maman, le couple, les autres enfants ?</p> <p>Lorsque j'ai débuté, je ressentais surtout une solidarité avec cet enfant à naître, capable de se battre pour vivre… Je me suis interrogée sur mon enfance et sur mes premières grossesses. En 1956, alors que j'attendais un nouvel enfant et m'en réjouissais, un médecin d'une clinique catholique, en raison de mes problèmes de santé, m'avait proposé un avortement thérapeutique. Il faut dire qu'à l'époque la contraception se limitait à l'abstinence, le préservatif ou la bien aléatoire méthode Ogino. Ce retour sur mon histoire, sur mes luttes m'a permis de mieux écouter et de mieux comprendre les femmes, les couples et les jeunes. Plusieurs fois, dans ma 2 chevaux, à mes frais, j'en ai accompagné plusieurs en Hollande pour une interruption de grossesse. Le conseil d'administration voulait l'ignorer mais manifestait sa désapprobation vis-à-vis de mes prises de position. Et puis je m'absentais une journée laissant le centre à une accueillante bénévole… Ce travail oblige les intervenants à s'interroger sur leur enfance et sur leur rapport au couple, à la naissance, à l'avortement… Le Docteur Willy Peers, incarcéré en 1973 pour avoir pratiqué des avortements à la Clinique de Namur, disait volontiers : « Si l'enfant est seul, abandonné, il survivra peut-être mais il ne parlera pas, ne pensera pas, ne marchera pas… »</p> <p>Pendant 35 ans, j'ai travaillé dans deux centres de plannings familiaux. Dans ces deux centres j'ai travaillé dans une équipe pluridisciplinaire respectueuse, attentive, tolérante, se mettant en question en équipe, dans les formations et les supervisions avec un psychanalyste. Depuis 1968, bien des choses ont évolué. A l'initiative de Marc Abramovicz, de Monique Rifflet et de moi-même, nous avons créé « La fédération des centres pluralistes ». Actuellement les 22 centres existants sont fédérés, ils sont reconnus par les pouvoirs publics et les équipes se sont étoffées.</p> <p>Au fil du temps, les demandes se sont élargies : grossesse inattendue, décision d'un avortement, contraception, mais aussi les droits des jeunes, l'endettement, le deuil, le divorce… Les centres sont aussi sollicités pour des animations dans les écoles ou au centre sur la sexualité, l'homosexualité, l'éducation sexuelle…<br class='autobr' /> Aujourd'hui, j'ai l'impression que les très jeunes ont un accès plus facile à la contraception. Ils peuvent en parler avec d'autres jeunes, et souvent avec leur maman. Mais cela ne veut pas dire que la sexualité est devenue simple. En apparence le jeune est surinformé mais ses peurs, ses questions sur l'amour, l'attachement demeurent. Le passage à l'acte non préparé, non protégé reste une réalité. Il peut se passer sans amour par simple désir de satisfaire l'autre, d'être « comme les autres »… Mais il existe des situations plus délicates : la petite sœur sollicitée par les grands frères, abusée par un père, un adulte étranger, ami de la famille… dans un contexte de silence, de souffrance…</p> <p>Dans le planning familial, j'ai rencontré des personnes de tout âge, des jeunes en quête de leur identité sexuelle, des couples, des adultes souffrant d'une séparation, d'un décès, des familles recomposées avec les problèmes entre les enfants de deux lits… Tout ceci nécessite d'approcher la douleur de l'échec, de ne pas renoncer, de tenter de comprendre les contradictions, l'incompréhension de part et d'autre, d'entendre la souffrance de chacun. Tout ce travail peut aboutir à la séparation mais aussi à un dépassement de ses blocages et à une reprise du dialogue qui laisse place à des changements progressifs de chacun et à l'analyse de ses responsabilités.</p> <p>Ce travail m'a permis de me développer comme personne et de construire un vrai trajet professionnel.</p></div> Et toi, plus tard, tu feras quoi ? (Isabelle D.) https://agesettransmissions.be/spip.php?article1384 https://agesettransmissions.be/spip.php?article1384 2021-10-03T08:00:00Z text/html fr Travail <p>Je suis une enfant de la crise. Née en 1970, le mot « crise » je l'ai toujours entendu. Pourtant je garde le souvenir que lorsque j'étais petite, on se penchait vers moi et on me demandait : « Et toi, plus tard, qu'est-ce que tu feras ? » <br class='autobr' /> A la fin de mes études universitaires, mon diplôme en poche, je suis allée m'inscrire au chômage et j'ai entamé des études en secrétariat de direction. C'était la crise. Tous les diplômés en sciences humaines postulaient grosso modo pour les mêmes emplois. J'avais (...)</p> - <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?rubrique154" rel="directory">Au travail !</a> / <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot166" rel="tag">Travail</a> <img class='spip_logo spip_logo_right spip_logos' alt="" style='float:right' src='https://agesettransmissions.be/local/cache-vignettes/L96xH150/arton1384-3e09f.jpg?1703441684' width='96' height='150' /> <div class='rss_texte'><p>Je suis une enfant de la crise. Née en 1970, le mot « crise » je l'ai toujours entendu. Pourtant je garde le souvenir que lorsque j'étais petite, on se penchait vers moi et on me demandait : « Et toi, plus tard, qu'est-ce que tu feras ? »</p> <p>A la fin de mes études universitaires, mon diplôme en poche, je suis allée m'inscrire au chômage et j'ai entamé des études en secrétariat de direction. C'était la crise. Tous les diplômés en sciences humaines postulaient grosso modo pour les mêmes emplois. J'avais l'impression qu'on m'avait menti : on m'avait fait croire que je pourrais tout faire, devenir ce que je voudrais, et la vérité c'est qu'il n'y avait pas d'emploi pour tout le monde.</p> <p>Je suis restée deux ans au chômage. J'envoyais des lettres de motivation de ci de là, postulant dans ma branche. Mon curriculum vitae ne contenait pas grand chose de plus que mes études, je n'avais aucune expérience à faire valoir. Dans le meilleur des cas, je recevais une réponse négative. Dans la plupart des cas, aucune réponse. J'avais le diplôme requis, mais pas l'expérience. Et plus le temps passait, plus je perdais confiance en moi. Je sortais de moins en moins de peur qu'on me demande : « Et toi, tu fais quoi dans la vie ? ».</p> <p>Cette expérience marquante a très probablement influencé mon rapport au travail. Je me sentais rejetée par le monde du travail qui ne me voulait pas et j'ai décidé que jamais je ne laisserais le travail me définir. Non, je ne serais pas ce que je ferais.</p> <p>C'est une formation auprès de la Ligue d'Enseignement et d'Education Permanente qui m'a ouvert les yeux et fait connaître le secteur non marchand et d'emblée ce fut une évidence : c'était dans ce secteur que je travaillerais. J'y suis entrée par la petite porte (avec mon diplôme de secrétaire) et six mois plus tard, j'ai décroché un emploi comme responsable de communication (universitaire).</p> <p>Je suis restée 1 an ½ dans ce premier emploi mal payé. Très vite la question de la reconnaissance devint centrale. Je quittai cet emploi temps plein pour un travail à mi-temps dans lequel je gagnais le même salaire.<br class='autobr' /> Durant les années qui ont suivi, j'ai testé tous les temps de travail : mi-temps, ¾ temps, 4/5 temps, plein temps et inversement. Au gré de mes besoins, de ma vie privée, de ma vie familiale, j'augmentais ou diminuais mon temps de travail. J'avais la chance d'avoir un dialogue franc et ouvert avec ma patronne sur ces questions-là.</p> <p>Je n'ai jamais eu peur de perdre mon travail et cela m'a donné une grande force dans le dialogue avec mon employeur. J'ai fait plusieurs fois des choix risqués. J'ai quitté plusieurs fois mon emploi. Toujours par choix. J'ai renoncé à plusieurs postes à temps plein. Au fur et à mesure, la question de l'équilibre entre mes choix, entre mes vies est devenue primordiale. Travailler, oui, mais pas au détriment d'autre chose.</p> <p>Aujourd'hui encore, à 43 ans, ma position n'a pas changé. Elle s'est même renforcée : la période du plein emploi est bel et bien finie. S'il n'y a pas assez de travail pour tout le monde, il faut partager le gâteau et inventer d'autres modes de vie, d'autres modes de travail. Vive la décroissance ! Vive la transmission des savoirs ! Vive l'échange de services et de biens !</p> <p>Si aujourd'hui, j'ai l'impression d'être heureuse dans mes choix et sans crainte par rapport à l'avenir malgré qu'il soit évident que ma pension ne représentera pas grand chose, je ne peux pas m'empêcher de me questionner sur l'avenir de mes enfants… et de me demander de quels outils et de quelles qualités ils auront besoin pour trouver une place dans le monde de demain.</p></div> Je ne travaille pas ! (Lucile B.) https://agesettransmissions.be/spip.php?article1383 https://agesettransmissions.be/spip.php?article1383 2021-10-03T07:59:00Z text/html fr Engagement (social,politique) Femme, féminisme Travail <p>Lors de la première rencontre avec un groupe, il est normal de se présenter : « Je suis femme au foyer », ou mieux encore « Je ne travaille pas » ! Ces petites phrases assassines m'ont toujours fait mal, m'ont attristée car j'ai travaillé, je travaille … Mais peut-être pas à faire ce qu'on imagine quand on peut dire : « Je travaille à l'extérieur de chez moi, je gagne ma vie », « J'ai un patron, des collègues », « Je n'ai plus le temps de rien faire à la maison », ce qui confère immédiatement un « statut ». <br class='autobr' /> En (...)</p> - <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?rubrique154" rel="directory">Au travail !</a> / <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot144" rel="tag">Engagement (social,politique)</a>, <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot148" rel="tag">Femme, féminisme</a>, <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot166" rel="tag">Travail</a> <img class='spip_logo spip_logo_right spip_logos' alt="" style='float:right' src='https://agesettransmissions.be/local/cache-vignettes/L96xH150/arton1383-9561f.jpg?1703441684' width='96' height='150' /> <div class='rss_texte'><p>Lors de la première rencontre avec un groupe, il est normal de se présenter : « Je suis femme au foyer », ou mieux encore « Je ne travaille pas » ! Ces petites phrases assassines m'ont toujours fait mal, m'ont attristée car j'ai travaillé, je travaille … Mais peut-être pas à faire ce qu'on imagine quand on peut dire : « Je travaille à l'extérieur de chez moi, je gagne ma vie », « J'ai un patron, des collègues », « Je n'ai plus le temps de rien faire à la maison », ce qui confère immédiatement un « statut ».</p> <p>En 1961, dès la naissance de notre premier enfant, je pressentais que je ne retournerais pas au bureau. Je crois qu'en fait je n'ai jamais imaginé me partager entre la vie de famille et un travail. Evidemment, vivre avec un seul salaire, même s'il était confortable, nous a obligés à regarder la fin du mois avec un petit pincement au cœur, et à craindre les aléas de la vie : accidents, frais médicaux, de dentiste, pannes de voiture, etc… Mon mari estimait qu'il gagnait bien sa vie et qu'il fallait se débrouiller avec ce qui venait. Il a pu ainsi se permettre de déployer sa carrière, les problèmes familiaux étant assumés.</p> <p>Les déplacements auxquels nous a exposés la carrière de mon mari m'ont coupée de toute velléité de m'échapper de la maison et m'ont obligée à me centrer sur les enfants qui, tous les dix-huit mois, changeaient de langue, de continent et d'habitat.</p> <p>Finalement installée à Bruxelles, j'ai pris amplement ma part du travail dans une maison centenaire, avec jardin, et surtout avec nos trois enfants et un papa trop souvent absent. Des corniches du rez-de-chaussée aux grandes fenêtres du deuxième étage, je grattais, je peignais, je retapais. Les voisins me regardaient avec surprise et ne m'ont pas épargné les remarques. Perchée sur les rampes d'escalier, je blanchissais les plafonds, tapissais les murs, déplaçais le mobilier… « Aurais-tu épousé un singe ? » a-t-on demandé un jour à mon mari.</p> <p>La réception des bulletins scolaires et les rencontres avec les professeurs étaient de mon ressort : les « Peut mieux faire » jetaient une ombre sur les vacances et allumaient mes colères. Les multiples décisions médicales et de dentisterie étaient prises sans consulter mon mari, et les enfants ont appris très tôt à se référer à moi seule. Le papa devint un peu un intrus quand il se préoccupait tout à coup des choses de la maison. L'un de nos fils avait une santé préoccupante et ma fille me disait il n'y a pas longtemps : « Je voyais que vous aviez des difficultés avec Bernard et je me suis écrasée »… Dans le feu de l'action, je ne me rendais pas compte qu'elle n'était pas épargnée. J'avais tout à décider, j'ai parfois trouvé la tâche lourde et les copains un peu malveillants disaient que « je portais la culotte ». Ah, le regard des autres !</p> <p>Cependant, dès le début de notre mariage, nous avons pris des engagements extérieurs et bénévoles : préparation au mariage, groupes de catéchèse paroissiaux, association de parents, groupes de recherche dans une école secondaire et participation au PO, formation continue des adultes, Centre de Planning Familial, ...</p> <p>J'ai monté chez moi un secrétariat où j'ai, entre autres, formé au travail une de mes belles-filles. Là j'ai pu donner le meilleur de moi-même en soutenant des petites entreprises qui démarraient, mettant en page des idées géniales, car les ingénieux n'ont pas toujours le sens pratique. J'ai soutenu et aidé des étudiants affolés qui n'en finissaient plus avec leur mémoire, et l'ordinateur tournait à plein régime. Rester en prise avec les jeunes m'a empêchée de vieillir trop vite et m'a obligée à apprendre les nouvelles technologies. Nous avions le feu sacré et il ne nous a pas quittés, nous donnons encore du temps au bénévolat.</p> <p>Il n'en reste pas moins que mes enfants aussi me percevaient comme une maman « qui ne travaille pas ». Ils m'ont parfois demandé pourquoi je n'avais pas de profession et je sentais comme un reproche. Ils ne mesuraient pas le temps que je leur consacrais, trouvaient normal que j'emmène à la maison de vacances, pendant les congés scolaires, des cousins et des camarades dont la maman « travaillait ». « Tu peux venir quand tu veux » disaient-ils, et à toute heure je rencontrais des inconnus dans la maison. Mes enfants trouvaient cela chouette.</p> <p>Je me suis souvent posé la question : et si j'avais « travaillé », qui aurait fait tout cela ? Je me suis enrichie de toutes sortes de façons, je suis devenue curieuse de la chose publique ou politique, je suis très attentive à ce qui se passe dans la vie courante, je me construis encore aujourd'hui. Travaillant à l'extérieur avec la même charge à la maison, comment aurais-je fait pour concilier mon intérêt personnel et l'intérêt familial ?</p> <p>Finalement, j'ai mal vécu les questions et les remarques, y compris dans la famille, du type « On sait que tu n'as rien à faire ! » Il y avait du mépris. Je n'entrevois pas de solution idéale mais je me défends : j'ai énormément travaillé mais pas dans un bureau.</p> <p> Qui est gagnant ? Je ne sais, et je ne désire pas porter sur les autres le jugement qu'on m'applique. Je traîne une colère mais je ne sais à qui ou à quoi elle s'adresse. Si c'était à refaire…</p></div> Un combat syndical au féminin (Danielle G.) https://agesettransmissions.be/spip.php?article1382 https://agesettransmissions.be/spip.php?article1382 2021-10-03T07:57:00Z text/html fr Engagement (social,politique) Femme, féminisme Travail <p>1979 ? La mémoire me fait défaut. 1980 ? Peut-être… Cela fait maintenant près de 10 ans que je travaille dans la même institution. A plusieurs reprises, mon chef de service a demandé pour moi une promotion. Mais rien ne vient. Je ne m'en inquiète guère la première fois ni la deuxième estimant que, sans aucun doute, d'autres ont des mérites bien supérieurs aux miens et qu'on ne peut satisfaire tout le monde. Au troisième refus, je commence à me poser de sérieuses questions. Serais-je si nulle ? Pourquoi un (...)</p> - <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?rubrique154" rel="directory">Au travail !</a> / <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot144" rel="tag">Engagement (social,politique)</a>, <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot148" rel="tag">Femme, féminisme</a>, <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot166" rel="tag">Travail</a> <img class='spip_logo spip_logo_right spip_logos' alt="" style='float:right' src='https://agesettransmissions.be/local/cache-vignettes/L96xH150/arton1382-1b83a.jpg?1703441684' width='96' height='150' /> <div class='rss_texte'><p>1979 ? La mémoire me fait défaut. 1980 ? Peut-être… Cela fait maintenant près de 10 ans que je travaille dans la même institution. A plusieurs reprises, mon chef de service a demandé pour moi une promotion. Mais rien ne vient. Je ne m'en inquiète guère la première fois ni la deuxième estimant que, sans aucun doute, d'autres ont des mérites bien supérieurs aux miens et qu'on ne peut satisfaire tout le monde. Au troisième refus, je commence à me poser de sérieuses questions. Serais-je si nulle ? Pourquoi un tel et un tel et pas moi ?</p> <p>Je décide de rencontrer le responsable de la commission qui accorde les promotions. Je le connais un peu, nous avons de bonnes relations. Son bureau est dans le même couloir que le mien, ça facilite les choses. Accueil cordial, explications feutrées dans un premier temps : « Non Madame, vous n'avez pas démérité, mais vous savez, il y a beaucoup de demandes et peu d'élus. Et puis l'état de nos finances ne nous permet pas de faire ce que nous souhaiterions. » Puis, ce monsieur très affable consulte ces dossiers, me regarde et, dans un accès de sincérité, me dit : « Vous savez, en commission des promotions, nous avons une liste sur laquelle nous devons nous prononcer. Quand nous voyons sur cette liste une femme et, qui plus est, à temps partiel, nous passons. Ce n'est pas prioritaire ». C'est un choc. Violent. Ce monsieur semble croire vraiment à ce qu'il dit, même s'il me paraît un peu gêné aux entournures. Impression fugitive…</p> <p>Je suis fixée sur mon sort… et effrayée. Je découvre un aspect que je n'imaginais même pas. Que faire ? J'en parle autour de moi, à d'autres femmes, et je découvre la dure réalité : être une femme au travail n'est pas une sinécure. Après quelques hésitations, je décide de m'engager au syndicat. Décision qui ne va pas de soi pour quelqu'un comme moi, issue de la bourgeoise catholique bien-pensante d'un bassin industriel où l'on vilipende volontiers les syndicalistes. Qu'importe, je franchis le pas de ce qui sera pour moi un des plus beaux apprentissages de toute ma carrière, une des expériences les plus marquantes.</p> <p>Je « milite », je m'engage dans plusieurs conflits difficiles. Ils ne manquent pas. L'institution est en pleine tourmente et se restructure, se redéploie comme on dit pudiquement. La situation des femmes continue à me préoccuper. Au syndicat, je prends conscience de bien des choses et entre autres d'une discrimination importante dénoncée à plusieurs reprises déjà. Depuis 1969, l'institution verse aux chefs de ménage d'une partie de son personnel des allocations familiales complémentaires relativement importantes. Or, à cette époque, la majorité des chefs de ménage sont des hommes. C'est donc eux qui, à plus de 90%, bénéficient de ce complément de salaire. On compte sur les doigts d'une main les femmes chefs de ménage qui le reçoivent.</p> <p>Une déléguée syndicale, Francine P., et moi-même décidons d'agir. La délégation rencontre le banc patronal qui reconnaît que la situation n'est pas normale mais qui résiste. Et pour cause ! Un des membres du CA est également administrateur dans une société où se pose le même problème. « Pensez-vous, Mesdames, si on vous accorde cela, il faudra l'accorder à toutes les femmes ! Nous n'en n'avons pas les moyens. Ce serait ouvrir la boîte de Pandore... » Nous, de Pandore, on s'en f… ! Un enfant doit être égal à un enfant. Mon fils, Sébastien, a autant droit à ces allocations qu'Arnaud, le fils de mon collègue masculin. <br class='autobr' /> Nous hésitons sur la marche à suivre. Nous tentons encore la négociation mais en vain. Alors, fin 1985, avec le soutien de collègues y compris masculins et malgré certaines résistances, nous déposons plainte pour discrimination indirecte. Nous sommes 2 au départ, puis 15, puis 117… La machine est lancée, elle ne s'arrêtera plus. Mais nous n'imaginions pas que notre parcours de combattantes serait si long ! Il aura fallu 11 ans de démarches, justifications, explications, négociations. 11 ans de procès, plaidoiries, remises de séances et lenteurs juridiques. 11 ans de patience pour qu'enfin, nous obtenions gain de cause. Une convention collective est signée début 1997. A partir de ce moment, les allocations familiales complémentaires seront étendues à tous les enfants des membres du personnel concerné, qu'ils soient hommes ou femmes, chefs de ménage ou pas. <br class='autobr' /> Victoire collective de la détermination et de la patience !</p> <p>Et votre promotion, me direz-vous ? Inutile de vous expliquer que je cumulais désormais toutes les tares. Femme, mère de famille, travailleuse à temps partiel et déléguée syndicale… Il n'en fallait pas davantage, mon cas était désespéré ! Ayant appris mon engagement syndical, mon chef de service de l'époque m'avait d'ailleurs avertie : « Maintenant que tu es déléguée, tu peux être certaine que je ne demanderai pas de promotion pour toi ! ». Toutes ces « qualités » m'avaient reléguée pour longtemps encore au bas de la liste des « promotionnables ». J'y eus enfin droit fin 1992, après 23 ans de carrière. Mais qu'importe. Le combat que nous avions mené collectivement valait bien cela. Ces engagements syndicaux m'avaient permis de vivre des moments de solidarité qui dépassaient toutes les promotions.</p> <p>8 mars 2012. Journée internationale de la femme. Je lis dans le journal Le Soir sous la plume de Béatrice Delvaux : « La place des femmes et le respect et l'égalité qu'on leur doit sont toujours une exigence. Longtemps, nous avons misé sur l'émancipation et l'éducation pour que les choses bougent. Or, on se rend compte que sans lois, sans quotas, nombreux sont encore ceux, hommes et même femmes, à nourrir plus de doutes dès lors qu'ils doivent promouvoir ou rémunérer une femme. »</p> <p>La partie n'est pas encore gagnée…</p></div> Construire un lieu thérapeutique en autogestion : une aventure ! (Andrée W.) https://agesettransmissions.be/spip.php?article1381 https://agesettransmissions.be/spip.php?article1381 2021-10-03T07:56:00Z text/html fr Education hors école Engagement (social,politique) Travail <p>Sans la reconnaissance humaine de la folie, c'est l'homme même qui disparaît. François Tosquelles <br class='autobr' /> 4 mars 1974, nous ouvrons la Ferme du Soleil… Au flanc d'une colline du Pays de Herve, la maison est là, prête pour accueillir les dix premiers enfants âgés de 3 à 14 ans. René, Bertrand, Julie, Jean,… je les revois en ce premier jour tout aussi inquiets que leurs parents et nous… L'inconnu, une première séparation, de nouvelles rencontres, la mise en œuvre de nos choix thérapeutiques… Notre projet de (...)</p> - <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?rubrique154" rel="directory">Au travail !</a> / <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot143" rel="tag">Education hors école</a>, <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot144" rel="tag">Engagement (social,politique)</a>, <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot166" rel="tag">Travail</a> <img class='spip_logo spip_logo_right spip_logos' alt="" style='float:right' src='https://agesettransmissions.be/local/cache-vignettes/L96xH150/arton1381-b0dac.jpg?1703441684' width='96' height='150' /> <div class='rss_texte'><p><i>Sans la reconnaissance humaine de la folie, c'est l'homme même qui disparaît. </i> <br class='autobr' /> <i> <strong>François Tosquelles</strong> </i></p> <p>4 mars 1974, nous ouvrons la Ferme du Soleil… Au flanc d'une colline du Pays de Herve, la maison est là, prête pour accueillir les dix premiers enfants âgés de 3 à 14 ans. René, Bertrand, Julie, Jean,… je les revois en ce premier jour tout aussi inquiets que leurs parents et nous… L'inconnu, une première séparation, de nouvelles rencontres, la mise en œuvre de nos choix thérapeutiques… Notre projet de psychothérapie institutionnelle va vivre et nous allons découvrir, dans le quotidien, l'alchimie d'un groupe qui se constitue… L'équipe de base s'est élargie et nous sommes neuf à commencer le travail. Le projet, devenu réalité, existe depuis 40 ans et les évolutions (création d'un centre de jour et d'un centre de thérapie familiale) n'en ont pas modifié les fondamentaux ni dans le travail avec les enfants et les familles, ni dans l'organisation des prises de décisions.</p> <p>Cela fait quatre ans qu'Etienne et moi en avons rêvé. Les travaux de Bruno Bettelheim nous ont orientés ainsi que les travaux de l'antipsychiatrie et de la psychothérapie institutionnelle… Quel plaisir de lire les travaux de Tosquelles, Laing, Oury et bien d'autres… d'échanger jusqu'à pas d'heures… de construire ensemble une institution que nous voulons « révolutionnaire ». <br class='autobr' /> Avant d'étudier la psychologie à l'UCL, j'avais fait une première année à l'Ecole d'Educateurs spécialisés de Liège. Elle s'était ouverte en 1958 et développait, déjà à l'époque, des pratiques d'apprentissage centrées sur le travail de groupe et sur la personne de l'apprenant. Dès la fin de la licence, j'y avais été engagée, malgré mon jeune âge, comme formatrice. Je travaillais aussi au Centre d'aide éducative qui avait ouvert une petite unité de jour pour des enfants autistes et psychotiques. C'est là que j'ai fait, tout en m'engageant dans une psychanalyse, mes premières expériences de psychothérapeute d'enfants. Je vivais dans un climat de liberté de penser, d'innover, de transformer les modes d'action avec les personnes en souffrance.</p> <p>Nous avons constitué l'association avec deux collègues de l'école. Nous étions jeunes, j'avais 28 ans, Etienne Dessoy 30, Sylvie Goffin 26 et Michel Thiteux 24. Nous n'avions rien, pas un centime, mais nous avions l'intime conviction que nous pouvions développer un projet qui serait autogéré, où les décisions seraient prises par les travailleurs, par les personnes engagées dans le travail, où chaque personne, quelle que soit sa fonction, médecin, éducateur, cuisinière, personnel d'entretien, aurait le même pouvoir dans les décisions de gestion. Notre projet se voulait thérapeutique mais aussi politique. Pendant mes études à Louvain, j'ai fait du syndicalisme étudiant et je participais avec d'autres à un mouvement de gauche. C'était l'époque des jeans et des pulls noirs, de Sartre, Marx, Marcuse et bien sûr, en tant que psychologue, de Freud. C'était le temps de longues soirées où le thé et le vin arrosaient nos échanges, où Ferré, Brassens, Brel, Anne Sylvestre, Barbara, résonnaient dans nos nuits.</p> <p>Nous voulons construire un lieu où tout sera centré sur un cadre de vie où les enfants et les adultes seront à l'écoute les uns des autres, où les adultes prendront le temps de comprendre chacun et où les règles seront centrées sur l'espace et le temps et non sur des règlements, très souvent abscons… Les enfants seront libres d'aller et venir… pas de portes fermées si ce n'est pour les personnes extérieures, les repas seront certes à heure fixe mais si un enfant ne mange pas, la cuisine avec son frigo sera toujours ouverte, des ateliers seront organisés mais si un enfant n'arrive pas à y être, un adulte sera à proximité, un lieu où les symptômes ne seront pas sanctionnés mais où nous essayerons de donner du sens et de mettre en place des relations « soignantes ». Un psychiatre liégeois à qui j'expliquais le projet m'a dit « Mais c'est la psychiatrie de l'an 2000 que vous voulez ! Vous verrez, il ne faudra pas un mois pour que vous fermiez les portes ». Quarante ans ont passé et les portes sont toujours ouvertes…</p> <p>Pendant trois ans, nous avons cherché un lieu dans la région liégeoise : vieille ferme à rénover, château à l'abandon vendu, à l'époque, pour une bouchée de pain… Mais nos moyens financiers n'étaient pas suffisants… L'oncle de Sylvie, qui avait une petite ferme à Soumagne, a accepté de nous la vendre « pas cher », ma mère a mis un bien en hypothèque et j'ai fait un crédit… Notre force de conviction soulevait des montagnes… Un architecte, Louis Leroy, a accepté de nous suivre dans nos rêves. Il a lu, visité avec nous des institutions en Hollande et en Belgique, discuté des plans pendant des heures et pourtant nous n'avions que notre enthousiasme et notre volonté comme pour toute ressource.</p> <p>Trouver les fonds, une part importante de l'aventure… Au départ, une collecte au Standard nous a donné les moyens d'imprimer des autocollants, un grand soleil dessiné par Sylvie : 20 francs (0,50 euro) multiplié par… Nous avions besoin de 4 millions (125.000 euros)… pour construire l'internat, rénover partiellement la vieille ferme et assurer un an de fonctionnement. Une famille qui souhaitait que nous accueillions leur fils, effrayée par nos petits moyens, nous a mis en contact avec le directeur du journal « la Meuse » et une grande vente de « soleil » nous a permis de réunir près de la moitié de la somme… Pendant 4 ans, nous avons vendu des crêpes et des brochettes aux 24 heures de Francorchamps, participé à des foires où nous vendions des aquarelles peintes par Sylvie, où des artistes vendaient des œuvres et nous versaient les bénéfices… Autour de notre groupe, un réseau d'amis s'était constitué et l'impossible était devenu réalité. Je n'ai pas de mots pour évoquer tous les petits gestes, les heures de partage, de fatigue, les angoisses, les moments hilarants vécus dans cette recherche d'argent : notre camionnette bleue défilant avec la caravane publicitaire du circuit car nous étions arrivés, après sa fermeture, avec toute la viande … une vente d'autocollants, dans un Rotary, où, après notre passage, une dame au décolleté plongeant nous a pris le panier des mains et est passée à nouveau entre les tables… Elle en a vendu le double…</p> <p>Nous avons « tout » fait… Je me souviens du premier chantier international des compagnons bâtisseurs où Sylvie et moi avons dû, de manière imprévue, faire face à l'organisation du chantier et aux travaux de rénovation de la vieille ferme : installer l'eau, organiser les démolitions, trouver une bétonnière, faire du ciment, monter des murs tout en veillant à l'intendance et à l'animation… Heureusement mon père surveillait les travaux et calculait les « poutres de béton »… Que de fatigue mais aussi que de rires… Plus tard, Etienne et Michel réaliseront les châssis de fenêtres, les meubles des chambres, la structure du salon en copiant des modèles de Roche et Bobois. Sylvie et moi, nous étions mandatées pour aller à Liège, prendre les dimensions avec nos mains, nos bras… A la machine à coudre, nous avons piqué les coussins, les tentures… J'ai appris à maçonner, plafonner, à utiliser les ciseaux à bois,… J'ai découvert le plaisir du travail manuel, plaisir qui ne m'a jamais quittée. Pendant 4 ans nous avons vécu tous nos loisirs à faire vivre le projet.</p> <p>Dans le même temps, nous devions présenter le dossier à la Santé Publique, obtenir les subsides à la création et les garanties que notre projet serait pris en charge au niveau du fonctionnement. L'accueil avait été très positif, la Santé Publique a accepté de subventionner la construction à concurrence de 40% et nous promettait un changement des normes d'encadrement à la mesure de notre projet. L'époque mettait en cause les grosses structures institutionnelles. La psychiatrie de l'enfant et la prise en charge des personnes en souffrance affective s'orientaient vers de nouvelles formes. Les petites structures voyaient le jour et étaient privilégiées dans les options politiques. C'était une époque de foisonnement d'idées, de recherche d'alternatives… Les expériences nouvelles étaient bienvenues et encouragées. Cependant, après quelques mois de fonctionnement, nous devrons mener un nouveau combat car les normes d'encadrement annoncées seront revues à la baisse… Avec d'autres petites institutions et avec le soutien de parents, nous nous engagerons dans un conflit avec le ministère de la Santé Publique et après deux mois de luttes nous obtiendrons gain de cause par le passage à l'Institut National d'Assurance Maladie et Invalidité (INAMI) et l'intervention des mutuelles. C'était cela ou la fin du projet. Pour l'équipe, il était hors de question de travailler dans les conditions d'encadrement proposées. Ce fut un moment intense où le fait d'être en autogestion nous a donné une force inestimable dans les négociations. Nous avons décidé de nous donner un préavis et de continuer de travailler comme bénévoles tout en étant au chômage… Ce fut un argument de poids !</p> <p>C'était une époque de transformation des mentalités… J'y ai vécu des moments intenses tant au niveau professionnel qu'affectif. J'y ai découvert la puissance du travail en équipe et l'obligation interne de la formation permanente avec ce qu'elle comporte d'analyse et de réflexion sur ce que « je » mets en œuvre dans les relations à l'autre. Encore aujourd'hui, cela me paraît indispensable pour travailler avec des personnes en difficultés et pour cheminer dans notre société.</p></div> Le balai libéré : une expérience d'autogestion (Raymonde H.) https://agesettransmissions.be/spip.php?article1380 https://agesettransmissions.be/spip.php?article1380 2021-10-03T07:48:00Z text/html fr Engagement (social,politique) Femme, féminisme Travail <p>Dans les années 70, en France et en Belgique, e.a., tout un courant de la gauche fait de l'autogestion un thème de prédilection. Des expériences se mettent en place. <br class='autobr' /> En 1975, après trois semaines de grève pour obtenir de meilleures conditions de travail, 42 ouvrières de l'entreprise Anic (qui gère le nettoyage des bâtiments de l'Université) décident de « liquider leur patron ». Elles lui enverront une vraie lettre de licenciement et géreront elles-mêmes leur entreprise. Soutenues par le syndicat de la (...)</p> - <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?rubrique154" rel="directory">Au travail !</a> / <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot144" rel="tag">Engagement (social,politique)</a>, <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot148" rel="tag">Femme, féminisme</a>, <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot166" rel="tag">Travail</a> <img class='spip_logo spip_logo_right spip_logos' alt="" style='float:right' src='https://agesettransmissions.be/local/cache-vignettes/L96xH150/arton1380-3d6af.jpg?1703441684' width='96' height='150' /> <div class='rss_chapo'><p>Dans les années 70, en France et en Belgique, e.a., tout un courant de la gauche fait de l'autogestion un thème de prédilection. Des expériences se mettent en place.</p></div> <div class='rss_texte'><p>En 1975, après trois semaines de grève pour obtenir de meilleures conditions de travail, 42 ouvrières de l'entreprise Anic (qui gère le nettoyage des bâtiments de l'Université) décident de « liquider leur patron ». Elles lui enverront une vraie lettre de licenciement et géreront elles-mêmes leur entreprise.<br class='autobr' /> Soutenues par le syndicat de la CSC, par les délégués syndicaux de l'Université et des étudiant(e)s, essentiellement de l'Institut Cardyn, les travailleuses font pression sur le Conseil d'administration de l'UCL pour obtenir le contrat de nettoyage. Le 10 mars 1975, elles se constituent en association sans but lucratif, appelée dans l'enthousiasme général « Le Balai Libéré ». Elles engagent en outre des laveurs de vitres et deux animatrices pour la gestion administrative du personnel et la coordination du travail entre les équipes.</p> <p>Je n'étais pas présente au début de cette lutte, de ce combat. Je dis bien combat car beaucoup étaient sceptiques sur les chances de réussite de cette aventure ! Et les maris des travailleuses n'étaient pas les derniers : « Des femmes, vous vous imaginez et des nettoyeuses de surcroît ! ». J'ai rejoint l'aventure en 1977.</p> <p>Après 13 ans au Brésil, je cherchais un travail « alternatif » et l'on me proposa de remplacer les deux premières animatrices qui souhaitaient exercer leur profession.<br class='autobr' /> Elles étaient entrées au Balai Libéré directement après leurs études de régendat et pensaient qu'il était temps pour elles de s'engager dans l'enseignement de peur de perdre les acquis de leurs études. C'est avec une joie, mêlée de crainte, que j'ai accepté. Cinquante travailleuses étaient au boulot, l'Université était encore un immense chantier et de nouveaux bâtiments sortaient de terre de mois en mois. Il fallait trouver mes repères et organiser le travail. Parfois, je nettoyais avec les travailleuses, surtout lorsqu'il y avait des malades à remplacer. Le travail de nettoyage, une journée durant, ce n'est pas rien : le dos trinque ; il faut trouver les meilleures façons de se tenir ; il faut laver les immenses tableaux des auditoires, en vitesse, sur le temps de midi ; on le sent dans les bras, les épaules…</p> <p>J'aimais ce travail d'administration, d'animation et de formation. Dans mon rôle, je devais former des nettoyeuses à l'administration, aux formalités d'embauche, aux procédures en cas d'accident, de maladie, etc. Au Balai Libéré, il ne s'agissait pas de garder le pouvoir dans les mains d'une seule personne mais d'initier toute travailleuse qui le souhaitait à la législation sociale, aux formalités administratives… et de l'inviter à prendre des initiatives nouvelles. Il s'agissait non seulement de plonger dans les seaux mais aussi d'inventer car nous n'avions pas vraiment de modèle pour vivre l'autogestion.</p> <p>Prendre en commun les décisions nécessite de faire circuler les informations et d'animer les réunions. Chaque lundi matin, le « comité de gestion » composé d'un membre de chaque équipe se réunissait. Ensemble, nous traitions des questions, des problèmes et nous prenions les décisions nécessaires. Qui engager pour les nouveaux bâtiments ouverts, comment remplacer les malades mais aussi régler les réclamations venant de l'université, etc.</p> <p>Dans les « assemblées générales » périodiques, nous débattions de questions internes, nous mettions au courant de problèmes plus larges qui intéressaient les travailleuses. Des réunions de formation étaient organisées sur le site ou au syndicat. Nous participions à des manifestations qui impliquaient tous les travailleurs. Une fois l'an, nous partions aussi en excursion avec la moitié du groupe, l'autre groupe restait au travail sur le site. Je ne m'ennuyais pas un instant, les activités étaient très variées.</p> <p>Un moment crucial de l'année était la rencontre avec l'Université pour établir le budget de l'année suivante. Dès le départ, les dirigeants syndicaux avaient pour projet d'arriver à une égalité des salaires entre les nettoyeuses et les laveurs de vitres. L'écart était assez important, on était loin de l'égalité hommes/femmes. Le passage à l'autogestion supprimait « les gros salaires » et la rétribution d'actionnaires. Cela permettait d'augmenter le salaire féminin, d'investir dans du nouveau matériel tout en restant concurrentiel par rapport à d'autres firmes de nettoyage. Mais l'exercice annuel du budget était difficile, l'université nous reprochant même l'organisation des journées de formation pour le personnel…</p> <p>Lors du dixième anniversaire, nous avons fait un bilan sur les questions de la solidarité, du fonctionnement et de l'emploi.</p> <p>Au Balai Libéré, les gestes d'entraide entre les membres d'une même équipe, les coups de main d'une équipe à l'autre étaient nombreux. Cela n'allait pas toujours de soi : « On voit son petit horizon et pas le collectif Balai… ». Ces gestes étaient concrets et changeaient le train-train quotidien du nettoyage : l'aide à des femmes n'ayant pas accès à la sécurité sociale, l'acceptation de personnes d'autres nationalités, la formation d'une jeune handicapée… Après 10 ans, les travailleuses ont souligné l'importance de pouvoir partager leurs joies et leurs difficultés : séparations difficiles, démêlés avec les organismes de crédit, perte du travail du mari suite aux fermetures de British Leyland, Henricot, Van Hoegarden…. « Si je n'avais pas eu l'équipe, je ne sais pas ce que je serais devenue… ». Mais bien sûr l'expression, la communication pouvaient encore être améliorées. « Parfois on n'est pas très clair entre nous. On ne se dit pas tout… A certains moments il y a un manque d'écoute, un manque de confiance… Trop de cancans, des peurs, des réactions de défense, … »</p> <p>Quant au fonctionnement du Balai, le bilan a mis en évidence la question du pouvoir, des mandats. Quelles sont les tâches des organisatrices du travail (instaurées lorsque le site est devenu plus étendu), du comité de gestion, du bureau, de l'assemblée générale ? L'autogestion pose des questions de fond sur les relations entre l'individuel -« Je suis libre et personne n'a rien à me dire ! »- et l'intérêt général, la volonté de survie du groupe, du maintien du revenu et du travail bien fait. Cela peut être l'anarchie ou l'exercice d'un pouvoir qui est au service de tous et dont on doit rendre compte au groupe. Il n'est pas toujours aisé d'exercer un mandat, cela s'apprend. Parfois le bureau a dû prendre des responsabilités, par ex. lorsqu'il fallait donner un avertissement ou même, mais rarement, lors d'un licenciement.</p> <p>Le comité de gestion avait parfois peur d'assumer de telles décisions. Le Balai a permis à beaucoup de prendre des responsabilités : de deux ans en deux ans, des équipes successives se sont relayées pour organiser le travail, trois nettoyeuses se sont formées à la gestion administrative et comptable, d'autres ont pris en charge l'accueil des nouvelles, des journalistes, des étudiants… D'autres se sont engagées dans la délégation syndicale – à la fin nous étions près d'une centaine – dans le comité de sécurité et d'hygiène. Beaucoup ont appris à s'exprimer en public, dans de petites équipes et dans l'assemblée générale. Ce fut l'apprentissage de la confiance en soi, la découverte de ses talents, l'exercice d'une autonomie partagée.</p> <p>Le Balai a permis d'améliorer les conditions de travail, le travail à temps plein a toujours été privilégié, sans horaire décalé, avec des horaires de départ souples en fonction des moyens de transport et des nécessités du travail. Les salaires des femmes ont augmenté par rapport à la convention collective, les laveurs de vitres sont eux restés au barème légal qui était au départ plus élevé que celui des nettoyeuses. Le salaire du personnel administratif était identique à celui des nettoyeuses. Les critères d'embauche ont toujours été largement discutés : fallait-il donner priorité aux personnes qui vivaient des problèmes personnels ou suivre simplement la liste des inscriptions ? Parfois le cœur penchait vers l'entraide mais les répercussions sur le travail étaient difficiles à vivre. A certains moments, il fallait faire des remarques à celles ou ceux qui abusaient… Que de discussions épiques avec le syndicat !</p> <p>L'aventure a duré plus de 12 ans et, en exigeant un appel d'offre public, l'Université a mis fin à l'expérience. L'Université avait divisé le site en plusieurs secteurs. Les grandes entreprises privées ont soumissionné très bas dans un secteur et nettement plus haut dans d'autres pour avoir une chance de mettre un pied dans l'endroit. Nous étions perdantes dans l'un ou l'autre secteur, mais si on regardait le prix de l'ensemble, nous étions les moins chers. Malheureusement, ce prix total n'avait pas été prévu dans le cahier des charges. L'Université a alors décidé de faire un deuxième appel d'offres. Comme les firmes connaissaient nos prix, une a présenté un prix extrêmement bas et nous avons perdu notre chantier de travail. Une partie du personnel qui le souhaitait a été reprise par la nouvelle entreprise.</p> <p>Je reste en admiration devant le défi que ces travailleuses et ouvriers ont relevé. Personne n'était réellement préparé à une telle aventure. Je reste émerveillée par la capacité de beaucoup à prendre la parole dans des assemblées, par l'entraide qui a été apportée à certaines qui vivaient de grandes difficultés familiales, par l'apprentissage à la gestion que plusieurs ont acquis « sur le tas ». Bref, une multitude de possibilités que j'ai découvertes chez des personnes qui n'avaient pas fait beaucoup d'études, mais qui avaient un sens soit de l'organisation, de la justice, soit des qualités de cœur et d'ouverture.</p> <p>Tampon entre les exigences de l'Université et les nettoyeuses, ma situation n'était parfois pas facile non plus. Mais je le dis avec conviction, le Balai Libéré fut une aventure formidable, une œuvre collective qui a marqué l'histoire du monde du travail.</p></div> Le chirurgien est une femme : un combat quotidien (Annie B.) https://agesettransmissions.be/spip.php?article1379 https://agesettransmissions.be/spip.php?article1379 2021-10-03T07:44:00Z text/html fr Femme, féminisme Travail <p>Depuis l'âge de 15 ans (née en 1942, c'était donc en 1957), après une brève hésitation, entre le barreau et la chirurgie, mon choix s'est porté sur la chirurgie. Sauver des vies. Se trouver face à face avec soi-même et ses erreurs. Tout de suite. Sans possibilité de se défiler. Car le résultat est là, concret, irréversible. <br class='autobr' /> Les sept années d'études de médecine touchent à leur fin. Dernier obstacle : les examens. Celui de chirurgie se passe au mieux de mes espérances. Je manifeste mes intentions de formation en (...)</p> - <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?rubrique154" rel="directory">Au travail !</a> / <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot148" rel="tag">Femme, féminisme</a>, <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot166" rel="tag">Travail</a> <img class='spip_logo spip_logo_right spip_logos' alt="" style='float:right' src='https://agesettransmissions.be/local/cache-vignettes/L96xH150/arton1379-b56ab.jpg?1703441684' width='96' height='150' /> <div class='rss_texte'><p>Depuis l'âge de 15 ans (née en 1942, c'était donc en 1957), après une brève hésitation, entre le barreau et la chirurgie, mon choix s'est porté sur la chirurgie. Sauver des vies. Se trouver face à face avec soi-même et ses erreurs. Tout de suite. Sans possibilité de se défiler. Car le résultat est là, concret, irréversible.</p> <p>Les sept années d'études de médecine touchent à leur fin. Dernier obstacle : les examens. Celui de chirurgie se passe au mieux de mes espérances. Je manifeste mes intentions de formation en chirurgie. Et je suis acceptée ! Je suis autorisée à entamer les stages à l'Hôpital académique.</p> <p>Le 1er août 1967, je patiente devant le bureau du Chef de service. Nous sommes plusieurs à attendre notre affectation dans les différents secteurs de la chirurgie. J'ai de la chance. J'officierai dans une salle où sont rassemblés les cas compliqués de chirurgie digestive. Sous la direction d'un chirurgien senior qui sera mon formateur.</p> <p>Mais il y a les formalités administratives et les cruelles réalités de la vie. Je suis « bénévole » de l'Hôpital universitaire. Mes prestations ne sont pas fixées mais elles impliquent un lien de subordination absolue à la hiérarchie de l'Institution et de l'Université. Je commence ma journée à 7 heures pour la terminer quand elle se terminera. Sans compter une garde résidentielle de 24 heures par semaine, ainsi qu'une garde de week-end toutes les 3 semaines. Les conditions sont rudes mais quand on aime on ne compte pas.</p> <p>Quant aux conditions financières, il n'en est pas question. Le terme de « bénévole » implique que les services sont rendus gracieusement. De quoi vais-je vivre ? Aucune autonomie ne s'annonce à l'horizon. Petit ballon d'oxygène en perspective : l'Union professionnelle des médecins offre chaque année une bourse à des bénévoles particulièrement méritants. Une petite poire pour la soif de 7.000 francs belges (+/- 180 euros) par mois, non exempte d'impôts. En outre, le « bénévole » doit veiller à s'assurer contre la maladie, à prendre une assurance professionnelle et assumer tout autre dépense liée à son pseudo-contrat sui generi d'indépendant. En clair cela signifie que, de ces émoluments, il ne me reste quasi rien pour subvenir à mes besoins minimaux.</p> <p><strong>Un nouveau chapitre de ma vie commence<br class='autobr' /> </strong></p> <p>Après deux ans de ce régime, je me vois contrainte, n'ayant aucune aide financière de ma mère, de chercher à modifier mon plan de stage. Après avoir pris conseils auprès de chirurgiens seniors formateurs, je m'adressai alors à un Hôpital reconnu pour les stages en Province.</p> <p>Le contact avec le Chef de service se passa très bien. Les besoins du service me furent exposés. Les conditions de formation semblaient bonnes. De nombreuses interventions diversifiées. Un mentor sérieux aux qualités pédagogiques indiscutables. Le salaire de base n'était pas extraordinaire. Cependant le double de celui du « bénévole » avec la possibilité de l'améliorer lors des prestations de garde. L'accord est conclu. Mon plan de stage est modifié, accepté par le Ministère. Je suis engagée.</p> <p>A Bruxelles, les relations entre collègues au sein de l'Hôpital académique avaient été excellentes. Du moins c'était ainsi que je les avais perçues dans l'état de béatitude dans lequel je me trouvais. Je me voyais confirmée dans mon idée – qui s'est avérée totalement fausse - qu'hommes et femmes étaient traités de façon égale sur les lieux de travail.</p> <p>En Province, la situation était plus tendue bien que je n'en aie pas pris conscience dès le début. Ma présence dans cet univers presque exclusivement masculin, faut-il le dire, était une étrangeté. Bien sûr, il y régnait les infirmières. Mais je n'appartenais pas à leur monde, selon elles, et elles me le faisaient sentir.</p> <p>Le Chef de service me mit dès le lendemain de mon arrivée à l'épreuve. Aucun des opérateurs ne savait la veille quelle opération il pratiquerait le lendemain. Le matin même, le « dictateur » me désigna pour une cholécystectomie (ablation de la vésicule biliaire), en me chauffant psychologiquement par un peu aimable :</p> <p><i>« Et ne lambinez pas. Je vous donne 20 minutes de peau à peau »</i></p> <p>La cholécystectomie était considérée comme une intervention délicate. Un stagiaire ne l'effectuait en premier opérateur qu'au bout de sa troisième année de stage en Hôpital académique. Mais le Chef de Province voulait montrer que sa formation était plus dure qu'à la capitale.</p> <p>L'opération n'était pas facile. En outre, je devais opérer avec des gants de pointure 7 alors que mes mains étaient beaucoup plus petites que celles des opérateurs du cru. <i>« Pas de gants 6 pour Mademoiselle » </i> annonça l'infirmière désolée. Au bout d'un temps qui me parut court, alors que je refermais la peau, intervention terminée, je sentis un souffle bruyant sur ma nuque, recouverte de la cagoule opératoire stérile. Une voix me cracha d'un ton excédé :</p> <p><i>« Alors, cela avance ? Vous avez encore 5 minutes pour enlever cette vésicule »</i></p> <p>Et moi de répondre :</p> <p><i>« Je suis à la fermeture de la peau. La vésicule est dans le bassin réniforme » </i></p> <p>Le caporal en chef quitta la scène opératoire sans un mot. Je pensais que j'avais gagné ma place au soleil de la Province. Je me trompais lourdement.</p> <p><strong>Femme et chirurgien</strong></p> <p>Trois mois de stage s'étaient déroulés. Si le caporal chef surveillait étroitement mon évolution chirurgicale, ce qui était son rôle en sa qualité de Maître de stage, il voulait également contrôler ma vie personnelle. C'est ainsi que je fus convoquée dans son bureau afin de recevoir des mises en garde à propos de certains confrères, que je devais éviter de fréquenter.</p> <p>J'écoutai poliment mais avec étonnement. De sorte que le Maître conclut, voyant mon embarras :</p> <p><i>« Ecoutez, je vous avertis car je veux être comme un père pour vous. »</i>'</p> <p>J'avais 27 ans. Franchement, ses remarques et avertissements ne me convenaient aucunement. Je rétorquai bien imprudemment :</p> <p><i>« Vous savez, Monsieur, je suis majeure et vaccinée. Quant à mon père, il est mort quand j'avais 18 ans. J'en ai été très contente. Et je n'ai pas besoin d'un père de substitution ! »</i></p> <p>Les mois passaient. Considérant que j'étais le seul chirurgien célibataire, j'étais « favorisée » pour les prestations de garde. Le rôle de garde était fixé, une fois pour toute, et de manière incontestable. A la soviétique ! Parmi les autres pions du service, un seul était comme moi célibataire. Mais il bénéficiait d'un régime plus léger parce qu'il jouait le rôle de senior, grade juste en dessous de celui d'Adjoint. Les autres vivaient une vie familiale avec femme et enfants. Il semblait logique que la dernière arrivée, femme et célibataire de surcroît, adopte un comportement flexible qui consistait à remplacer, le plus souvent au pied levé, ses partenaires défaillants.</p> <p>Je m'acquittais de bonne grâce de ces remplacements. Ma motivation était professionnelle. Plus j'aurais l'occasion de prendre en charge des cas lourds et de les opérer en première main, plus vite je maîtriserais les gestes chirurgicaux essentiels. Le résultat de cette frénésie d'activités fut double. Je n'avais quasi plus de vie privée, et d'autre part le Chef de service de médecine interne lorgnait avec intérêt cet assistant taillable et corvéable à merci. J'eus une proposition d'assurer occasionnellement des gardes pour la médecine interne. Cette « proposition » n'était pas négociable. J'assumai donc contre rémunérations supplémentaires ce double service. Tout le monde était satisfait. Moi, j'étais exténuée.</p> <p><strong>Un événement allait précipiter mon destin</strong></p> <p>Lors d'une semaine d'attribution de tour de salle, je fus bipée en urgence en médecine interne pour rendre un avis chirurgical à propos d'un cas médical. L'infirmière me présenta le dossier d'admission de garde et m'indiqua la chambre où se trouvait la malade. Après une brève lecture des éléments du dossier, j'entrai dans la chambre.</p> <p>Je me trouvai devant un aréopage médico-chirurgical du plus haut niveau : chefs de service, adjoint et assistant senior, accompagnés du Corps infirmier de la Direction. Echouée dans son lit, une malade, manifestement dans le coma, une mousse rosée aux coins des lèvres, la respiration stertoreuse, un abdomen volumineux déformant le drap d'une blancheur immaculée.</p> <p>L'Adjoint principal, chargé de la formation des stagiaires, me questionne d'un ton moqueur :</p> <p><i>« Alors, Mademoiselle, qu'en pensez-vous ? »</i></p> <p>J'avais déjà ma petite idée au vu de la situation clinique. Je m'enquis de différents éléments susceptibles d'étayer mon hypothèse diagnostic :</p> <p><i>« Quelle est sa tension ? »<br class='autobr' /> « 21/10 »<br class='autobr' /> « Quel âge a-t-elle ? »<br class='autobr' /> « 35 ans »</i></p> <p>Je l'examinai. A la palpation de son abdomen je trouvai une masse, ferme, arrondie. Je réclamai un doigtier gynécologique. Au fond du vagin, je butai contre tête d'un fœtus arrivé à terme. Le col était dilaté à pleine paume. Je déclarai tout de go :</p> <p><i>« Monsieur, ce que j'en pense, c'est qu'il s'agit d'une crise d'éclampsie chez une parturiente âgée. Si elle n'est pas transférée rapidement en maternité pour une césarienne, elle accouchera d'un bébé mort. Voilà mon diagnostic et le traitement que je préconise. »</i></p> <p>J'enlevai le doigtier gynécologique. Je regardai l'assemblée. C'était comme dans un film, lorsqu'il y a pause sur image. Ils étaient tous là au pied du lit, le regard fixe, rempli de stupeur. Enfin le Chef de service de médecine interne me remercia et me signifia que je pouvais quitter la chambre.</p> <p>J'appris quelque 48 heures plus tard que cette patiente avait été admise aux urgences au cours de la nuit précédant ma visite. L'assistant senior de chirurgie, à qui un avis avait été demandé, avait émis le diagnostic de pancréatite aiguë. Des examens de laboratoire avaient été pratiqués sans pour autant que la parturiente n'eût été examinée. Mon brillant diagnostic a précipité ma chute. L'assistant senior responsable se sentit humilié et m'en voulut à mort.</p> <p>J'appris plus de vingt ans après cette scène que les membres de l'Equipe chirurgicale m'en avaient fait voir de toutes les couleurs estimant que de toute façon, j'étais une femme, que par conséquent j'abandonnerais la chirurgie pour me tourner vers une carrière de mère de famille soumise à mon mari et Maître.</p> <p><strong>Dure, dure la vie de chirurgien</strong></p> <p>Etre disponible, en forme, physiquement et moralement. Qualités essentielles une bonne santé, la résistance au stress, le sens des responsabilités, l'autocritique. Sans oublier les compétences manuelles et les capacités intellectuelles.</p> <p>Jour après jour, il me fallait prouver que j'étais capable d'exercer un métier masculin. Jour après jour, je devais en faire plus que mes confrères masculins. En outre, j'étais mise sous haute surveillance. Aucune erreur n'aurait été tolérée. Normal, c'est la santé des patients qui est en jeu au bout du bistouri. J'étais scrutée, jugée, évaluée par tous et toutes.</p> <p>En août 1973, mes efforts aboutirent enfin. Mon dossier introduit à la Commission d'agrément de chirurgie au Ministère est accepté. Je suis spécialiste en chirurgie. Cependant mon combat au quotidien pour me faire accepter allait continuer jusqu'à la retraite.</p> <p>Pendant plus de vingt ans, malgré l'évolution de la société, mon arrivée, dans les cénacles du pouvoir, a continué, vu l'absence d'autres femmes, à provoquer l'étonnement voire le rejet. J'aurais pu être une infirmière, une secrétaire, mais pas un chirurgien. Quelle audace, quelle impudence ! Souvent la parole n'est pas accordée, ou coupée, donc déniée. Que quelqu'un parti de rien puisse rejoindre le club fermé des décideurs, cela dépassait leur entendement. Un coup de poignard dans leur ego, surtout pour des personnalités narcissiques. Malgré tous les obstacles, parfois violents, j'ai réalisé mon objectif, exercer le métier le plus passionnant qui soit : celui de chirurgien.</p></div> Moi, Paco, 34 ans, Sénégalais https://agesettransmissions.be/spip.php?article1378 https://agesettransmissions.be/spip.php?article1378 2021-10-03T07:41:00Z text/html fr Ecole, études Travail Immigration subsaharienne et descendants <p>Nous sommes au milieu des années 80. Les indépendances sont fraîchement acquises. Les étudiants de l'unique université du Sénégal endossent déjà cette réputation de fainéants et d'assistés, sujets aux manipulations politiques. Chaque année, on compte par centaines le nombre de jeunes diplômés qui viennent allonger la liste des chômeurs. <br class='autobr' /> Déjà tout petit, j'entendais dans mon entourage les gens dire que « la chance valait mieux qu'une licence ». Néanmoins, l'école française avait fini de séduire l'écrasante (...)</p> - <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?rubrique154" rel="directory">Au travail !</a> / <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot142" rel="tag">Ecole, études</a>, <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot166" rel="tag">Travail</a>, <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot194" rel="tag">Immigration subsaharienne et descendants</a> <img class='spip_logo spip_logo_right spip_logos' alt="" style='float:right' src='https://agesettransmissions.be/local/cache-vignettes/L96xH150/arton1378-b937e.jpg?1703436037' width='96' height='150' /> <div class='rss_texte'><p>Nous sommes au milieu des années 80. Les indépendances sont fraîchement acquises. Les étudiants de l'unique université du Sénégal endossent déjà cette réputation de fainéants et d'assistés, sujets aux manipulations politiques. Chaque année, on compte par centaines le nombre de jeunes diplômés qui viennent allonger la liste des chômeurs.</p> <p>Déjà tout petit, j'entendais dans mon entourage les gens dire que « la chance valait mieux qu'une licence ». Néanmoins, l'école française avait fini de séduire l'écrasante majorité de la population. Il faut admettre qu'un premier chef d'Etat, poète, y a fortement contribué. Mais certains cercles, encore très fermés, comme celui de ma famille, étaient toujours retranchés dans leurs idées conservatrices et voyaient en l'école française une énième ruse de l'homme blanc pour nous imposer sa vision du monde.</p> <p>De cette époque, les rares enfants de ma famille qui ont échappé à l'école coranique au profit de l'école française, sont ressortis à peine six ans plus tard. Selon nos parents, savoir lire et écrire était largement suffisant pour aider les siens dans les démarches administratives. S'aventurer au-delà des six ans, aurait été pour eux s'exposer à l'acculturation. Voilà un échantillon de la vision réductrice qu'avait ma famille de l'école française ; voilà l'environnent dans lequel, moi, fils de commerçant, et petit-fils de commerçant, j'ai baigné en fréquentant cette école. Mais au lieu des six ans, j'y suis resté quinze ans ! Un rescapé, c'est la manière dont je me définissais.</p> <p>En 1999, j'obtiens mon bac. Entre-temps, les mœurs ont évolué et le monde se présente sous d'autres formes. Ceux qui voulaient que j'arrête les études sont devenus, au fil du temps, mes plus fervents souteneurs. M'ayant très tôt découvert un goût prononcé pour les lettres, j'ai voulu m'inscrire à la Faculté de Droit mais mon père mit son veto. Je me rabattis alors sur mon second choix, la médecine. Un choix (un peu par défaut) qui enchantait tout le monde. On croyait avoir trouvé alors un beau compromis.</p> <p>Au bout de deux ans, cependant, je jette l'éponge ! J'en ai marre de l'anatomie, la biologie etc. J'ai l'impression de m'asphyxier jour après jour. Il n'y a rien à faire, c'est un mariage forcé et, malgré ma bonne volonté, l'alchimie ne prend pas. Ironie du sort, beaucoup m'en veulent d'avoir arrêté en si bon chemin ! Mais je reprends les rênes de ma vie et je me sens immunisé contre les critiques qui fusent de partout.</p> <p>Abandonner l'université, c'est une chose, se réorienter en est une autre ! On me harcèle d'interrogations… Depuis un moment, une idée commence à germer dans ma tête : monter un PME de distribution de matériel informatique. En d'autres termes, faire du commerce ! La nouvelle provoque un tollé et c'est sans doute l'un des moments les plus difficiles que j'aie connu. On a beau avoir une armure solide, elle ne protège pas contre la solitude ni l'incompréhension.</p> <p>Un an plus tard, après avoir essayé beaucoup de petits boulots, je lance mon projet avec un ami. On connaît des débuts difficiles mais, après deux années de vaches maigres, les fruits de nos investissements commencent à arriver. S'ensuivent huit années fécondes avec une certaine reconnaissance sociale.</p> <p>2010. Les affaires tournent au ralenti, la crise mondiale, qui a mis à genoux beaucoup d'économies, n'a pas épargné mes affaires. Et, lorsque le chef de l'Etat veut faire fi de l'opinion populaire et briguer un troisième mandat illégitime, le climat social se dégrade nettement. Comme disait Norbert Zongo : "Quand l'essentiel est en danger, s'opposer devient un devoir ». Comme tout bon citoyen, je descends dans la rue pour apporter ma pierre à l'édifice d'un rempart contre les dérives d'un octogénaire qui, jusque-là, avait pourtant bien servi son pays. Mais le pouvoir rend fou et celui qui fut jadis un opposant farouche du totalitarisme est devenu un homme méconnaissable, avide de pouvoir. Toute cette effervescence a réveillé en moi l'envie d'aller voir ailleurs. Un mois avant les élections, je quitte mon pays, au bord du gouffre.</p> <p>Je débarque en Belgique le 18 janvier 2012, un jour avant mon anniversaire. Je sais que parfois le hasard peut enfiler des habits qui ne sont pas les siens, mais une partie de moi veut croire que tout ceci est un nouveau départ. Un nouveau départ avec son lot d'espoir et d'incertitude… J'arrive dans un pays dont j'ignore les us et coutumes. Mais à priori, ici aussi, il y a un cortège de dissensions : un petit pays, trois communautés, une frontière linguistique, des Flamands séparatistes et des Wallons rattachistes. Entre le Sud et le Nord, c'est comme qui dirait « Je t'aime, moi non plus ». Cette vision, sans être fausse, n'est que l'arbre qui cache la forêt.</p> <p>Aujourd'hui, j'ai 34 ans et je suis en formation au FIJ afin de devenir technicien PC, support réseaux. Une nouvelle fois, je me retrouve dans une salle de classe avec des chaises dures, des tables uniformes, des murs nus et impersonnels… <br class='autobr' /> Est-ce un recommencement ? Est-ce une seconde chance ? Ou est-ce simplement une suite linéaire dans la vie d'un garçon épris de liberté d'un côté et passionné de l'autre ? J'avoue que je reste vague dans mes propres réponses… Quand j'étais petit, contrairement à beaucoup d'enfants, j'ignorais vraiment le métier que je voulais faire plus tard. Par contre, je savais ce que je ne voulais pas faire. Quelque part, j'ai toujours pensé que gagner ma vie en rendant service m'aurait pleinement satisfait. Aujourd'hui, j'apprends un métier qui, je l'espère, me permettra de concrétiser cette aspiration.</p> <p>Tout plaquer, quitter son chez-soi pour une destination loin d'être évidente n'a pas été une chose aisée. Mais peut être que grandir, c'est faire le tri dans ses rêves ? Lorsque je consulte mon rétroviseur, je ne vois pas l'itinéraire d'un vainqueur mais plutôt le parcours d'un combattant. J'ai renoncé à certaines de mes ambitions et en ai mis en veille d'autres. Mais malgré un parcours irrégulier, cette envie de gagner ma vie en rendant service n'a jamais cessé de brûler en moi. Le temps et les expériences vécues m'ont permis de comprendre que réussir sa vie, ce n'est pas forcement réussir dans la vie !</p> <p>Seize mois se sont écoulés depuis mon arrivée en Belgique. Ce petit pays, capitale de l'Europe, au peuple « melting-pot », doté de merveilles historiques, artistiques, architecturales et naturelles, m'a déjà beaucoup donné. J'ai appris à l'aimer sans avoir fini de le connaître, parce que, dans mon désert d'incertitudes, la Belgique a été mon oasis.</p></div> Mon premier emploi au Congo (Christian C.) https://agesettransmissions.be/spip.php?article1377 https://agesettransmissions.be/spip.php?article1377 2021-10-03T07:35:00Z text/html fr Colonisation Travail Expatriation <p>Un emploi dans l'hydroélectricité pendant la sécession katangaise <br class='autobr' /> 1958, exposition universelle de Bruxelles, dans le pavillon du Congo, j'admire la maquette du projet de la centrale hydro électrique d'Inga dont certains rêvaient d'en transporter l'énergie jusqu'au Caire et même jusqu'en Europe via l'Espagne. <br class='autobr' /> 15 août 1962, diplôme d'ingénieur technicien en poche, je monte, avec un collègue, dans un vol Sabena pour le Congo : Rome, Entebbe, N'Dola, la Rhodésie du Nord… Du hublot je découvre cette Afrique qui (...)</p> - <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?rubrique154" rel="directory">Au travail !</a> / <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot138" rel="tag">Colonisation</a>, <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot166" rel="tag">Travail</a>, <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot188" rel="tag">Expatriation</a> <img class='spip_logo spip_logo_right spip_logos' alt="" style='float:right' src='https://agesettransmissions.be/local/cache-vignettes/L96xH150/arton1377-a7143.jpg?1703435509' width='96' height='150' /> <div class='rss_chapo'><p>Un emploi dans l'hydroélectricité pendant la sécession katangaise</p></div> <div class='rss_texte'><p>1958, exposition universelle de Bruxelles, dans le pavillon du Congo, j'admire la maquette du projet de la centrale hydro électrique d'Inga dont certains rêvaient d'en transporter l'énergie jusqu'au Caire et même jusqu'en Europe via l'Espagne.</p> <p>15 août 1962, diplôme d'ingénieur technicien en poche, je monte, avec un collègue, dans un vol Sabena pour le Congo : Rome, Entebbe, N'Dola, la Rhodésie du Nord… Du hublot je découvre cette Afrique qui m'a tant fait rêver : huttes, sentiers rouges, savane sèche, liserés verts le long des rivières… Nous gagnons Elisabethville en bus, le trajet est ralenti par les barrages de l'ONU. La sécession katangaise, proclamée par Moïse Tshombé le 11 juillet 1960, oblige. Pris immédiatement en charge, nous passons quelques jours dans la centrale de Mwadingusha, créée en 1929, sur la Lufira, affluent du Congo. Mon collègue y restera et je serai désigné pour la centrale de Delcommune, près de Kolwezi, sur l'affluent principal, le Lualaba.</p> <p>Ba,be,bi,bo,bu de la technique… jusqu'à présent elle était en deux dimensions, la voilà en 3D… Le bruit et les vibrations au démarrage d'une turbine, les prises de parallèles… un singe électrocuté dans les cellules de 6 kilovolts des services auxiliaires, un serpent qui s'engage entre deux phases…le voilà cuit… ou encore un hippopotame qui se dresse sur la route du barrage… Mais outre la faune et la flore, il faut se faire au genre humain : une dizaine de Belges et leurs familles – ingénieurs, contremaîtres, chef de cité auxiliaire médical, électriciens, mécaniciens – et une centaine de Katangais. Les premiers vivent au centre urbain sur la colline dominant le lac de N'Zilo, les seconds dans la cité plus proche des rives. Tennis, piscine, jeu de quilles ou de boules, cercle avec films de Belmondo ou Fernandel, les mercredis et samedis soir, parties de poker, cocktails, mazout, pétrole, bière Simba ou Tembo… le tout « réservé aux Blancs » et… d'un mortel ennui. Il y a aussi les invitations du petit nouveau où les anciens, sourire en coin, font mettre la double dose de piments dans la moambe ou la calderade.</p> <p>Une grande villa m'est attribuée. Patrice la gère, y fait le jardin, la cuisine. Une préposée belge coordonne les achats et les frais engagés. Deux fois par semaine, les jours du courrier, une camionnette descend faire les courses à Kolwezi. On attend avec impatience les nouvelles de Belgique, parfois un colis. Ces missives sont le soutien moral des parents et des amis… il fallait plusieurs semaines pour recevoir une réponse à ses questions !</p> <p>Chaque dimanche, à 10 h, la messe est célébrée par un père franciscain. La chapelle de style néo-roman, en grosses pierres, est située à mi-chemin entre le centre et la cité, vrai trait d'union entre deux mondes, mais j'y suis souvent le seul Blanc… Les chants des enfants réveillent en moi, aujourd'hui encore, d'heureux sentiments.</p> <p>Jean Francq, chef de centrale, est chargé de ma formation. Lors des troubles de l'Indépendance, les plans de la centrale ont été perdus. Me voilà passant d'un étage à l'autre, parfois rampant, suivant un à un les circuits d'huile, d'eau de refroidissement, d'air comprimé. Je me familiarise avec les relais, les fileries des circuits de commande et de signalisation. Après quelques jours, je parviens à distinguer un transformateur de courant, de puissance ou de tension. Dans le grésillement et les étincelles, j'apprends, ganté de caoutchouc et muni d'une perche, à fermer ou ouvrir un sectionneur de moyenne tension ou de 115 KV. Les schémas électriques sont reconstitués et simplifiés pour en faire des schémas de principe. Ils me seront fort utiles lors des dépannages.<br class='autobr' /> Les menaces de guerre, suite à la sécession katangaise, obligent à modifier certains circuits de manière à empêcher le démarrage des turbines si elles tombaient aux mains de l'ennemi. Toute la séquence de démarrage doit se dérouler correctement mais, au moment d'entrer en service, la machine doit se mettre à l'arrêt. J'y arrive si bien qu'un jour je déclenche le groupe voisin qui fonctionnait : rugissement de la turbine qui monte en survitesse et fermeture de la vanne qui doit interrompre le passage de 40 m3 d'eau par seconde… Erreur de jeunesse qui me sera pardonnée.</p> <p>La centrale est récente, elle date de 1954, mais il faut déjà repeindre l'intérieur des conduites forcées. Opérations préliminaires : arrêt complet de la centrale, pose des batardeaux, vidange du tunnel de 2 km et des conduites forcées. Le sablage sous pression permet de mettre le métal à nu afin d'assurer un bon accrochage du nouvel enduit bitumineux. Mais il y a un hic, c'est la saison des pluies. A peine le sable projeté par air comprimé a-t-il enlevé la peinture qu'un léger film couleur rouille apparaît sur la tôle… L'obstination est la principale qualité pour trouver des solutions. Jean Francq assure l'équipe de jour, moi celle de nuit. Le matin nous confrontons nos expériences et nous décidons d'assurer de meilleures purges de l'air à la sortie des compresseurs… en vain. Le sable de la carrière voisine serait-il trop humide ? De grands bacs métalliques sur pied, un feu de bois d'enfer par dessous… un nombreux personnel pour remuer le sable avec de longs râteaux. La recette est affinée et le succès assuré. L'acier retrouve sa couleur gris métal et les dernières heures de la nuit laissent la place aux peintres.<br class='autobr' /> Trois mois de cette école m'ont appris plus que quatre années d'études ! En prise directe avec les problèmes, l'imagination est sans limites pour trouver d'heureuses issues.</p> <p>Une petite note d'humour...historique : une conférence d'état major se déroule au cercle. J'y fais connaissance de Moïse Tshombé, Président du Katanga. Il s'enquiert auprès de M . Liekens, directeur, du bon fonctionnement des centrales. « Oh, dit M. Liekens, la centrale de Delcommune est à l'arrêt pour travaux d'entretien. Mais ne vous en faites pas, la centrale Le Marinel tourne volle gaz ! » « Ah bon, répond le Président, vous ne tournez plus à l'eau ? ». Cette boutade fera le tour du Katanga.</p> <p>Fin 1962, je suis envoyé faire un remplacement au dispatching de Shituru à Jadotville, centre d'interconnexion des réseaux de 110 et 220 kilovolts. Ce centre surveille les réseaux 24 h sur 24. Le travail est organisé en trois pauses de 8 heures. Je loge à 3 kms, dans la maison de passage. Je n'ai pas de voiture. J'achète le vélo du fils d'un collègue. Je me fais vite repérer, je suis le seul Blanc à me rendre au travail, à bicyclette ! Longue montée à l'aller, descente douce au retour. La nuit, le passage de 3 à 5 heures du matin est le plus pénible. Parfois je lime et polis une statuette en cuivre pour maintenir mon esprit en éveil. Noël approche et la reconquête du Katanga est décidée au Conseil de sécurité de l'ONU. Moïse Tshombé, Président du Katanga, harangue ses troupes mais la panique est plus forte et les gendarmes katangais fuient vers Kolwezi. Pour retarder la progression des casques bleus de l'ONU, les mercenaires européens et sud-africains – surnommés « les affreux » par la population belge – voulaient imposer la politique de la terre brûlée et faire sauter les barrages de Kolwezi mais le Président katangais s'y opposera.</p> <p>Une nuit, toutes les alarmes s'activent : sonneries, klaxons, feux clignotants. Avec mon adjoint africain, nous gardons un calme tout relatif. Des lignes de 110 Kv. déclenchent, il faut effacer les alarmes en identifiant les défauts apparus, remettre en concordance les boutons « tourner-pousser ». M. Van Cauwenberghe, directeur de Sogelec-Sogefor m'appelle d'Elisabethville : « La ville est sans courant. Refermez les disjoncteurs qui ont déclenché ». Vaine tentative, les protections électriques ayant fonctionné une première fois empêchent le rétablissement de la situation. Des « affreux » ont fait sauter des pylônes d'angle provoquant « le jeu de quilles » des pylônes intermédiaires.</p> <p>Deux jours plus tard, Jean Francq m'apprend que le barrage de Delcommune a été miné et la centrale mise à l'arrêt. C'est au tour de Jadotville d'être sans courant. A Shituru, un groupe de mercenaires pénètre au dispatching et nous donne l'ordre de saboter les installations. Je ne suis pas seul, M. de Rosenbaum, directeur, sa femme et M. Devos logent sur place. Avec mon adjoint africain et M. Devos, munis de clés et de tournevis, nous démontons les pièces de commande des disjoncteurs. Et tout à coup, des bruits d'explosion. « Couchez-vous ! » Mon sens de commandement de chef scout refait surface… Des débris retombent sur les toitures en tôles ondulées. Au retour à la salle de commande, les « affreux » raflent ma provision de chocolat Côte d'Or… Les jours suivants sont sans électricité, les usines et les ateliers pratiquement à l'arrêt. Les vieux « diesel » de secours seront remis en service et un strict rationnement permettra quelques heures de courant quartier par quartier. Mes parents seront rassurés sur ma santé par le correspondant italien d'un radioamateur. Le 3 janvier 1963, les casques bleus occupent Jadotville.</p> <p>Je profite de quelques jours de récupération pour aller à Elisabethville. Les ponts sur la Lufira ont sauté. Des « touques », fûts d'huile vides de 200 litres, reliées par des câbles servent de support à un plancher grossier. Des Gurkhas indiens lancent un pont Bailey, pont métallique préfabriqué, pour rétablir le trafic routier. Les câbles électriques des pylônes de la ligne haute tension gisent sur plusieurs kilomètres… Des équipes de secours sont au travail.</p> <p>De nombreuses familles belges vivent à Jadotville. Elles apprennent que j'ai fait du scoutisme. Me voilà engagé à participer avec des jeunes chefs katangais à un week-end de formation. Leur foi m'impressionne et les partages d'expérience sont fructueux. Très vite je suis nommé chef de la troupe blanche. Un comité de parents demande que je reste à Jadotville. Mais ma mission de remplacement est achevée et je retourne à Delcommune où d'autres défis m'attendent.</p> <p>Lorsqu'on a un savoir-faire, il faut le faire savoir et donc former les Africains. Je donne de petits cours d'électricité et de mécanique. Les opérateurs ont de longues heures de veille pour apprendre. Cette initiative n'est pas toujours prisée par la hiérarchie… Heureusement Bruxelles me soutiendra dans ma démarche.</p> <p>Quarante mois de prise directe avec la réalité concrète m'ont formé pour résoudre les questions hydroélectriques les plus complexes. Ma carrière s'arrêtera en 2002. Les plus belles années étaient encore à venir : Colombie, Equateur, Mali, Nigéria, Brésil…</p> <p>L'amitié sans frontières a défié le temps. Une ou deux fois par an, j'ai encore un contact téléphonique avec Edouard Kaniki, secrétaire de la centrale et adjoint au chef de la cité. Il est père de 14 enfants et vit à Kananga au Kasaï.</p></div> La maison TOBIE (Françoise T.) https://agesettransmissions.be/spip.php?article1376 https://agesettransmissions.be/spip.php?article1376 2021-10-03T07:30:00Z text/html fr Technologie (évolution) Travail <p>Mon métier d'institutrice n'a pas été le seul métier de ma vie. J'y ai consacré cinq années, jusqu'en juillet 1963. Mon mari et moi venons de nous marier. Je comprends vite que mon mari est fait pour être indépendant car il est très personnel, n'aime pas l'autorité et possède beaucoup de qualités d'endurance. En février 1964, après la naissance de notre premier fils, Pierre, nous décidons de nous « jeter à l'eau » : j'arrête l'école – lui quitte son patron chez qui il est dépanneur TV et nous ouvrons notre (...)</p> - <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?rubrique154" rel="directory">Au travail !</a> / <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot165" rel="tag">Technologie (évolution)</a>, <a href="https://agesettransmissions.be/spip.php?mot166" rel="tag">Travail</a> <img class='spip_logo spip_logo_right spip_logos' alt="" style='float:right' src='https://agesettransmissions.be/local/cache-vignettes/L96xH150/arton1376-d99e3.jpg?1703441684' width='96' height='150' /> <div class='rss_texte'><p>Mon métier d'institutrice n'a pas été le seul métier de ma vie. J'y ai consacré cinq années, jusqu'en juillet 1963. Mon mari et moi venons de nous marier. Je comprends vite que mon mari est fait pour être indépendant car il est très personnel, n'aime pas l'autorité et possède beaucoup de qualités d'endurance.<br class='autobr' /> En février 1964, après la naissance de notre premier fils, Pierre, nous décidons de nous « jeter à l'eau » : j'arrête l'école – lui quitte son patron chez qui il est dépanneur TV et nous ouvrons notre magasin situé au 96 b, Chaussée de Tervueren à Auderghem, près du Rouge Cloître, quartier « Sainte Anne ». Nous sommes le premier distributeur TV de la commune.</p> <p>Notre première TV, de marque « Siera » noir et blanc, est mise en vitrine : c'est la seule que nous ayons en stock et elle appartient à mon mari.<br class='autobr' /> Je suis tellement émue lors de la première vente … que je fais la démonstration sans brancher l'antenne ! Devant toute cette neige sur l'écran, le client me demande : « Ne faut-il pas brancher une antenne ? » Nous rions … et la vente se fait. Ou plutôt, elle se fera deux jours plus tard, le temps d'aller acheter la TV neuve chez Philips !</p> <p>Mes parents nous prêtent alors 200.000 francs belges pour la location du magasin, l'achat d'une 2 CV Citroën camionnette et deux TV neuves. Philips nous fait d'emblée confiance en nous « prêtant » deux TV.<br class='autobr' /> Pour chaque client qui achète une TV, mon mari monte l'antenne pour « les 2 Bruxelles et Lille ». Son hauteur s'élève entre 9 m et 13 m. C'est, pour lui, un métier de plus.<br class='autobr' /> Les clients apprécient le fait d'avoir ce service-là, car la télédistribution n'existe pas à l'époque.</p> <p>Quel bon argument de vente, ce travail ! Pourtant ce n'est pas sans difficultés (les toits sont pentus, la météo n'est pas toujours au beau fixe, …) ni sans risques : à deux reprises, c'est la chute. La première fois, mon mari parvient à se rattraper … Mais la deuxième fois, seule une brave et solide corniche lui sauve la mise.</p> <p>Le grand boum pour nous fut l'avènement de la TV couleur. Les premières TV couleur arrivent sur le marché en 1967. Elles sont bien plus volumineuses et lourdes que les TV noir et blanc.<br class='autobr' /> Vite, elles inondent les vitrines des distributeurs TV car elles sont très attirantes. Presque tous les clients l'acquièrent à crédit, après avoir contracté un prêt par la banque car le prix est plus que doublé !</p> <p>Le 16 juillet 1969 a lieu le décollage de la capsule « Appolo 11 » de Floride qui atterrira sur la Lune avec Aldrin, Collins et Amstrong. <br class='autobr' /> Le 21 juillet à 4 heures du matin, Amstrong pose les pieds sur la Lune et prononce « un petit pas pour l'homme, … un grand pas pour l'humanité ». <br class='autobr' /> Les millions de téléspectateurs de par le monde n'oublieront jamais cette épopée !! A cette occasion, le chiffre de vente de nos TV atteint des sommets … quel engouement !</p> <p>Le GB d'Auderghem commence à vendre des TV aussi. C'est de cette époque que date notre formule « Trois années de garantie totale ». Le soir, chacun à notre tour (car les enfants ne restent jamais seuls), nous distribuons nous-mêmes la publicité dans les boites aux lettres.<br class='autobr' /> Après quelques mois, nous apprenons que le GB d'Auderghem a renoncé à vendre des TV pour se rabattre sur l'électroménager.<br class='autobr' /> A nouveau, nous sommes seuls.</p> <p>Nous travaillons de jour comme de nuit, installant les antennes en journée avec deux amis (car l'haubanage demande d'être aux différents coins du toit, pour redresser le mât), dépannant le soir les TV à domicile et livrant les TV neuves.<br class='autobr' /> Et il faut encore trouver du temps pour réparer à l'atelier. <br class='autobr' /> En 1969, nous déménageons à « St Julien », chaussée de Wavre 1268, où nous achetons une maison à deux façades, l'une donnant sur la chaussée de Wavre, l'autre sur la rue Valduc).<br class='autobr' /> Le travail devient lourd et nous employons un voisin qui, le soir, livre les TV dépannées et les nouvelles TV.</p> <p>Moi, je me contente d'être la vendeuse attitrée, de répondre au téléphone. J'ai appris à écouter. Chaque client raconte facilement … et les écouter est tellement agréable pour eux.<br class='autobr' /> Le reste du temps, j'élève notre deuxième fils Siméon (né en mars 1965) et je conduis les enfants à l'école. La comptabilité sera … pour le dimanche !<br class='autobr' /> J'aime également m'occuper de la publicité car j'ai compris que c'est un point des plus importants pour réussir !<br class='autobr' /> Aux fêtes de quartier, on sillonne les rues principales avec la 2 CV camionnette en clamant dans le haut-parleur à qui veut l'entendre… notre nouvelle formule de garantie totale de trois ans ! En roulant, on offre des ballons gonflables de couleur aux enfants.</p> <p>Notre magasin se situe à hauteur de l'arrêt de bus et les piétons attendent leur bus en regardant la TV en vitrine. Mon mari a raccordé un haut-parleur dans la cave par le soupirail.<br class='autobr' /> La première vitrine incassable a été inaugurée chez nous après deux vols !<br class='autobr' /> Un jour, un habitant de Ganshoren commande. Nous livrons avec promesse de paiement rapide. Nous n'avons jamais reçu le moindre franc. Mon mari décide d'aller rechercher sa TV. Il attend à l'entrée de l'immeuble, tôt le matin, que quelqu'un sorte pour rentrer dans le bâtiment. Il monte, sonne, s'annonce. La dame n'ouvre pas. Mon mari se fâche et la dame se met à rire. Lui, s'énerve et finit par défoncer la porte. En une fois, la porte tombe. Il reprend sa TV et part. Peu après, une plainte est déposée et l'inspecteur de police d'Auderghem nous appelle. Mon mari s'explique sincèrement. L'inspecteur finit par prendre notre défense en écrivant aux collègues de Ganshoren. L'affaire sera classée « sans suite ».</p> <p>Un samedi après-midi, un client me dépose sa TV en panne. Pas d'image. Il me supplie pour qu'elle soit réparée le jour même… Le samedi après-midi mon mari ne rentre pas, vu son travail à domicile. Alors, voyant l'heure avancer, je décide d'ouvrir le panneau arrière … C'est déjà toute une histoire ! Je teste une à une les lampes. Finalement, je résous la panne en remplaçant une lampe « PL36 ». Quelle fierté pour moi ! Le soir, le client vient récupérer sa TV et me demande de bien remercier mon mari pour le dépannage supplémentaire !</p> <p>En 1977, après la naissance de Vasco, nous « remettons » notre magasin … magasin qui aujourd'hui encore porte l'enseigne de « Maison Tobie ».<br class='autobr' /> Après quelques années, je reprendrai mon métier d'institutrice avec grand plaisir. Des enfants devant moi … c'est quand même mille fois mieux que des TV !</p></div>